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Pourquoi faire la guerre aux anglicismes ?

C'est un fait, il y a de plus en plus d'anglicismes dans notre langue. Beaucoup de personnes s'en plaignent, car elles se sentent tout simplement agressées par des mots à la prononciation et à l'écriture bizarres qui ne correspondent pas, pour la plupart d'entre eux, à la prononciation et à l'écriture des mots de la langue française.

Bien évidemment, il ne s'agit pas d'un combat ethno-centré pour revendiquer le maintien de la pureté de la langue française, non, il s'agit tout simplement d'un combat pour éviter de complexifier encore plus notre langue, un combat pour lui assurer sa cohérence, sa cohésion - le français est une langue latine et non germanique comme l'anglais - et lui maintenir ainsi sa clarté et son universalisme.

Pourquoi aujourd'hui, les mots anglais qui entrent dans notre langue, ne subissent-ils aucune francisation comme cela se faisait jadis et comme cela s'est fait pour les mots anglais "packet boat", "riding coat", "fuel" qui ont donné respectivement les mots français "paquebot", redingote", fioul" ?

Sur le même canevas, pourquoi aujourd'hui, par prendre un exemple, le "tee-shirt" anglais n'est-il pas transformé en "ticheurte" français, un mot francisé qui respecterait la prononciation des lettres de notre alphabet et donc la cohérence de notre langue ?

À n'en pas douter, le fait de ne plus vouloir franciser les anglicismes lorsqu'il n'est pas possible de leur trouver un équivalent français, relève plus de la colonisation de notre langue que de son enrichissement.

Et comme chacun sait, qui colonise la langue d'un peuple, colonise, bien évidemment, le peuple qui la parle.

 

Félicitons M. Daniel DP qui mène farouchement le combat contre les anglicismes !

Daniel DP est une petite célébrité à la rédaction de TF1.

À chaque fois qu'un de nos journalistes utilise un mot en anglais dans les reportages, il envoie un courriel.

Selon lui, les anglicismes représentent un danger pour notre langue.

Faut-il vraiment s'en inquiéter ?

« Ces mots polluent très gravement la langue française et vont amener dans 30 ans sa destruction. Ça deviendra une langue morte, plus personne ne parlera convenablement le français », avertit Jean-Marie Rouart, écrivain et membre de l'Académie française.

Voici le reportage que les interventions de M. Daniel DP ont suscité auprès des journalistes de TF1 :

Daniel DP, un militant pour la langue française en lutte contre les anglicismes

Mais pour la linguiste Julie Neveux, inutile de s'en inquiéter. Anglais et français ont depuis toujours échangé des mots.

« Aujourd'hui, au moins 3 000 anglicismes composent notre vocabulaire. »

« La notion de la langue pure est absurde, chaque langue se construit de ses frottements avec d'autres langues. Elle ne peut pas vivre toute seule », explique-t-elle.

Pour éviter les anglicismes, nos cousins québécois proposent un dictionnaire en ligne. Ne dites plus "burnout" mais épuisement professionnel, plutôt partisans que "supporters" et Marilyn Monroe n'est pas "glamour" mais sensuelle.

Au Québec, les titres de films doivent impérativement être traduits en français.

Source : tf1.fr/tf1, le dimanche 1er novembre 2020

 

Analysons ce reportage

Le reportage en question est introduit par la journaliste et présentatrice du JT de 20 Heures de FT1, Mme Anne-Claire Coudray. Celle-ci dit très justement que la fascination qu'ont les Français à l'égard de la culture américaine explique sans doute en partie l'augmentation des mots anglais dans notre vocabulaire. Certaines personnes, dit-elle, trouvent en tout cas que les anglicismes ont envahi notre quotidien. Mais ces mots anglais sont-ils pour autant dangereux pour la langue française ? Le reportage signé des journalistes Antoine de Précigout, Philippe Verron et Cédric Aguilar est alors lancé.

Signalons au passage que Mme Anne-Claire Coudray est une des marraines de l'école "Happy Chandara School" au Cambodge, une école où l'anglais est obligatoire dans le programme (le français semblerait tout de même être enseigné à titre optionnel). Rappelons que ce pays fait tout de même partie de la Francophonie institutionnelle (OIF), Mme Anne-Claire Coudray le sait-elle ? - Pas sûr !

