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Au sujet du verbe : « DÉDIER (À) »

Quand on sait que « dédier » signifie essentiellement remercier ou honorer quelqu’un au travers d’une œuvre architecturale, littéraire ou cinématographique, on ne peut être que sidéré du désordre qui s’est depuis quelques années emparé des esprits et qui fait qu’on retrouve désormais ce verbe - ou plutôt son participe passé et son adjectif qui n’a jamais existé - mis à toutes les sauces, à commencer par les plus indigestes !

1) Le verbe : 

Par exemple, qui peut sérieusement prétendre que « dédier » peut remplacer « consacrer » et « destiner » quand on sait qu’un historien pourrait seulement dire : « J’ai consacré un livre à Napoléon, je l’ai dédié à ma femme et l’ai destiné à mes étudiants. » ? Inversement, en aucun cas il ne pourrait déclarer : « J’ai dédié un livre à Napoléon et l’ai consacré à ma femme », car la phrase aurait alors un sens tellement absurde qu’elle en deviendrait incompréhensible !

De la même façon, et pour la raison qu’il a un sens très étroit, « dédier » n’a jamais eu vocation à remplacer d’autres verbes ayant également un sens spécifique comme « réserver », « affecter », « allouer », « attribuer », « adresser », « vouer », etc.

2) L’adjectif (nouvellement créé) :

« Dedié » n’ayant jamais été qu’un participe passé, plus grave encore est la faute consistant à le transformer en un adjectif suivi d’aucun complément quand on sait que, comme beaucoup des autres verbes précipités, « dédier » doit impérativement être suivi de la préposition « à » et nommer la personne, en l’occurrence, que l’on souhaite honorer. C’est pourquoi ceux qui connaissent la seule et unique signification du verbe « dédier » ne peuvent que dénoncer vigoureusement tous ces « site internet dédié », « application dédiée », « page dédiée », « formulaire dédié », « service dédié », « budget dédié », « conseiller dédié », etc. qui ne signifient absolument rien ! Précisément, cette faute est d’autant plus grave qu’elle consiste à donner à l’adjectif un sens n’ayant plus aucun rapport avec le verbe qui n’a jamais été synonyme de « spécial », « spécifique », « particulier », « affecter à un usage propre », « assigner à une fonction unique », etc.

 

Nos conseils à propos du verbe « DÉDIER (À) » !

Sur le bon emploi du mot « DÉDIÉ À »

Il est, en effet, plus que jamais nécessaire de clarifier les choses en rappelant les règles strictes qui régissaient encore il y a peu ce verbe et auxquelles il faut impérativement revenir. 

C’est pourquoi, même si on peut toujours les trouver aujourd’hui dans certains dictionnaires, nous écarterons d’emblée les fantaisies littéraires ou poétiques des siècles passés qui, n’ayant jamais eu leur place dans le langage courant, surtout celui du XXIe siècle, ne devraient plus être mentionnées, d’autant moins qu’elles constituaient déjà à l’époque des extensions hasardeuses. L’audace devant demeurer l’apanage des écrivains et des poètes, nous leur en laisserons donc le monopole. 

Autant le dire tout de suite, et compte tenu de sa signification, il est évident que « dédier » n’aurait jamais dû cesser d’être un verbe rare que le commun des mortels n’avait aucune raison de prononcer, d’entendre ou d’écrire, mais qu’il avait essentiellement vocation à lire, et seulement dans des circonstances extrêmement peu fréquentes. 

En effet, ce verbe n’a de raisons d’être employé que par des créateurs d’édifices, des écrivains ou des cinéastes désireux de rendre publiquement hommage à quelqu’un. Ce verbe se distingue donc du verbe « dédicacer », attention manuscrite particulière n’ayant pas vocation à sortir de la sphère privée. 

 

De la définition même de « dédier » découlent quatre règles.  

- La première est que seule une chose peut être dédiée, et en aucun cas une personne. 

- La deuxième est que l’œuvre dédiée ne peut l’être qu’à quelqu’un d’identifiable car nommé directement ou indirectement (exemples : « à Jean Dupont » ou « à mon père »). 

- La troisième règle est que le fait pour une chose d’être dédiée résulte inévitablement d’une démarche incontestable car volontaire, publique et officielle. Ainsi, par exemple, une église ne se trouve pas porter le nom d’un saint par hasard, mais parce que ceux qui l’ont édifiée le lui ont officiellement donné. Quant à un livre ou un film, le fait pour son auteur de le dédier à quelqu’un ne va évidemment plus faire qu’il portera le nom de la personne considérée. Toutefois, seul l’auteur a la possibilité de dédier volontairement son œuvre à quelqu’un, généralement un membre de sa famille ou un proche, par une inscription - non manuscrite - parfaitement visible au début ou à la fin de tous les exemplaires. 

- La quatrième est que ce verbe est indissociable de la notion de remerciement ou d’hommage rendu à une personne… et forcément pas à une chose ! C’est notamment pourquoi il est délirant de parler dans un supermarché de « rayon dédié aux papiers hygiéniques » !

Une fois de plus, c’est à l’anglais que nous devons tous ces récents désordres, et plus particulièrement aux informaticiens francophones qui, confrontés à l’expression « dedicated servor », l’ont fort mal traduite par « serveur dédié ». Ce qui n’a aucun sens quand on sait, comme le rappelle l’Académie Française, que le verbe « to dedicate » n’a pas exactement la même signification que « dédier », chose d’autant moins surprenante que se trouvent un « a » et un « t » qu’on ne retrouve pas dans le second.. 

De tout ce qui précède, il résulte que plus on connaît l’exacte signification de ce verbe, et moins on a de raisons de l’utiliser !

Laurent Bouvet

 

LAROUSSE : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/dédier/22537

ACADÉMIE FRANÇAISE : https://www.academie-francaise.fr/dedicacer-pour-dedier-ou-consacrer

PAR MOTS ET PAR VAUX : http://www.parmotsetparvaux.fr/chron/chron425.html

LA GRAMMAIRE DE FORATOR : https://la-grammaire-de-forator.over-blog.fr/2014/06/la-mutation-semantique-du-verbe-dedier.html

LA LANGUE FRANÇAISE : https://www.lalanguefrancaise.com/orthographe/bon-usage-de-dedier-dedie-a

 

 

 




Publié par Laurent BOUVET le 28 janvier 2024

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Orthographe, corrections : contact.sy@aliceadsl.fr

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