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En visite au Rwanda, Macron nous rejoue la repentance !

La France est certainement le seul pays au monde où la repentance est érigée en règle absolue de bonne conduite et de politiquement correct.

Ainsi, celui qui ne se repent pas, qui ne s'autoflagelle pas, qui n'a pas honte de l'histoire de France, qui ne veut pas balayer d'un trait les racines judéo-chrétiennes et gréco-latines de notre culture, qui préférera le français à l'anglais à l'international, passera pour un sale chauvin, un franchouillard, un réactionnaire, un extrémiste, voire un complotiste. 

Lors de sa visite en mai dernier au Rwanda, Macron a été parfait dans son rôle de repenteur professionnel. Il s'est plié au diktat de la bien-pensance dictée par les Anglo-Saxons lesquels ne se repentiront jamais, eux, alors que pourtant ils sont loin d'être blancs dans cette affaire, et qu'ils ont soutenu, et continuent de soutenir sans vergogne, le dictateur Kagame et le désordre qu'il engendre dans cette partie-là de l'Afrique avec ses millions de morts.

Mais Macron et Kagame ont un point commun : ils veulent que leur pays passe à l'anglais. 

Kagame y est parvenu. Dès la rentrée scolaire de 2010, le Rwanda, pays d'Afrique Noire dont la langue de l'enseignement était jusqu'alors le français, a basculé à l'anglais. C'est le président-génocidaire, Paul Kagame, le protégé des États-Unis d'Amérique et de la trilatérale des décideurs anglo-saxons, qui a décidé cela pour remercier ses amis anglophones de l'avoir mis en place à la tête du pays.

Quant à Macron, ses ministres sont à la manoeuve :

- Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, veut que l'on enseigne dès le primaire certaines matières directement dans une langue étrangère (comprendre l'anglais).

- Vidal, la ministre de l'enseignement Supérieur a instauré pour la rentrée prochaine l'obligation de passer une certification en langue anglaise pour l'obtention de toute licence professionnelle.

- Et nous ne parlons pas des marques à connotation anglaise qui émanent de l'État français : "Choose France", "Health data hub", "La French Tech", "Next 40", "French Impact", "La French Bank", etc.

- Sans oublier, bien sûr, la nouvelle carte nationale d'identité qui devrait être en bilingue français-anglais.

- Etc.

 

Macron, le discours de la honte !

En voyage au Rwanda, et après une visite du Mémorial du génocide des Tutsis, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé un discours sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994.

« Emmanuel Macron, un Homme politique né d’une PMA entre le grand capital et les Minotaures de la repentance », Bernard Lugan.

DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU MÉMORIAL DU GÉNOCIDE PERPÉTRÉ CONTRE LES TUTSIS.

« Seul celui qui a traversé la nuit peut la raconter ».

Ce sont ces paroles, empruntes de gravité et dignité, qui résonnent en ce lieu, ici au mémorial de Gisozi, à Kigali.

Raconter la nuit.

Ces paroles convoquent un insondable silence. Le silence de plus d’un million d’hommes, de femmes, d’enfants, qui ne sont plus là pour raconter cette interminable éclipse de l’Humanité, ces heures où tout s’est tu.

Elles nous racontent la course éperdue des victimes, la fuite dans la forêt ou dans les marais. Une course sans arrivée et sans espoir, une traque implacable qui reprenait chaque matin, chaque après-midi, dans une terrible et banale répétition du mal. 

Suite sur : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/05/27/discours-du-president-emmanuel-macron-depuis-le-memorial-du-genocide-perpetre-contre-les-tutsis-en-1994



Macron au Rwanda : réaction de Bernard Lugan.

« Emmanuel Macron au Rwanda, un cas clinique de masochisme et de mensonge historique »

Drapé dans les incohérences, les omissions et les mensonges du « rapport Duclert », le président Macron vient :

1) Contre l’état des connaissances historiques, de reconnaître  « la responsabilité » de la France dans le génocide du Rwanda. Un génocide  effectué avec des machettes….arme jusque-là considérée comme peu  en usage en France…

2) De cautionner l’histoire  du génocide écrite par le régime du général Kagamé. Une histoire-propagande qui tient en trois points :

1) Le génocide était prémédité.
2) La France a soutenu les génocidaires groupés autour du président Habyarimana.
3) Le président Habyarimana a été assassiné par ces mêmes génocidaires.

Or, ces trois points ayant été définitivement balayés par les travaux du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda-ONU) consciencieusement ignorés par le « Rapport Duclert », en plus d’humilier la France, Emmanuel Macron laissera dans l’histoire l’image d’un Lyssenko de l’histoire. Il ne pourra en effet pas dire qu’il ne savait pas puisque la réfutation détaillée de cette propagande historique a été faite dans mon livre « Rwanda un génocide en questions » publié au Rocher et réédité en 2021 et que je lui ai fait directement parvenir à l’Elysée. 

Source : artofuss.blog, le jeudi 27 mai 2021
Possibilité de mettre un commentaire à la suite de cet article en allant sur : https://artofuss.blog/2021/05/27/macron-au-rwanda-reaction-de-bernard-lugan/ 



Le génocide du Rwanda a été commis par des Rwandais contre des Rwandais !

