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Racisme linguistique à l'école !

En ce mois de juin, où un bon nombre d'écoles organisent des kermesses pour fêter la fin de l'année scolaire, des parents d'élèves d'une école corse, ont protesté contre le fait que leurs enfants soient invités à chanter en arabe.

Force est de constater cependant, qu'alors que l'anglais est omniprésent dans notre vie de tous les jours, au point que nous pouvons dire que nous sommes littéralement colonisés par cette langue, force est de constater que ces parents s'en sont pris à l'arabe et pas à l'anglais.

Bien évidemment, le problème, ce ne sont pas les langues étrangères en général, car les apprendre est un réel enrichissement qui permet de s'ouvrir au monde, le problème c'est que la langue étrangère apprise ne vienne pas se substituer à la langue nationale, comme c'est le cas de plus en plus actuellement avec l'anglais, et comme ce pourrait être également le cas avec l'arabe dans certains quartiers de certaines villes de France (surtout si la France ratifie la Charte européenne des langues régionales et minoritaires !).

Il faut donc dans nos écoles, enseigner l'arabe, au même titre et au même rang que l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le chinois, c'est-à-dire comme une grande langue internationale et non comme une langue communautaire (ou religieuse) et il faut, parallèlement à cela, avoir une politique forte en faveur de la langue française, seule langue officielle et obligatoire de la République.

 

En Corse, deux institutrices critiquées après avoir voulu faire chanter des élèves en arabe

VIDÉOS - Les deux enseignantes entendaient faire chanter la chanson Imagine de John Lennon traduite en plusieurs langues. Certains parents d'élèves opposés au projet se seraient montrés hostiles vis-à-vis des professeurs. Une plainte contre X a été déposée.

Imagine, de John Lennon: une chanson emblématique des années 1970 prônant la paix et la fraternité que des dizaines d'adolescents ont fredonnée. À Prunelli-di-Fiumorbu, village de 3400 habitants en Haute-Corse, deux institutrices avaient décidé d'utiliser le célèbre titre anglophone pour faire chanter les élèves à la fête de l'école, le 26 juin. Après avoir traduit les couplets de la chanson -accompagnée par d'autres-, elles avaient préparé les enfants à chanter chacun de l'un d'eux en français, corse, arabe, espagnol et anglais. Soit, comme le précise la radio Alta Frequenza, les langues parlées par les élèves de l'école.

Mais l'idée n'a pas plu à certains parents. Plusieurs d'entre eux ont protesté contre ce projet, jusqu'à s'en prendre directement aux enseignantes. Ces dernières auraient été interpellées à la sortie de l'école, tout comme le reste du personnel de l'établissement.

«Des parents ont précisé qu'ils ne voulaient pas que leur enfant parle l'arabe, nous étions prêts à l'entendre. Sauf que certains ne voulaient même plus qu'ils viennent à l'école -et ça ce n'est pas possible- sur ces temps où on aurait fait venir un intervenant d'arabe, une demi-heure, pour la prononciation», a détaillé l'une des institutrices au micro de France 3.

La fête annulée

Les enseignants de l'école primaire de Prunelli-di-Fiumorbu, un village à forte communauté maghrébine sur la façade orientale de la Corse, ont déploré dans un communiqué à l'attention des parents «l'amalgame entre langue et religion ainsi que la désinformation véhiculée par certains parents». Exerçant leur droit de retrait, ils n'ont pas assuré leur service lundi après-midi, accueillant les élèves sans leur faire cours. Ce mouvement doit être reconduit mardi. La fête de l'école a, quant à elle, été annulée, par crainte de «débordements».

«L'espace de neutralité dû aux élèves et la sécurité de personnes ne peuvent être garantis», a estimé l'équipe enseignante, rappelant que «les choix pédagogiques sont de la responsabilité de l'enseignant dès lors qu'ils respectent les programmes d'enseignement inscrits dans les instructions officielles». Le recteur d'académie, Michel Barat, leur a apporté son soutien, stigmatisant cette «attitude inqualifiable contre les valeurs que représente l'école». Des délégués de parents d'élèves ont également fait savoir que seule une minorité des parents s'opposait à ce projet multilingue.

