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Affaire LET'S GRAU, la Cour administrative d'appel de Marseille rend son premier arrêté !

Le 12 juillet 2018, nous recevions la notification de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille : La Cour a sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mars 2018 jusqu’à ce qu'elle statue définitivement sur le fond de l'affaire (cela se fera à la prochaine audience de jugement) et a condamné l'Afrav à payer 1000 euros à la partie adverse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Hélas pour nous, le juge a suivi le rapporteur public dans ses conclusions, et, hélas, encore, il nous condamne à verser 1000 euros à la commune du Grau-du-Roi, au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative (sans commentaire !).

À nous, maintenant, de bien nous préparer pour l'audience sur le fond qui aura lieu vraisemblablement avant la fin de l'année.

Devoir de vacances !

Eh oui, profitons des vacances pour réfléchir à ce procès afin de trouver l'argument qui fera comprendre au juge que nous avons raison. 

En effet, pour que le rapporteur public et le juge changent d'avis en notre faveur, il va falloir faire pencher la balance de notre côté en affûtant l'argumentaire que nous avons développé dans notre dernier mémoire et en apportant, autant que faire se peut, des éléments nouveaux à notre dossier.

D'ores et déjà, des pistes peuvent être étudiées :

- Le juge dit  « que la marque "LET’S GRAU" constitue un calembour jouant sur l’utilisation presque homophonique du nom de la Commune (...) ».

À y regarder de plus près, le calembour en question serait plutôt fait pour les anglophones, car on peut très bien considérer qu'il a été conçu à partir du verbe "to grow" (grandir), un verbe anglais presque homophonique avec le nom de la commune ? Un calembour anglais qui voudrait dire "Let's grow" (grandissons).

Ainsi dit, alors que la langue officielle de la République française est le français, selon l'alinéa 1er de l'article II de notre Constitution et qu'elle est la langue des échanges et des services publics, selon l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi n°94-665, pourquoi la commune du Grau-du-Roi aurait-elle le droit, pour nommer sa marque ombrelle, de faire un calembour typiquement anglais pour les anglophones ?

De plus, contraindre les usagers à subir une marque construite sur un calembour  ayant pour base l'anglais, et ne pouvant être compris que par un anglophone, contrevient à la décision du Conseil constitutionnel, n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, de la Loi de finances pour 2002 qui dit à son 48e considérant : « qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution : "La langue de la République est le français" ; qu'en vertu de ces dispositions, l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ». Autrement dit, une administration ne peut se prévaloir de contraindre les usagers à user d'une langue autre que le français. 

L'Afrav à la Cour administrative d'appel de Marseille

- Le juge trouve normal que, dans la sphère publique, l'on fasse un calembour à partir d'une langue étrangère.

Mais, comment peut-on trouver normal que l'on puisse faire de l'humour, dans le cadre de la sphère publique, sur la base d'une langue étrangère, une langue qui, par définition, n'est pas censée être comprise par tous les usagers de la sphère publique ? Que fait-on, dans ces conditions, de ceux qui ne comprennent pas l'anglais ? Ne sont-ils pas, de fait, exclus, discriminés ?

Où est l’Égalité et la Fraternité entre Français dans cette façon de faire, une façon de faire qui manifestement enfreint notre Constitution qui dit, à l'alinéa 4 de son article II, que la devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité » ?

De plus, si toutes les municipalités de France faisaient de même, c'est-à-dire faisaient des jeux de mots sur la base d'une langue étrangère, qu'en serait-il de notre langue commune, le français, la langue de la République, selon l'alinéa 1er de l'article II de notre Constitution ? Qu'en serait-il de la cohésion nationale, du vivre ensemble ? - D'un côté ceux qui savent les langues étrangères, de l'autre les « ignorants » qui ne connaissent que le français !

À noter que la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans un arrêt du 25 septembre 2008, arrêt n°27977/04, aff. Baylac-Ferrer et Suarez c/France (Note de l'Afrav : affaire traitant des signes diacritiques refusés par l'officier d'État civil), a dit « que la justification avancée par le Gouvernement, à savoir l'unité linguistique dans les relations avec l'administration et les services publics, s'impose [...] et s'avère objective et raisonnable. »

- Le juge trouve normal que, dans la sphère publique, l'on fasse un calembour à partir d'une langue étrangère.

Mais si le juge trouve normal que l'autorité publique puisse créer une marque basée sur un calembour à partir de l'anglais, trouverait-il normal, également, une marque construite sur un calembour à partir de l'allemand, une marque du style "Lass das Grau", par exemple, qui veut dire en allemand « Laissez le gris », clin d' œil pour dire qu'au Grau-du-Roi, il fait toujours beau ?

