Senghor, le « génie du français » comme socle d'un « humanisme », par Abdou Diouf

PARIS, 18 décembre 2011 (AFP)

Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal et poète de la « négritude », cultivait le « génie de la langue française » qu'il a enrichie de plusieurs mots et qu'il concevait comme la source puissante d'un « humanisme », se souvient son héritier Abdou Diouf.

« Léopold Sédar Senghor, 1906-2001

   Orphée noir, avocat de la langue française

   et père de la Francophonie »

Secrétaire général de la Francophonie et successeur de Senghor à la tête du Sénégal, Abdou Diouf a toujours revendiqué l'héritage du « poète-président », homme sage qui sut quitter le pouvoir sans drame et défenseur passionné de la langue française.

« Lorsqu'il m'a nommé Premier ministre, le 26 février 1970, il m'a dit : il faut que le siège de ton pouvoir ait un nom », raconte-t-il dans un entretien à l'AFP.

Se refusant à baptiser ce lieu de pouvoir du nom d'un bâtiment ou d'une adresse, comme Matignon en France ou Downing street en Grande-Bretagne, il invente « primature ». « Il avait d'abord pensé à "primatie", mais il trouvait que cela faisait trop ecclésiastique », dit en souriant Abdou Diouf. Largement adopté en Afrique francophone, ce mot figure aujourd'hui dans nombre de documents officiels, du Sénégal à l'ex-Zaïre.

Senghor savait aussi « puiser dans le génie local » et parvint ainsi à faire adopter par l'Académie française le terme d' « essencerie », popularisé par la rue dakaroise, pour désigner une pompe à essence.

Abdou Diouf, qui fut secrétaire général de la présidence puis ministre avant de devenir chef de gouvernement, se souvient de séances mémorables où Senghor, premier africain agrégé de grammaire, faisait la leçon à ses ministres.

Son « souci de la clarté » l'avait amené à faire passer « un décret sur l'emploi des virgules et des majuscules, parce qu'il voulait que la langue soit respectée, mais aussi parce qu'il pensait que c'était une garantie pour la bonne compréhension des choses ».

Très vite, le président lança la réflexion pour la construction d'une « communauté francophone ». Un premier projet d'Assemblée adopté à Niamey à la fin des années 1960 sera l'ancêtre de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

« Dans son esprit, la Francophonie était bien sûr le partage d'une langue, mais aussi de valeurs, une communauté politique pour tisser cet humanisme intégral autour de la terre », affirme Abdou Diouf, depuis neuf ans à la tête de l'OIF, qui compte désormais 56 membres et 19 pays observateurs.

« C'est ce que nous faisons : nous défendons des principes universels », affirme-t-il, énumérant les missions de défense de la langue française comme les objectifs d'instauration du développement et de la démocratie.

« Nous sommes pour le dialogue des cultures. Nous ne sommes pas contre l'anglais, mais nous ne voulons pas d'un monde unilingue, d'une pensée uniquea», insiste Abdou Diouf.

Et cela, « Senghor l'avait compris », dit-il. « Aux valeurs universelles que sont "liberté, égalité et fraternité", Senghor et Césaire -- les deux grands poètes de la négritude -- ont ajouté "solidarité et diversité", conscients de la nécessité du dialogue des cultures, qui fonde l'humanisme. »

Cet esprit d'ouverture, Senghor tentait de l'insuffler à ses ministres, n'hésitant pas à l'imposer au besoin : alors secrétaire général de la présidence, Abdou Diouf se souvient que le chef de l'État avait conseillé à ses ministres d'apprendre l'anglais*.

« Comme il s'était rendu compte qu'ils ne le faisaient pas, il a repoussé l'heure du conseil des ministres » pour imposer une leçon d'anglais collective à son gouvernement, dans la salle du conseil tous les mardis matin. « Je faisais office de surveillant général. »

« Le président Senghor disait toujours : "nous devons développer tout l'homme et tous les hommes" », rappelle le fidèle disciple.

« Nous devons être, sinon une force d'action, une force de plaidoyer permanent », martèle Abdou Diouf, qui rappelle que Senghor disait toujours être «atombé en politique par accident » et y être resté par nécessité, face à « l'ampleur » de la tâche.

© 2011 AFP

 

* Note de l'A.FR.AV : nous aimerions vérifier la véracité de cette information, car elle sent à plein nez la propagande pro-anglais que nous subissons à doses forcées depuis le début des années 2000. l'OIF serait-elle contaminée ?

 

 

 

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