L'inspection d'académie, évoquant dans un communiqué des menaces adressées aux enseignantes, a précisé que certains parents auraient fait savoir qu'ils comptaient «siffler les élèves au moment où les chants se feraient en arabe». Elle a décidé de déposer plainte contre X. Les institutrices ont toutefois précisé à France 3 et Corse-Matin qu'aucune menace directe n'avait été prononcé à leur encontre. «La pression, c'est sur l'école tout entière qu'elle s'est exercée», a expliqué l'une d'elle, indiquant que des rumeurs se sont répandues selon lesquelles la chanson serait intégralement chantée en arabe et que les élèves devraient bientôt suivre des cours de cette langue. La direction de l'école n'était pas joignable mardi matin pour préciser la nature des propos tenus par les parents et les suites attendues.

Source : lefigaro.fr, le mardi 16 juin 2015


Corse : l'hymne à la paix de John Lennon provoque le débat

"L'histoire aurait pu s'intituler 'comment transformer une chanson de paix en air de discorde'", introduit la journaliste. À Prunelli-di-Fiumorbo (Haute-Corse), une école primaire avait prévu de faire chanter aux élèves la chanson "Imagine" de John Lennon traduite en plusieurs langues, dont l'arabe pour la kermesse. Mais les trois couplets ont provoqué la colère de certains parents qui ont menacé des enseignants. L'événement est annulé.

Une impression de gâchis

Ce mardi 16 juin, dans le village, c'est l'impression de gâchis qui domine. "Réagir pour trois couplets en arabe dans une chanson aussi belle (...), c'est triste à pleurer. Aujourd'hui, c'est la mondialisation et on interdit à des enfants de chanter trois petits couplets en langue arabe", s'insurge un homme au micro de France 2. Pour protester, les enseignants ne donnent plus cours depuis deux jours. Une réunion est prévue jeudi 18 juin avec le maire pour tenter de sauver la kermesse.

Source : francetvinfo.fr, le mardi 16 juin 2015


Prunelli : 2 enseignantes menacées pour avoir voulu faire chanter des enfants en arabe

Les enseignants de l'école primaire de Prunelli-di-Fiumorbu, en Haute-Corse, ont exercé leur droit de retrait, du 15 juin à midi jusqu'au lendemain pour protester contre les "menaces" faites à leurs collègues. Une plainte contre X a été déposée par l'inspection d'académie de Corse.

D'après l'inspection de l'académie de Corse, les enseignantes ont été victimes de menaces après avoir voulu faire chanter aux enfants quelques phrase de la chanson "Imagine" de John Lennon en arabe lors de la fête de l'école du 26 juin. Les élèves auraient dû chanter cette chanson pacifiste en 5 langues parlées par les élèves de l’école : le français, le corse, l’anglais, l'espagnol et l’arabe. 


Siffler les élèves au moment où les chants se feraient en arabe

Certains parents se seraient opposés à ce que leurs enfants chantent en langue arabe et auraient également voulu "siffler les élèves au moment où les chants se feraient en arabe", explique l'inspection d'académie de Corse. Les deux enseignantes auraient par la suite reçu des "menaces proférées à la sortie de l’école et sur leur temps personnel". Des faits que ne confirment pas les deux enseignantes. Elles nous ont affirmé ne jamais avoir été menacées. 

Source : france3-regions.francetvinfo.fr, le lundi 15 juin 2015


L'école française, cancre en arabe

Trois millions de personnes le parlent en France. Pourtant, il y est peu ou mal enseigné. Par manque de volonté politique, par crainte du communautarisme. Quitte à abandonner le terrain aux associations religieuses.