Colonel Jacques Hogard : « La France est accusée, or, le génocide du Ruanda a été commis par des Ruandais contre des Ruandais »

Emmanuel Macron est arrivé, le jeudi 27 mai, au Ruanda. Il a prononcé un discours très attendu au Mémorial Gisozi de Kigali, vingt-sept ans après le génocide de 1994.

Réaction du colonel Jacques Hogard, qui participa à l’opération Turquoise avec l’armée française au Ruanda.

La France a des responsabilités, mais n’est pas complice. C’est un peu la synthèse du discours qu’Emmanuel Macron a prononcé aujourd’hui, à Kigali, capitale du Ruanda. On s’attendait à ce que le président de la République aille plus loin que ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy à l’époque. Qu’avez-vous pensé du discours présidentiel que vous avez écouté ?

J’ai trouvé que c’était un numéro de grand équilibriste. On sent bien qu’il a entendu un certain nombre de discours contraires, les discours de ceux qui l’engageaient vivement à prononcer des excuses ou ceux, au contraire, qui lui conseillaient une certaine prudence. Nous sommes à un an des élections. Il a mal démarré avec l’armée française avec la démission du général de Villiers. Ensuite, il y a eu l’affaire des tribunes qui ont un peu secoué l’actualité. Il fallait qu’il fasse très attention parce que les militaires, et en particulier les anciens de l’opération Turquoise, étaient très vigilants. Il a donc eu une phrase très correcte sur ce plan-là en disant que nous n’avions pas à rougir de ce que nous avions fait là-bas.

Le colonel Jacques Hogard sur le génocide du Rwanda.

Depuis ce génocide atroce, la responsabilité de la France est régulièrement mise en cause par le gouvernement de Paul Kagamé, le président du Ruanda. Finalement, on ne parle à aucun moment des responsabilités du gouvernement ruandais. La France est-elle condamnée à être la seule à faire amende honorable sur ce triste épisode ?

Vous avez raison de dire cela. Le régime de Paul Kagamé est arrivé au pouvoir en 1994. Lui est devenu officiellement président avec tous les pouvoirs un peu plus tard, en 2000. Dès 1994, il était déjà l’homme fort de ce régime. Ce régime est un régime totalitaire, dictatorial, qui a une responsabilité dans les drames qui ont suivi dans toute la région des Grands Lacs depuis 1994. L’excellent Vincent Hervouet, sur Europe 1, a cité, la semaine dernière, que cinq millions de personnes étaient mortes. Ces morts ont été exterminés par les armées de Paul Kagamé et d’autres milices plus ou moins subordonnées poursuivant des Ruandais hutus, et des centaines de milliers de Congolais exterminés dans des conditions atroces. Le régime de Paul Kagamé a mis la main sur des provinces orientales de la République démocratique du Congo dont elle exploite sans vergogne les richesses. C’est ainsi que le Ruanda est exportateur de coltan, alors qu’il en n’a pas un gramme dans son sous-sol.

Bien sûr, la France a mené une politique. On peut rappeler les exemples de Yougoslavie et d’ailleurs, mais il y a, au Ruanda, une seule accusée, c’est la France. Or, c’est un génocide commis contre des Ruandais par des Ruandais et ce génocide faisait suite à d’innombrables massacres commis par des Ruandais contre des Ruandais. Ce n’est pas fini et, aujourd’hui, c’est un régime implacable qui s’est mis en place, instrumentalisant le génocide de 1994.

Pourquoi continuer à « se plier en quatre » devant le gouvernement ruandais ?

Il y a un peu d’idéologie. L’exemple même de cette idéologie, c’est le rapport Duclert qui est tout sauf historien, mais plutôt politique, partiel et partial. Il maintient les zones d’ombres très importantes pour créditer le reste d’affirmations qui sont, encore une fois, très contestables. Il y a aussi des raisons économiques. Le Ruanda a mis la main sur des richesses colossales dont il prive la République démocratique du Congo alors qu’il en est le légitime propriétaire. Il y a aussi beaucoup d’arrangements économiques et financiers. Le Ruanda, aujourd’hui, est un peu la Prusse de l’Afrique centrale. C’est un gouvernement autoritaire, pour ne pas dire totalitaire. Ce gouvernement sert une minorité du pays et maintient un régime de fer pour le bénéfice d’une oligarchie assez réduite en nombre. Je pense que c’est cela, la vraie offensive diplomatique. Macron se donne un rôle pour l’Histoire, de l’homme qui aura reconnu sans reconnaître, qui se sera repenti sans se repentir. À mon sens, il y a des intérêts sonnants et trébuchants.

Source : bvoltaire.fr, le jeudi 27 mai 2021



La normalisation des relations avec le Rwanda ne doit pas se faire à n’importe quel prix !

ENTRETIEN. Le colonel belge Luc Marchal est l’ancien numéro 2 de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). Il a été au cœur des événements dramatiques de 1994. En ce jour de visite officielle d’Emmanuel Macron au Rwanda, nous l’avons interrogé sur ce dossier brûlant.

Front populaire : Le président français est à Kigali aujourd’hui. Que pensez-vous de cette visite ?