Anne-Claire Coudray au Cambodge

Christophe Martinaud, chef en ingénierie chez Mistertemp. Ce monsieur est l'objet d'une séquence où il nous montre qu'il est tout à fait naturel de parler en franglais-charabia entre ingénieurs en informatique. Pour M. Martinaud, ça facilite la compréhension de tout le monde d'utiliser le vrai mot plutôt que son équivalent en français qui, parfois, finalement, peut être ambigu ou moins efficace. Pas de commentaires du journaliste, pourtant on aurait aimé qu'il demande à ce monsieur quel est, selon lui, le vrai mot entre « ordinateur » et « computer », entre « logiciel » et « software », entre « courriel » et « e-mail », etc. Et plus généralement parlant, si pour ce monsieur le vrai mot anglais est préférable à son équivalent en français pour plus d’efficacité, il aurait été intéressant de lui demander, afin de mettre l'accent sur le ridiculise de son raisonnement, s'il a l'intention d'embaucher des ingénieurs anglophones de naissance plutôt que des ingénieurs francophones, ces derniers, forcément, étant moins « efficaces », car maitrisant bien moins l'anglais que leurs équivalents britanniques ?  Intéressant aurait été alors de voir la réaction de ses employés anglicisés.. 

Christophe Martinaud chez Mistertemp et les anglicismes

Marco Venturelli, co-président en charge de la création chez Publicis. Pour ce monsieur le français est une langue riche, pleine de nuances, mais presque trop subtile pour la publicité. L'anglais, dit-il, c'est une langue qui permet avec moins de lettres, avec des mots généralement plus courts, d'arriver à avoir des messages beaucoup plus clairs et sans ambiguïtés. Pas de commentaires contradictoires du journaliste, pourtant, là encore, on aurait eu envie de dire à M. Venturelli que s'il n'est pas capable de faire de la publicité en français qu'il change de métier ou qu'il aille travailler ailleurs, dans un pays anglophone, par exemple. De plus, puisque ce monsieur parle français avec un fort accent italien, on peut en conclure que le français n'est pas sa langue maternelle, le journaliste aurait pu lui demander alors s'il ne maîtrisait pas mieux l'anglais que le français, et s'il avait été embauché à ce poste plus pour ses connaissances en anglais qu'en français. Pas curieux, le journaliste !

Enfin pour clore la séquence, le journaliste nous dit que dans la publicité, l'anglais est autorisé, mais que la traduction en français est obligatoire, c'est dans la loi, conclut-il. Le journaliste a raison, mais il a oublié de préciser cependant que la traduction doit alors être aussi LISIBLE, VISIBLE et AUDIBLE que le message original en anglais (article 4, paragraphe 2 de la loi Toubon), et ça, dans la pratique, sur le terrain, c'est quasiment ignoré par les publicitaires, ce qui fait que la plupart des publicités sont hors la loi.

Marco Venturelli chez Publicis

Jean-Marie Rouart. L'Acadécien est interrogé par le journaliste. Bien évidemment, M. Jean-Marie Rouart confirme que les anglicismes polluent très gravement la langue française et vont amener dans trente ans, si on n'y prend garde, à sa destruction. Ça deviendra une langue morte, plus personne ne parlera convenablement le français, conclut-il.

Jean-Marie Rouart, de l'Académie française, au sujet des anglicismes

Julie Neveux, une linguiste. Dommage que le journaliste n'ait pas pris contact plutôt avec Claude Hagège, un linguiste qui connaît des dizaines de langues et qui est très au fait des dangers de l'anglicisation. Le journaliste a préféré prendre l'avis de Julie Neveux, un linguiste, à la mode, notamment sur la Toile, une linguiste plutôt tournée vers l'anglais puisqu'elle a vécu et travaillé à Cambridge, à Los Angeles et à même monté et joué en 2002 The Midsummer Night’s Dream en anglais avec les Sorbonne Scholars à l’université de Rouen et à la Chapelle de la Sorbonne.

Force est de constater que Mme Neveux assimile, dès le début de son intervention, le combat pour la langue française à un combat pour une langue pure. Mais qui lui a parlé de combat pour la pureté de la langue ? S'est-elle renseignée auprès des défenseurs de la langue française ? - Pas à l'Afrav, en tout cas. Quoi qu'il en soit le combat contre les anglicismes n'est pas le combat pour avoir une langue pure, c'est le combat pour garder à notre langue sa cohérence et sa clarté, c'est le combat pour éviter de complexifier encore davantage notre langue avec des mots étrangers (anglais pour la plupart) qui ne sont plus francisés et qui, par conséquent, ne s'écrivent et ne se prononcent plus selon les règles qui font la langue française.

Mme Neveux nous dit que les mots empruntés à l'anglais auraient tendance à enrichir notre langue, et donne en exemple le mot DATE.