Au lycée Jacquard, dans le 19e arrondissement de Paris, ils sont près de deux cents chaque semaine. Deux cents élèves de la seconde à la terminale, issus d'une quarantaine de lycées, qui étudient l'arabe en « enseignement inter-établissements. « Très motivés », selon le proviseur adjoint, Damien Lucas, ils viennent souvent de loin, un soir ou le mercredi après-midi. Chaque année, leur nombre augmente de plusieurs dizaines. À Paris, seulement huit lycées et trois collèges proposent l'arabe en langue vivante - tous situés rive droite. Le courrier officiel du rectorat qui, en 2012, incitait sept établissements de la rive gauche à les imiter a essuyé sept refus... « La rareté des classes d'arabe est un mystère pour moi, reconnaît Damien Lucas. C'est une richesse pour l'établissement, et un élément positif à verser au dialogue entre les différentes composantes de notre société. »

“L'enseignement de l'arabe souffre d'une mauvaise image”

Langue officielle de vingt-cinq pays, l'arabe est l'une des six langues de l'ONU. Environ trois millions de personnes le parlent en France, où son enseignement a une longue histoire : entré au Collège de France à la fin du XVIe siècle, il est au programme de l'École spéciale des langues orientales dès sa création, en 1795. L'agrégation d'arabe existe depuis 1905, le Capes depuis 1975. Xavier North, ancien délégué général à la langue française et aux langues de France, énonce «un triste paradoxe : nous sommes l'un des seuls pays occidentaux à offrir un enseignement de l'arabe au sein de l'école publique, et dont le patrimoine intellectuel compte d'immenses arabisants. Cette belle tradition est contrecarrée par ce qu'il faut bien appeler une ghettoïsation de cet apprentissage. » À l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), le professeur Luc Deheuvels résume : « Dans un contexte où tout ce qui a trait à l'islam est suspect, l'enseignement de l'arabe souffre d'une mauvaise image. Nous devons pourtant le considérer comme une grande langue de la mondialisation, et plus seulement comme celle d'une communauté religieuse. »

Sacralisé par le Coran, au VIIe siècle, l'arabe en est indissociable : souvent, l'étude du texte fondateur est intimement liée à celle de la langue. Réussir à laïciser l'apprentissage de l'arabe n'est pas une petite affaire, comme on le voit à l'école primaire. Il y est étudié par près de quarante mille élèves, dans le cadre des Elco (enseignements de langue et de culture d'origine). Créés dans les années 1970, au départ pour les enfants d'immigrés, ces cours sont dispensés par des enseignants étrangers, selon des accords bilatéraux entre la France et les pays concernés (1) . La notion de laïcité y est parfois totalement absente. Une ancienne inspectrice se souvient « avoir vu des versets du Coran dans des cahiers de CE2, ou des enseignants inscrire au tableau la date de l'hégire, le calendrier musulman ! Maintes fois critiqués pour leur médiocrité linguistique et leur risque de « renforcer les références communautaires », selon un rapport du défunt Haut Conseil à l'intégration, les Elco, de plus, « ont eu pour effet pervers l'absence de développement d'un enseignement franco-français », selon Bernard Godard, ancien spécialiste de l'islam au ministère de l'Intérieur (2) .

Démonstration au collège et au lycée. Ici, les cours d'arabe sont assumés par l'Éducation nationale et ne se réfèrent jamais au Coran. Mais ils ne concernent plus que sept mille six cents collégiens et lycéens dans le public — où ils sont déjà vingt-et-un mille trois cents à apprendre le chinois. « On conserve des Elco très contestables pour maintenir un contact avec la culture d'origine, et ce besoin disparaîtrait en sixième, quand les cours dépendent de l'État ? C'est absurde »,raille Bernard Godard. Dans soixante-quatre dé­partements, aucun collège n'enseigne l'arabe ; dans trente-trois, aucun lycée. Rien, par exemple, dans toute la Corse, l'Oise ou la Seine-et-Marne. À Lyon, Alice, 15 ans, passionnée par cette langue, a dû suivre les cours à distance du Cned, comme environ deux mille élèves. « Les collèges qui le proposent sont en grande banlieue, à Vaulx-en-Velin ou à Vénissieux. On sent bien la stigmatisation qu'implique cette offre marginalisée », regrette sa mère.