Luc Marchal : Pour être sincère et bref, cette visite me fait penser à une autre visite historique. Celle rendue par Edouard Daladier et Neville Chamberlain au chancelier Adolf Hitler en septembre 1938 et qui s’est concrétisé par la signature des accords de Munich. Le but des émissaires franco-britanniques était de sauver la paix, mais au prix du dépeçage de la Tchécoslovaquie. C’est ce qui fit dire à Winston Churchill : Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre. Qu’en sera-t-il des conséquences de la visite du président Macron à Kigali ? L’avenir nous le dira. En tout cas, au-delà des intérêts franco-français qui sont en jeu, si l’une des conséquences est l’officialisation de la balkanisation en cours de la République Démocratique du Congo, notamment par le Rwanda, alors cette visite serait bel et bien un véritable Munich bis.

FP : Faut-il « normaliser les relations » avec un État qui, en la personne de son président Paul Kagamé, accuse la France de complicité de génocide depuis des années ?

LM : Je peux comprendre qu’une normalisation des relations entre la France et le Rwanda soit recherchée, mais je reste d’avis que cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Voilà des années que la France est accusée de toutes les forfaitures par le président rwandais. Voilà des années que celui-ci jette l’opprobre sur l’armée française et son action au Rwanda. Plusieurs ressortissants français ont été assassinés en avril 1994 : l’équipage du Falcon 50 et deux gendarmes ainsi que l’épouse d’un des deux. Sans oublier les innombrables autres victimes. Vouloir faire table rase du passé et considérer ces victimes comme des dégâts collatéraux au prix d’une hypothétique normalisation me paraît difficilement acceptable. Pour exprimer mon sentiment, je reprendrai les paroles du Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix : lorsque vous essayez de sacrifier la justice sur l’autel de la paix, vous n’avez finalement ni justice ni paix.

FP : Vous avez été aux premières loges de toute cette histoire dans les années 1990. Pouvez-vous nous raconter votre rôle ?

LM : Je suis arrivé au Rwanda le 04 décembre 1993, pour occuper, au sein de la Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (Minuar), la fonction de commandant du Secteur Kigali. Le déploiement de cette mission des Nations Unies était la conséquence des accords de paix d’Arusha, signés le 4 août 1993 entre le gouvernement rwandais de l’époque et le Front patriotique rwandais (FPR). Consécutivement à ces accords de paix, le Conseil de Sécurité des Nations Unies fixa le cadre juridique de la Minuar, le 5 octobre 1993, par le vote de la résolution 872. Le Secteur Kigali était une vaste zone d’environ 1.000 Km² englobant la capitale du pays ainsi que l’aéroport international Grégoire Kayibanda. Au sein de cette zone sous mon contrôle opérationnel, mieux connue sous l’appellation de « Zone de consignation des armes », un protocole d’accord définissait très minutieusement ce qui était autorisé et ce qui ne l’était pas. Ce protocole avait été négocié et signé par les parties concernées par le processus de paix, soient : le gouvernement rwandais, le FPR et la Minuar. Cette description très générale de ma mission est destinée à faire comprendre que dans l’exercice de mon commandement, j’étais en contact direct non seulement avec les autorités militaires du Rwanda et du FPR, mais également avec les différentes autorités politiques et administratives lorsque leur domaine de compétence touchait à l’exécution de ma mission, ce qui était plutôt fréquent.

FP : L’assassinat du président Habyarimana a eu un rôle clef dans le drame rwandais. Que savez-vous de cet événement ?

LM : En effet, cet attentat est bien l’élément déclencheur des tragiques événements qui l’ont suivi et dont les conséquences déstabilisatrices sont toujours d’actualité dans la région des Grands Lacs.

Je l’ai vécu au premier degré, bien conscient de son caractère historique et de ses conséquences potentielles. Soit la Minuar parvenait à gérer la situation et éviter la reprise des hostilités entre les forces gouvernementales et le FPR de Kagamé, soit c’était le chaos garanti. On sait ce qu’il en a été.

Ce n’est que plus tard, une fois rentré en Belgique, que j’ai été en mesure de prendre le recul nécessaire afin d’analyser cet attentat au regard de mon vécu. Tout d’abord, quand je me suis retrouvé à la réunion du comité de crise qui s’est tenue à l’état-major des Forces armées rwandaises (FAR), de suite après l’attentat, je n’ai pu que constater que j'étais en présence d’hommes profondément bouleversés et désemparés par ce qui venait de se passer et non face à des conspirateurs. Leur démarche n'avait d'autre but que d’évaluer les conséquences de la disparition du chef de l’État et du chef d’état-major de l’armée afin d’éviter que ce vide du pouvoir ne débouche sur l’anarchie. Sans la moindre ambiguïté possible, ils ont fait appel à la Minuar pour les aider à gérer cette crise issue de l’attentat et aussi pour répercuter vers le Conseil de Sécurité l’expression de leur volonté de voir les institutions de transition se mettre en place le plus rapidement possible, conformément aux accords d'Arusha. Si des organisateurs de l’attentat s’étaient trouvés à ce moment-là autour de la table, cette réunion se serait déroulée de manière bien différente et qui plus est, dans pareille éventualité, j’ai de sérieux doutes que le général Dallaire et moi-même aurions été conviés à y participer.