Selon le même processus, trouverait-il normal une marque construite sur un calembour à partir du portugais, une marque du style  "O Maior Grau", qui veut dire en portugais « le plus haut degré, le grade supérieur, la meilleure note », une façon de dire que le Grau-du-Roi, c'est chic ? Etc.

Ainsi dit, si, dans la sphère publique, une marque construite sur un calembour à partir de l'anglais est considérée comme légale, comment pourra-t-on refuser, d'une manière générale, des marques construites sur d'autres langues étrangères ? Qu'en sera-t-il alors de l’alinéa 1er de l’article II de notre Constitution qui dit que la langue de la République est le français et qu'en serait-il de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi n°94-665 qui dit que la langue française est la langue des échanges et des services publics ? 

- Le juge dit « que cette marque est un slogan qui fait référence à l’expression anglaise "let’s go" et « (...) que ce slogan ne dispose pas d’équivalent en langue française ».

Pourtant, dans la mesure où le juge reconnaît que le slogan est tiré de l'expression anglaise "let's go", pourquoi dire qu'il n'y a pas d'équivalent français possible pour le remplacer, alors qu'il est tout à fait possible de traduire "let's go". Le juge de Nîmes, en première instance, avait proposé la traduction « Allez au Grau » ; soit, au point de vue mercatique, cette traduction ne fait pas trop « marque », mais rien n'empêche la société de communication à laquelle a fait appel la commune du Grau-du-Roi, de chercher - c'est son métier, pas celui du juge -, un slogan équivalent à "Let's Grau", mais qui respecterait cette fois-ci, la langue française tout en gardant l'esprit du slogan initial d'aller au Grau (notion dynamique de mouvement).

Ainsi, pourquoi pas les marques : "VaToGrau", "VaZoGrau", "VaAuGrau", "VaôGrau", "AlléGrau" (calembour avec le mot Allégro). Et si la station balnéaire du Grau-du-Roi veut la jouer chic, pourquoi pas la marque "HidalGrau" (calembour avec le mot "hidalgo").

Et pourquoi pas aussi, traduire le "Let's Grau" anglais en "Graullons-y" français, c'est-à-dire une expression française qui respecterait le jeu de mots-calembour construit à partir de l'expression anglaise "Let's Go" qui signifie en français "allons-y" ?

On le voit donc ici, il est tout à fait possible de rendre en français, la marque "Let's Grau" choisie par la commune du Grau-du-Roi, comme il est tout à fait possible, d'une manière générale, de faire des jeux de mots ou des calembours en français à partir du nom de la commune.

- Le juge trouve normal l'emploi de la marque "Let's Grau".

Pourtant, il y a dans la graphie même de cette marque quelque chose qui n'existe pas en français et qui n'est donc pas normal : le signe « 's » mis pour « us », n'existe pas en français.

L’apostrophe, faut-il le rappeler, est le symbole typographique propre à l’élision. L’élision est l’effacement d’une voyelle en fin de mot devant la voyelle commençant le mot suivant. En français, toute apostrophe procède de l’élision. En anglais, cependant, l’apostrophe ne représente pas systématiquement une élision : celle de l’anglais "Let’s", pour le cas de « Let’s Grau », sert à remplacer la voyelle « u » de « us » ; cette façon de faire n’existe pas en français.

Selon le dictionnaire Littré, l'apostrophe est un « Terme de grammaire. Petit signe ['] qui marque l'élision. L'enfant, l'homme, pour le enfant, le homme.» (https://www.littre.org/definition/apostrophe).

Nous pouvons donc en conclure que la marque "Let’s Grau" contrevient à la graphie et à la grammaire qui régissent la langue française. Cette marque est donc bien illégale au regard de l’alinéa 1er de l’article II de notre Constitution qui dit que la langue de la République est le français et elle est illégale également au regard de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi n°94-665 qui dit que la langue française est la langue des échanges et des services publics. 

- Merci de nous faire part de vos remarques et autres points que nous pourrions soulever afin de porter la victoire pour la langue française à la prochaine audience de jugement.



Après France 3, Midi Libre a parlé de cette affaire !

Il semblerait que la meilleure façon d'intéresser les médias à la langue française en lutte contre l'anglicisation-disparition, ce soit les procès.

Alors, une bonne raison de continuer !


Midi Libre, affaire Let's Grau (Graullons-y), le 19 juillet 2018

Dossier complet sur :
Fonds de lutte : 

 

 

 




Publié par Régis RAVAT le 27 juillet 2018

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Orthographe, corrections : contact.sy@aliceadsl.fr

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