Le chinois, la musique, le théâtre : pour rendre leur établissement attrayant, principaux et proviseurs pensent à tout... sauf à l'arabe. « Ce sera le souk » ; « Mon collège deviendrait l'antichambre de la prison » ; « Mes élèves juifs seraient choqués »... Des arguments stupéfiants pour les inspecteurs d'arabe qui les rapportent. Bruno Levallois, ancien inspecteur général de l'Éducation nationale, s'emporte : « On confond tout : la langue arabe et l'islam, la population arabophone et la délinquance. Un recteur du Midi m'a dit : ''Je ne veux pas d'ayatollahs chez moi." Un autre, dans le Rhône, était tout fier d'avoir nommé un professeur d'arabe... en prison ! » Certains collèges proposent l'arabe, mais dissuadent les familles d'y inscrire leurs enfants. Yahya Cheikh, agrégé chargé des cours au lycée Jacquard, se souvient d'un principal de banlieue parisienne qui préférait conseiller l'espagnol : « Il espérait qu'avec moins d'élèves la classe d'arabe fermerait. » À Lille, un projet de cursus bilangue anglais-arabe s'est heurté au refus d'un établissement, qui arguait le manque de place, et au chantage d'un autre, qui voulait bien accueillir la langue arabe, à condition d'ouvrir aussi une classe de chinois ! « Le virage est encore à prendre, confirme l'inspecteur général d'arabe Michel Neyreneuf. Nous avons besoin de construire des générations de bons arabisants, cette langue offre de larges perspectives économiques et culturelles. Mais les recteurs et chefs d'établissement convaincus sont encore trop rares. »


Absence de politique volontariste

Sans compter les gouvernants. Contrairement à l'allemand, ou plus récemment au chinois, jamais l'arabe n'a bénéficié d'une politique volontariste pour promouvoir son enseignement. L'agrégation et le Capes sont à géométrie variable — cette année, huit postes sont ouverts (quatre pour chaque épreuve), mais le Capes n'en offrait ni en 2011, ni en 2013, ni en 2014. Des établissements manquant de personnel embauchent des profs contractuels ; mais des diplômés sont envoyés dans des lieux sans élèves, comme cette agrégée nommée dans l'académie d'Amiens, qui ne compte plus de classe d'arabe ! En 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l'Education nationale, déclarait : « L'enseignement de l'arabe doit être un axe de développement stratégique pour le ministère. » Un groupe de travail avait mis au point, à l'époque, un document vantant l'intérêt de cette langue aux chefs d'établissement. Le ministre a changé (deux fois), et la brochure est restée dans un tiroir.

« Nous ne sommes pas aidés par la géopolitique », soupire Michel Neyreneuf. A peine nommée, à l'été 2014, la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem était victime d'une fausse circulaire sur les réseaux sociaux (une enquête est en cours) : elle y aurait encouragé les maires à instaurer des cours d'arabe. « Son cabinet est tétanisé par le sujet, estime Bruno Levallois, l'ancien inspecteur général qui participait au groupe de travail du ministère Peillon. Avec le FN en embuscade, tout ce qui touche à l'arabité en France est extrêmement sensible. La ministre est ligotée. » Par crainte d'être accusée de promouvoir sa culture d'origine, elle serait empêchée de développer l'enseignement de l'arabe... Une explication qui fait bondir Pierre-Louis Reymond, professeur en classes préparatoires à Lyon : « A elle de laisser ses peurs au vestiaire ! Quand on gouverne, il faut être courageux. » Malgré nos demandes répétées, le ministère n'a pas souhaité participer à notre enquête.