D’autre part, au plan technique, un coup d’État est quelque chose qui répond à des critères généraux. Si l’on veut garantir le succès de l’opération, on ne prend aucun risque. Tous les éléments militaires et paramilitaires sur lesquels les organisateurs peuvent s’appuyer sont d’emblée injectés dans le scénario, de façon à exclure tout risque de surprise et mettre le pays devant un fait accompli. Ce n’est, mais alors pas du tout, la situation qui prévalait à Kigali dans les heures qui ont suivi l’attentat. Nombre de témoins directs ont déclaré que la nuit du 6 au 7 avril 1994 avait été particulièrement calme. Moi-même, j’ai traversé, sans la moindre escorte armée, une partie de la ville vers 2 heures du matin et j’ai pu constater de visu l’absence de tout dispositif militaire ressemblant de près ou de loin à un état de siège. Non, décidément, ce contexte ne correspondait en rien à un coup d’État qu'un noyau d'extrémistes purs et durs aurait organisé.


LE RWANDA EST UNE PRISON À CIEL OUVERT, Colonel Luc MARCHAL

FP : En revanche, l’attentat a été suivi de l’offensive du FPR de Kagamé pour prendre le pouvoir au Rwanda…

LM : À ce manque de prise en main du pouvoir, par l’une ou l’autre faction connue pour son opposition au processus de paix ou à la personne du chef de l'État, correspond effectivement le démarrage immédiat d’une offensive militaire d’envergure du FPR. Cette offensive, en totale contradiction avec les accords de paix d'Arusha, se terminera trois mois plus tard par une conquête sans partage du pouvoir. En tant que militaire, la simultanéité entre l’attentat et le déclenchement de cette offensive militaire m’amène à formuler les considérations suivantes : Primo, il est impossible de profiter d’une opportunité, telle que la disparition du président Habyarimana et du général Nsabimana (chef d'état-major des FAR), pour improviser une offensive générale mettant en œuvre de nombreuses unités aux missions totalement différentes. Bien au contraire, pareil engagement ne peut qu’être le résultat d’un processus majeur de préparation comportant la conception de la manœuvre sur le plan stratégique, la diffusion des ordres jusqu’aux plus petits échelons et la mise en place de milliers d’hommes, dans les positions de départ, prêts à réagir à l’ordre d’exécution.

Tout cela ne s’organise pas en claquant des doigts, mais exige au contraire des délais importants et incompressibles. Il ne faut pas être un grand stratège pour comprendre ce genre de contrainte, c’est une question de bon sens élémentaire. Autre considération : le FPR n’aurait pas été en mesure d’assurer le punch et la continuité de son offensive sans la constitution préalable de stocks importants de munitions, d’armements, d’équipements et de matériels divers. Bref, une logistique à l’échelle des moyens humains mis en œuvre durant plus de trois mois d’opérations. Il n’y a aucun miracle en la matière, pas d’opérations militaires sans logistique adaptée. Or, c’est exactement la crainte que le général Nsabimana m’avait exprimée quelques jours plus tôt. Au cours d’une entrevue, le 30 mars exactement, soit sept jours à peine avant l’attentat. Il me confiait son intime conviction que le FPR allait reprendre la guerre dans les jours suivants. Il fondait précisément cette conviction sur les stocks logistiques importants constitués depuis des semaines par le FPR le long de la frontière en Ouganda. À ma réplique sur le fait que le FPR ne pouvait se permettre pareille aventure sous le regard direct de la communauté internationale, il me répondit mot pour mot ceci : « le FPR n’a que faire de telles considérations ; l’erreur que vous (Minuar) commettez est de lui prêter le même raisonnement que le vôtre, mais la réalité est bien différente ; le FPR est un mouvement révolutionnaire et c’est en tant que tel qu’il raisonne et définit ses propres objectifs ; contre des révolutionnaires, conclut-il, si vous n’adoptez pas les mêmes méthodes vous serez toujours perdants. » Point n’est besoin, je crois, d’expliquer que cette conversation m’interpella au plus haut point, non seulement au moment même, mais surtout des semaines plus tard quand je me suis remémoré ces paroles et que je les ai confrontées à la réalité des événements.

Accord de paix d'Arusha entre le gouvernement de la République rwandaise et le Front patriotique rwandais