Voilà donc le nœud du problème : on prend un mot français qui est passé dans la langue anglaise, puis on prononce ce mot à l'anglaise en lui donnant un sens nouveau par rapport au sens qu'il a en français lorsqu'il est prononcé à la française.

Julie Neveux, une linguiste qui aime les anglicismes

Ainsi, le mot DATE, selon que vous le prononcez à la française ou à l'anglaise aura un sens différent : « rendez-vous galant », prononcé à l'anglaise, « une date au calendrier », prononcé à la française. Nous avons le même phénomène avec le mot MAIL. Ce mot français prononcé à l'anglaise signifie COURRIEL, mais prononcé à la française, c'est une promenade publique (où jadis, on jouait au maillet) ou une galerie marchande dans un centre commercial. Même problème avec le mot PRIME, prononcé à la française, nous avons à faire a une somme versée à un salarié en plus de son salaire, à titre de gratification, par exemple, mais le mot PRIME prononcé à l'anglaise, c'est l'abrégé de PRIME TIME, qui signifie « heure de grande écoute ».

En quoi tous ces mots français prononcés à l'anglaise en leur donnant un sens différent par rapport à ce qu'ils ont s'ils sont prononcés à la française, sont-ils un enrichissement pour notre langue ? Ne la complexifient-il pas plutôt ? En tout cas, ils contribuent à détruire la prononciation jusque là à peu près cohérente de notre alphabet. 

Soit, l'alphabet français n'est pas phonétique : 16 voyelles (phonétiques), 36 phonèmes, 190 graphèmes, mais l'alphabet anglais, c'est pire : 20 voyelles (phonétiques), 46 phonèmes, 1120 graphèmes.

L'abus d'anglicismes dans notre langue - anglicismes non francisés, s'entend -, va faire que notre langue va se rapprocher des défauts de l'anglais où le taux de dyslexie chez les enfants est nettement plus élevé en Angleterre qu’en France.

Bien que ce sujet soit peu exploré et que les causes de la dyslexie soient probablement multifactorielles, il est clair qu’il y a un lien entre la phonétique plus ou moins difficile de la langue et la dyslexie. En complexifiant la langue française, en l'imbibant d'anglicismes non francisés, forcément, le taux de dyslexiques va augmenter.

En France, les enseignants estiment qu’on apprend à lire au CP, en un an. En Angleterre, les enseignants estiment ce temps d’apprentissage de la lecture à trois années. En complexifiant notre langue avec des anglicismes non francisés, pas de doute, nous rejoindrons les Anglophones sur ce plan et nous aurons perdu ainsi un avantage que le français avait sur l'anglais. 

Julie Neveux conclut en faisant un bel anglicisme en nous parlant de la culture de la rencontre "digitale"(sic), "digitale" au lieu de dire en bon français "numérique" ! Quelle maîtrise de la langue ! À coup sûr, elle est bien placée pour donner des conseils et passer à la télé.

L'Office québécois de la langue française. Le journaliste nous parle ensuite d'un dictionnaire québécois en ligne pour éviter les anglicismes. Très bien, mais ce qui est inquiétant, c'est qu'apparemment, le journaliste ne sait pas qu'un tel dictionnaire existe en France. Il s'agit de France Terme, un dictionnaire en ligne de la Commission d'enrichissement de la langue français, une commission qui est placé directement sous la tutelle du ministère de la Culture et qui propose des équivalents officiels pour remplacer les anglicismes qui s'immiscent dans notre langue. Comment se fait-il que le journaliste nous parle de l'organisme québécois et pas de l'organisme français ? 

France Terme et les journaliste de TF1

Enfin, Anne-Claire Coudray sonne la fin du reportage, et nous annonce avec le sourire le film de la soirée : "Ocean's Hate", à moins que ce ne soit... "Ocean's 8" !

Et si nous demandions à Marco Venturelli, co-président en charge de la création chez Publicis de bien vouloir nous éclairer sur le titre exact de ce film puisque pour lui l'anglais permet d'avoir des messages beaucoup plus clairs et sans ambiguïtés ? 

Anne-Claire Coudray à TF1

 

Mais certains journalistes réagissent face aux anglicismes !

Bravo au journaliste de France Inter, Ali Baddou, qui a réagi contre l'anglicisme du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

Si ça pouvait devenir une tendance... !

Ali Baddou et Gabriel Attal et les anglicismes

 

 

 




Publié par Régis RAVAT le 03 novembre 2020

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Orthographe, corrections : contact.sy@aliceadsl.fr

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