En attendant, tout continue de reposer sur l'enthousiasme des recteurs ou chefs d'établissement convaincus. Les classes bilangues ou les sections internationales qui ouvrent sont des succès, comme au collège Louis-Germain de Saint-Jean-de-Védas, près de Montpellier. « On a eu du mal à recruter au départ, mais cette année nous avons vingt élèves en sixième », témoigne Batoul Wellnitz, professeur d'arabe, qui espère « sortir cette langue des quartiers difficiles et la faire accéder, à terme, à une mixité sociale. » En région parisienne, une enseignante (elle requiert l'anonymat) raconte que dans son collège-lycée les classes d'arabe font le plein, à vingt-sept élèves, et refusent des demandes. « Les familles commencent à se rendre compte que l'arabe peut ouvrir des perspectives et qu'il vaut mieux l'apprendre à l'école,espère-t-elle. Pour la première fois, aux portes ouvertes du lycée, j'ai entendu des critiques sur les cours de la mosquée voisine. »

Étudier l'arabe en dehors de l'éducation nationale

Car si l'école est frileuse, les associations, souvent religieuses, investissent en force le terrain. Yahya Cheikh étudie depuis des années cette offre en pleine croissance. « Elle est impossible à mesurer exactement, mais j'estime qu'au moins trois cent mille personnes, en France, étudient l'arabe en dehors de l'Education nationale. » Toutes les mosquées (elles sont deux mille trois cents) proposent des cours. A Argenteuil, à la grande mosquée Al-Ihsan, le dimanche après-midi, le premier étage résonne des voix enfantines qui récitent en classe les sourates du Coran. Tout fiers, des élèves de 6 ans tracent au tableau les lettres qu'ils ont appris à écrire. Près de huit cents enfants, de 5 à 17 ans, suivent ici des cours une demi-journée par semaine : deux heures de langue, une heure de Coran, une heure d'« éducation islamique ». « Avec des enseignants différents, précise le directeur, Mourad Khoutri, par ailleurs prof de maths dans un collège voisin. Le jour des inscriptions, il y a la queue dès 7 heures du matin. » La mosquée a ouvert en 2001 dans cet ancien garage Renault de 8 000 mètres carrés, aujourd'hui lieu de prière pour plus de dix mille fidèles. Le fondateur algérien, Abdelkader Achebouche, 84 ans, explique : « Nous avons tout de suite eu une demande forte pour des cours d'arabe, mais aussi d'éducation musulmane. »Ici, la langue est étroitement mêlée à la religion, même si théoriquement l'école est ouverte à tous.

Comme à La Courneuve, à l'Institut Formation Avenir, installé dans un ancien atelier de charcuterie, peint en blanc et bleu clair — « les couleurs du bled », s'amuse le directeur Habib Mokni, qui fut en Tunisie l'un des fondateurs du mouvement Ennahda. L'école, sans subvention (ni publique, ni privée, ni d'une mosquée), enseigne l'arabe et la « morale musulmane » à plus de quatre cents enfants. « A chaque crise de société impliquant la communauté arabe, la demande augmente,constate Habib Mokni. Quand les musulmans se sentent rejetés, ils se replient dans un réflexe protectionniste, et la langue est un marqueur fort d'identité. Mais l'attente religieuse est secondaire : si les familles trouvaient une offre sérieuse d'arabe à l'école, on aurait moins d'élèves ! »

Apprendre l'arabe est un besoin et la manière de l'enseigner, un enjeu

Pour rehausser la qualité de ces cours associatifs et former les professeurs, Ahmed Dabbabi a cocréé en 2007 un Observatoire européen de l'enseignement de la langue arabe. « Nous travaillons pour améliorer la pédagogie et sortir l'enseignement des mosquées. Mais le Coran est une immense référence linguistique, on ne peut pas le distinguer de la grammaire, de la syntaxe, de toute la rhétorique de la langue. Notre culture est basée sur ce livre, qui a fait à la fois notre langue et notre religion,explique-t-il. Ce n'est pas une raison pour nous regarder comme des fous dangereux ! » Car le développement de ces cours privés, échappant à tout contrôle, nourrit le fantasme. Bernard Godard, l'ancien « monsieur Islam » du ministère de l'Intérieur, en convient : « Leur existence est admise, et personne, ni les Renseignements, ni aucune structure de contrôle, ne met son nez dedans. Il ne faut pas s'imaginer que ces classes sont tenues par des extrémistes, mais elles diffusent une langue purement liturgique, et non une langue vivante de communi­cation. »