D’autre part, lorsque le FPR reprit les hostilités à Kigali, le 7 avril 1994 vers 16h30, il justifia sa décision unilatérale par la nécessité de mettre un terme aux massacres des Tutsis. Or, le 12 avril, soit au 5me jour de son offensive générale, il a déjà infiltré, à ma connaissance, trois bataillons supplémentaires à Kigali. Je dis « à ma connaissance » car il s’agit d’une constatation personnelle. Cela n’exclut nullement, comme d’aucuns l’affirment, que le FPR disposait de beaucoup plus de combattants à Kigali. Quoi qu’il en soit, avec ces trois bataillons infiltrés et celui qui se trouvait déjà sur place, le Front possède une force capable d’agir contre les massacres qui prennent de plus en plus d’ampleur dans la capitale. Qui plus est, ce même 12 avril, dix officiers supérieurs des FAR signent un manifeste que l’on peut qualifier, dans les circonstances du moment, de très courageux. Dans ce document, ils font un appel direct et solennel au FPR en vue de conclure un cessez-le-feu immédiat et de conjuguer leurs efforts pour « éviter de continuer à verser inutilement le sang des innocents ». Cet appel ne suscita aucun écho, avec pour conséquence directe l’amplification des tueries. À aucun moment je n’ai pu constater que, d’une manière ou d’une autre, le FPR tentait de s’opposer aux massacres des Tutsis à Kigali. Pourtant les forces dont il disposait sur place étaient parfaitement en mesure de sécuriser certains quartiers situés à proximité des zones qu’il contrôlait militairement et créer ainsi des zones refuge. De toute évidence le sort réservé à ces lointains parents de l’intérieur ne faisait pas partie de leurs priorités. Qui plus est, la pugnacité avec laquelle ces mêmes autorités du FPR ont exigé le départ des troupes étrangères venues évacuer les expatriés, plutôt que de requérir leur collaboration pour stopper net le carnage, est éminemment suspecte ; comme si le FPR craignait de se voir contrer, par la communauté internationale, dans ses plans de conquête du pouvoir par les armes.

Non seulement à aucun moment le FPR n'a sollicité l'appui de la Minuar pour juguler le chaos qui s'installait, mais au contraire il l'alimenta. Le 10 avril, il lança un ultimatum à la Minuar, lui signifiant que si le bataillon ghanéen déployé dans la zone démilitarisée n'avait pas quitté ses positions dans les 24 heures, il serait pris sous ses tirs d'artillerie. Dieu sait si un cessez-le-feu aurait permis de mettre un terme au martyre de la population. Je ne peux que témoigner que toutes les demandes de cessez-le-feu exprimées par le général Dallaire ou par les FAR essuyèrent une fin de non-recevoir du FPR. Ceci n'est pas une interprétation tendancieuse de la réalité, c'est un fait. Le général Nsabimana ne s'était pas trompé : le FPR menait sa guerre conformément à ses seuls objectifs, sans se soucier le moins du monde du sort des populations locales ou de l'opinion de la communauté internationale. J’aurais encore bien d’autres considérations à formuler sur l’aspect militaire de ces événements. Je pense cependant que la relation de ce qui précède est suffisamment explicite pour réaliser que la version des faits que certains voudraient faire admettre comme vérité historique est pour le moins sujette à caution. La communauté internationale qui, il est vrai, a fait preuve d'une immense lâcheté au moment du génocide n'a aucune raison de continuer à se laisser intoxiquer par le discours de celui qui prétend, urbi et orbi, avoir mis un terme au génocide, alors que tout laisse penser qu'il en est le principal artisan.

FP : Pensez-vous que toute la lumière sera un jour faite sur le dossier complexe du Rwanda ? Qui aurait intérêt à entraver l’émergence de la vérité ?

LM : Je ne peux qu’espérer ardemment que la lumière soit faite sur ce dossier. Non seulement que la vérité historique soit établie sans contestation possible, mais aussi que justice soit rendue aux millions de victimes que certains souhaiteraient reléguer dans les oubliettes de l’histoire. Ces deux conditions – Vérité et Justice – sont les conditions indispensables à la stabilisation de la situation dans la région des Grands Lacs. Je crains malheureusement que l’indispensable manifestation de la vérité soit entravée par ceux qui ont soutenu la prise de pouvoir par les armes de l’actuel président du Rwanda et qui ont couvert l’invasion du Congo-Zaïre en 1996 par une coalition de pays africains sous le leadership du Rwanda. Il suffit de s’intéresser aux multinationales qui exploitent les richesses minières de l’actuelle République Démocratique du Congo pour comprendre à qui profite le crime. Si en 2021 on ne sait toujours pas officiellement qui est responsable de l’attentat du 6 avril 1994, ce n’est pas l’effet du hasard ou d’éventuelles négligences coupables. Non, certains pays, dont les USA sont le pion majeur, ne tiennent pas à ce que leur implication dans la tragédie des Grands Lacs soit officialisée. Pourtant, le rôle des USA a été mis en lumière par l’ancienne sénatrice démocrate Cynthia McKinney qui fut l’envoyée spéciale de Bill Clinton en Afrique durant les années ’90. C’est en cette qualité qu’elle a témoigné du rôle choquant joué en Afrique centrale par l’administration américaine sous la présidence de Bill Clinton et ensuite par l’administration Bush. Voilà l’obstacle majeur à la manifestation de la vérité.

Source : frontpopulaire.fr, le jeudi 27 mai 2021

 

Ruanda : vérités sur un attentat. Entretien avec Charles Onana

Le président Macron est dans une posture politique, laquelle est très différente de celle d’un chercheur ou d’un historien. Il peut donc dire tout ce qui lui permet de se rapprocher du régime actuel du Ruanda dès lors que cela participe de cet objectif.

Le seul problème est qu’en ignorant la responsabilité rwandaise dans l’assassinant de six Français en 1994, notamment ceux de l’attentat, certains pourraient penser que le chef de l’État français contribue d’une certaine façon à dissoudre ou à dissimuler la vérité.

Sur le plan scientifique, ce qu’il appelle les « responsabilités françaises » n’est nullement démontré ni par les archives françaises ni par celles des Nations Unies et encore moins par celles du TPIR. Il faut d’ailleurs constater que sur ce point précis l’ancien Premier ministre Édouard Balladur n’est pas sur la même ligne que lui ni même les anciens ministres François Bayrou et Paul Quilès. Ils soutiennent tous que la France n’a pas grand-chose à se reprocher dans cette tragédie. En cela, la position d’Hubert Védrine n’est ni incongrue ni isolée. Sur le fond, il faut souligner que cette position est défendue par des personnes qui ne partagent ni les mêmes opinions politiques ni forcément les mêmes intérêts dans cette affaire. Elle repose essentiellement sur la réalité politique et géopolitique de l’époque et sur les faits. Par conséquent, la position de monsieur Védrine est conforme à la réalité des faits historiques, n’en déplaise à ses détracteurs

Source : Conflits juin 2021 Ruanda : vérités sur un attentat. Entretien avec Charles Onana

25 ans après le génocide au Ruanda, on en sait davantage sur les responsables de l’attentat et le déclenchement des massacres. Après avoir fouillé de nombreuses archives et mené une enquête rigoureuse, Charles Onana dévoile les dessous de cette affaire qui continue d’ébranler la zone des Grands lacs.

En 1990, le président François Mitterrand fait le choix de crédibiliser la garantie de stabilité française en soutenant le régime du président Habyarimana contre les forces du FPR (Front patriotique ruandais). Celles-ci, soutenues par une puissance étrangère et largement composées par une minorité ethnique du pays, les Tutsis, paraissent être une menace tangible. En 1991-1992, un second volet s’ouvre, celui des négociations pacifiques entre les deux partis, largement motivées et accompagnées par l’effort français. Cette action permet, le 4 août 1993, les accords d’Arusha, dont diverses clauses sont très en faveur de la minorité Tutsi (40% de l’armée devait être Tutsi, la moitié des ministres, etc.). Ces accords sont réduits à néant par l’attentat du 6 avril 1994, où le Falcon 50 dans lequel étaient les présidents du Ruanda et du Burundi, respectivement Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntanyamira, ainsi que, notamment, les trois Français composant l’équipage. C’est véritablement cet évènement qui rend caducs les accords d’Arusha et déclenche l’escalade qui mena au génocide.

Si le rapport Duclert ne statue pas sur une participation de la France au génocide, elle lui reconnait « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes »[1] témoignant selon le rapport d’une « défaite de la pensée », d’une « lecture ethniciste » aboutissant sur un « ensemble de responsabilités, éthique, cognitive et morale ».

Après de nombreuses années d’enquête, Charles Onana est en mesure de dévoiler le déroulement de ce processus. Entretien réalisé par Rémi de Francqueville. 


Entretien réalisé par Rémi de Francqueville.

Dans votre livre vous vous préoccupez de l’événement déclencheur des événements de l’année 1994, l’attentat du 6 avril 1994. Vous vous attachez à reprendre une à une les différentes enquêtes qui ont conduit systématiquement à un non-lieu. Le rapport Duclert lui-même affirme que « Les archives françaises ne permettent pas d’identifier avec certitude les auteurs de l’attentat. [2]». Vous avez rappelé lors de plusieurs entretiens que vous ne croyiez pas qu’il soit impossible de définir les auteurs de l’attentat, mais que la volonté politique manquerait pour cela. Pourriez-vous revenir sur cette idée et nous éclairer quant aux implications de celle-ci ? 

Tout d’abord les différentes enquêtes sur lesquelles j’ai travaillées, en particulier les l’enquête de l’auditorat militaire belge, les deux enquêtes du Tribunal Pénal international pour le Ruanda (TPIR), l’enquête de la justice espagnole et les deux orientations de l’enquête française ne conduisent pas à un non-lieu. C’est uniquement l’enquête menée par les juges Trévidic, Poux et Herbaut qui a abouti à un non-lieu. Toutes les autres enquêtes ont permis une identification claire des suspects de cet attentat.