Les principaux dangers de cet enseignement sont sa piètre qualité et la communautarisation qu'il entraîne. Le professeur Yahya Cheikh confirme : « Ces cours ne sont pas des fabriques de djihadistes, mais ils impliquent un prosélytisme indirect : leur enseignement ne repose pas sur les valeurs de la République. Ils n'ont par exemple aucune notion de la laïcité. » On y rencontre souvent critiques des mariages mixtes ou négation de l'égalité des sexes... « Dans l'association, pourtant laïque, où allait mon fils, témoigne cette mère de l'Essonne, dont le mari est marocain, les enseignantes étaient toutes voilées. C'est déjà de la religion ! Nous étions le seul couple mixte, et personne ne m'adressait la parole. » Depuis, elle s'est résolue à faire deux heures de trajet le samedi matin pour emmener son enfant aux cours de l'Institut du monde arabe (IMA), à Paris, où la demande explose. Nada Yafi, directrice du centre de langues de l'IMA, fréquenté par deux mille élèves, dont trois cents jeunes de 5 à 16 ans, témoigne : « On sent un grand besoin d'enseignement laïc et lié à la culture. L'arabe est la langue du Coran, mais aussi des chrétiens d'Orient, de la Renaissance arabe, d'un immense patrimoine littéraire et scientifique ! »

Alors que le Golfe est en pleine croissance économique, que des chaînes arabophones existent dans tous les pays, les librairies regorgent de méthodes, lexiques, manuels de grammaire. Apprendre l'arabe est un besoin et la manière de l'enseigner, un enjeu. « L'arabe à l'école de la République, c'est une occasion manquée, soupire Brigitte Trincard-Tahhan, ancienne enseignante. On aurait pu en faire une discipline de référence laïque, si l'on avait osé le considérer comme une langue d'excellence, à l'image du latin. » Il n'est peut-être pas trop tard. La demande des familles est là ; la volonté des enseignants aussi (près de cent candidats ont présenté leur copie au jury d'agrégation 2015) ; les grandes écoles (HEC, Polytechnique, Centrale...) ont déjà compris l'intérêt de cette langue, qu'elles enseignent toutes. Comme l'explique cette mère lyonnaise, dont le fils va à la grande mosquée faute de cours à l'école, « être arabe dans ce pays aujourd'hui, c'est compliqué. A l'adolescence, ces jeunes sont en pleine quête identitaire. L'Education nationale doit intégrer la langue de leurs origines, pour changer l'image d'eux-mêmes que leur renvoie l'école. L'État a le devoir de s'en mêler ».

De quel arabe parle-t-on ?

L'arabe ancien, consacré par le Coran au VIIe siècle, est une langue savante, étudiée pour lire et interpréter le livre sacré. C'est celle que l'on enseigne dans les mosquées, souvent de façon orale, avec des apprentissages de sourates par cœur. A l'école publique ou dans les cours laïcs, on apprend l'arabe dit « standard », dérivé de la langue précédente, simplifiée et modernisée, notamment par des intellectuels syriens et égyptiens lors de la Renaissance arabe, au XIXe. Grammaire, structure, syntaxe sont les mêmes : sacrée, la langue du Coran est intouchable dans sa substance. Employé dans les médias, les discours officiels et la littérature contemporaine de tout le monde arabe, l'arabe standard n'est néanmoins parlé au quotidien par personne. Chaque pays et région a développé des dialectes, à l'image de nos langues européennes issues du latin. On parle ainsi un arabe dialectal différent au Maghreb ou dans la région syriano-libanaise. Un Egyptien peut lire le journal en Tunisie et vice versa, mais deux analphabètes de ces pays ne peuvent pas communiquer.

Juliette Bénabent

(1) Algérie, Maroc, Tunisie, mais aussi Croatie, Espagne, Italie, Portugal, Serbie et Turquie.

(2) Auteur de La Question musulmane en France, éd. Fayard, 2015, 352 p., 20,90 €.

Source : telerama.fr, le lundi 11 mai 2015
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Publié par Régis RAVAT le 16 juin 2015

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