Ensuite, toutes les enquêtes judiciaires, sans exception, attestent que le Falcon 50 dans lequel se trouvaient les présidents du Ruanda et du Burundi ainsi que leurs collaborateurs et les trois membres français de l’équipage a été abattu par un missile SA-16 à l’aéroport de Kigali. Dès lors, il restait à trouver qui souhaitait abattre et qui aurait été en situation d’abattre l’aéronef présidentiel le 6 avril 1994 au Ruanda. Objectivement, les recherches ont été portées sur  les deux belligérants, c’est-à-dire les forces armées gouvernementales ruandaises (FAR) et les rebelles du Front Patriotique Ruandais (FPR) dont la branche militaire était dirigée par l’actuel président Paul Kagamé. Ce sont eux et les Casques bleus de la MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Ruanda) qui étaient présents à Kigali ce jour-là. Lorsque l’on écarte la piste des Casques bleus de l’ONU qui se trouvaient à Kigali pour la mission de paix et qui n’étaient pas en possession de missiles SA-16, il reste la piste des soldats de l’armée gouvernementale et celle des rebelles du Front Patriotique Ruandais. Toutes les enquêtes, à l’exception des enquêtes françaises menées par Trévidic, Poux et Herbaut, soutiennent que seuls les rebelles du FPR étaient en capacité militaire et technique d’abattre le Falcon 50. Il est donc très surprenant de conclure à un non-lieu comme l’ont fait ces deux derniers magistrats. D’autre part, au regard des éléments figurant dans le dossier d’instruction et du travail accompli par leur prédécesseur Jean-Louis Bruguière, il est incontestable que les magistrats Trévidic, Poux et Herbaut n’ont pas mené des investigations approfondies pour parvenir à un non-lieu. Autre surprise de ce dossier, le TPIR qui avait pour mandat de poursuivre les auteurs de tous les crimes commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 a d’office écarté l’attentat des procès et des débats en prétextant une absence de compétence totalement injustifiée.

Attentat de 1994 contre Juvénal Habyarimana au Rwanda

Enfin, l’enquête du juge Bruguière ayant pour sa part conclu à la responsabilité des rebelles du FPR dans l’attentat, il est surprenant que ses collègues Poux et Herbaut soient parvenus à établir un non-lieu dans le même dossier. Le moins qu’on puisse dire est qu’avoir deux décisions contradictoires d’une même juridiction sur les mêmes faits criminels pose question. Les implications de cette situation sont très précises : l’absence de justice pour les parties civiles et l’impression que l’on ne veut pas désigner les auteurs de l’attentat pour mieux dissimuler la vérité sur l’événement déclencheur de la tragédie rwandaise. Cette volonté de dissimulation est d’ailleurs clairement affichée dans ce fameux rapport Duclert, qui ignore tous les faits rapportés dans de nombreux rapports d’archives du ministère français de la Défense obtenus par le juge Bruguière, sur les capacités techniques permettant au FPR d’abattre l’avion. De même, il ignore tous les travaux pertinents du TPIR et des forces aériennes belges sur le sujet. Politiquement orienté, ce rapport est loin de faire autorité sur l’affaire de l’attentat et même sur l’ensemble de la tragédie ruandaise.

Plus dans l’actualité sur le fond de votre ouvrage, sur lequel nous reviendrons, que pensez-vous du discours d’Emmanuel Macron au mémorial de Gisozi où il déclare venir « reconnaître l’ampleur (des) responsabilités (françaises) »[3]? Dans ce contexte que pensez de la position de l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine qui nie toute responsabilité négative, non seulement dans le génocide bien entendu, mais plus largement dans l’ensemble des événements de 1990 à 1994 ?

Le président Macron est dans une posture politique, laquelle est très différente de celle d’un chercheur ou d’un historien. Il peut donc dire tout ce qui lui permet de se rapprocher du régime actuel du Ruanda dès lors que cela participe de cet objectif.

Le seul problème est qu’en ignorant la responsabilité ruandaise dans l’assassinant de six Français en 1994, notamment ceux de l’attentat, certains pourraient penser que le chef de l’État français contribue d’une certaine façon à dissoudre ou à dissimuler la vérité.

Sur le plan scientifique, ce qu’il appelle les « responsabilités françaises » n’est nullement démontré ni par les archives françaises ni par celles des Nations Unies et encore moins par celles du TPIR. Il faut d’ailleurs constater que sur ce point précis l’ancien Premier ministre Édouard Balladur n’est pas sur la même ligne que lui ni même les anciens ministres François Bayrou et Paul Quilès. Ils soutiennent tous que la France n’a pas grand-chose à se reprocher dans cette tragédie. En cela, la position d’Hubert Védrine n’est ni incongrue ni isolée. Sur le fond, il faut souligner que cette position est défendue par des personnes qui ne partagent ni les mêmes opinions politiques ni forcément les mêmes intérêts dans cette affaire. Elle repose essentiellement sur la réalité politique et géopolitique de l’époque et sur les faits. Par conséquent, la position de monsieur Védrine est conforme à la réalité des faits historiques, n’en déplaise à ses détracteurs.

Un certain nombre de protagonistes ont avancé et avancent que le Front Patriotique Ruandais, FRP, et son bras armé l’Armée Patriotique Ruandaise sont à l’origine du tir sur le Falcon 50. Quelles seraient les conséquences si le mouvement dont est issu l’actuel président Paul Kagamé était effectivement à l’origine de ce crime ?

Ce serait d’une gravité extrême, car la version officielle de la tragédie serait mensongère. Le procureur du TPIR, Carla del Ponte, avait soutenu publiquement que si c’est le FPR qui a abattu l’avion le 6 avril 1994, il faudrait réécrire toute l’histoire de la tragédie ruandaise. Ceci signifie en termes clairs que l’histoire de ces événements dans sa version officielle et médiatique actuelle serait entachée de contre-vérités et devrait totalement être révisée. C’est donc cette réécriture et cette révision de l’histoire, vue sous un angle nouveau, qui inquiètent sérieusement les partisans du statu quo judiciaire sur les auteurs de l’attentat. Le régime actuel du Ruanda n’a aucun intérêt à accepter un examen approfondi des faits concernant l’attentat, car il risque de s’exposer à l’analyse de ses propres responsabilités dans cette tragédie et cela risque de lui faire perdre son statut de « héros » artificiellement construit depuis vingt-sept ans. 

C’est bien sur ce mythe que repose naturellement toute sa légitimité politique et l’enjeu pour lui est grand. Autrement dit, la poursuite des enquêtes judiciaires et des recherches scientifiques indépendantes et bien documentées constituent aujourd’hui un réel danger pour Paul Kagamé. C’est pour cela que des campagnes de dénigrement sont systématiques contre tous les chercheurs et tous les journalistes (Européens, Américains, Canadiens ou Africains) qui s’attaquent à la version officielle de la tragédie ruandaise ou qui questionnent l’identité des auteurs de l’attentat.


Le rôle des États-Unis

Au fur et à mesure de votre enquête, on a l’impression que l’identité des auteurs des attentats est en réalité un secret de polichinelle dans les milieux décisionnels. La part très trouble jouée par les États-Unis interroge aussi grandement ; Adolfo Pérez Esquivel, qui a préfacé l’ouvrage, attire volontiers l’attention sur la longue histoire d’actions subversives des États-Unis à l’étranger. Comment conclurez-vous quant au rôle joué par ceux-ci ? 

Le rôle des États-Unis a été et reste crucial dans les tenants et les aboutissants de cette tragédie comme le souligne le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel. Il suffit de regarder les archives déclassifiées par le gouvernement américain lui-même pour s’en convaincre. Paul Kagamé et certains membres de son mouvement ont été formés aux États-Unis avec le soutien du Pentagone avant l’offensive militaire du FPR contre le pouvoir en place au Ruanda en 1990.

Ils ont bénéficié des conseils de certains officiers américains pendant les négociations de paix jusqu’à la prise de pouvoir du FPR en juillet 1994. Il n’est donc pas surprenant que les États-Unis soient très présents dans ce dossier même si leur rôle a été très largement occulté.

C’est d’ailleurs une chercheuse américaine Helen Epstein qui, la première, révélera le rôle secret des États-Unis en 2017, soit seize ans après la déclassification des premières archives du Département d’État américain en 2001. En Europe, les chercheurs n’ont pratiquement pas produit de  travaux sur cet aspect resté presque tabou. C’est en menant mes propres recherches sur la procédure judiciaire espagnole que j’ai découvert les câbles diplomatiques montrant les multiples interférences des diplomates américains dans ce dossier, ces derniers n’hésitant pas  à demander au ministre espagnol de la Justice d’intervenir auprès du juge enquêtant sur les auteurs de l’attentat pour faire annuler les mandats d’arrêt lancés contre les proches de Paul Kagamé. Les autorités américaines sont également intervenues auprès des diplomates allemands et britanniques à Madrid pour qu’ils exercent des pressions sur les dirigeants espagnols en vue d’obtenir l’annulation des mêmes mandats d’arrêt. Paul Kagamé lui-même est allé jusqu’à solliciter George W. Bush sur ce dossier. Toutes ces initiatives sont apparues suspectes dans une affaire qui, semble-t-il, ne concernerait pas les États-Unis ni des ressortissants américains. Comment peut-on agir ainsi si Paul Kagamé et ses hommes n’ont, eux aussi, absolument rien à se reprocher dans le dossier de l’attentat ? Il est donc clair à travers ces multiples pressions que les États-Unis travaillent au moins contre la vérité et la justice dans ce dossier et probablement à la protection du régime de Kigali. 

Vous consacrez le dernier mot de votre livre aux familles des victimes qui attendent que justice soit faite, notamment en France, en dépit que le non-lieu ait été requis en 2018. Ne pensez-vous pas en réalité que le sujet soit clos ?

Non, le sujet n’est pas clos puisque les parties civiles se sont pourvues en cassation ! D’autre part, qui a intérêt à ce que le sujet soit clos ? Ce ne sont naturellement pas les victimes françaises ni ruandaises ni même burundaises. Ce sont bien les personnes qui veulent dissimuler la vérité, mais qui, en même temps, ne seraient apparemment pas les auteurs de l’attentat. Il ne s’agit donc pas de clore le dossier, mais de le clarifier en permettant que les auteurs de l’acte qui a déclenché l’horreur au Ruanda soient formellement identifiés et jugés comme l’ont été les auteurs du génocide. 

À lire aussi : Le Ruanda, un partenaire stratégique incontournable sur la scène africaine ? 

[1] Duclert, Vincent, Rapport de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Ruanda et au génocide des Tutsis (1990-1994). Ed. Armand Colin, 2021, p. 972

[2]Ibid. p. 331 

[3] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/05/27/discours-du-president-emmanuel-macron-depuis-le-memorial-du-genocide-perpetre-contre-les-tutsis-en-1994

Source : revueconflits.com, le vendredi 25 juin 2021

 

 

 

 




Publié par Régis RAVAT le 28 mai 2021

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