Espagne : les Catalans manifestent pour défendre leur langue

Un homme manifeste pour défendre la langue catalane à Barcelone,

le 10 décembre 2012

(photo : afp.com/Josep Lago)

 

En pleine poussée nationaliste, les Catalans sont appelés à manifester le jeudi 13 décembre 2012, à Barcelone, contre un projet de loi sur l'éducation qui réduit le poids du catalan au profit du castillan, langue commune à toute l'Espagne.

Les syndicats d'enseignants et d'étudiants, ainsi que les associations de parents d'élèves qui appellent à la marche, dénoncent « une attaque sans précédent du modèle éducatif catalan ».

Le texte donne plus de poids au pouvoir central pour fixer le tronc commun des programmes éducatifs et renforce le poids du castillan.

Les Catalans y voient une attaque contre un système qui a octroyé une grande autonomie aux régions, notamment en matière d'éducation et de santé, après la fin de la dictature franquiste (1939-1975).

Dans le nouveau système, « la langue catalane ne serait plus une matière obligatoire dans les examens de fin de cycle et passerait en quatrième position dans l'enseignement des langues », derrière le castillan et deux langues étrangères, estime Ramon Grau, directeur d'une école secondaire de Barcelone.

Or, le catalan est le principal symbole de l'identité de la région. Interdit dans la sphère publique durant la dictature, il a progressivement regagné du terrain jusqu'à devenir la langue d'enseignement dans toutes les écoles publiques de cette région de 7,5 millions d'habitants. L'espagnol n'y est étudié que comme une langue obligatoire.

Le texte présenté il y a dix jours par le ministre de l'Éducation, José Ignacio Wert, a fait donc l'effet d'une bombe et ravivé la colère du gouvernement catalan d'Artur Mas, en conflit ouvert avec Madrid qui a rejeté en septembre son projet d'une autonomie budgétaire accrue.

Signe d'une frustration grandissante, une manifestation indépendantiste avait déjà rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes pour le jour de la Catalogne (Diada), le 11 septembre à Barcelone.

Elle s'est également traduite dans les urnes, lors des élections anticipées du 25 novembre qui ont propulsé le parti de gauche indépendantiste ERC à la deuxième place de l'échiquier politique catalan, derrière les nationalistes modérés de la coalition CiU d'Artur Mas.

Mercredi 12 décembre, le président de région a fait alliance avec quatre autres partis pour exiger une « révision profonde » du projet Wert.

« Ils veulent que le catalan ne se parle pas », affirmait un slogan collé sur la bouche d'un retraité qui a manifesté lundi avec des milliers d'autres lors d'un premier rassemblement contre la réforme à Barcelone, soulignant le risque de rouvrir les plaies du passé.

Si la réforme se concrétise, « ce que nous aurions serait un modèle très semblable à celui que nous avons connu petits, un modèle d'un certain autoritarisme, avec des contenus très contrôlés » par Madrid, dénonce aussi Alex Castillo, 47 ans, père de deux enfants de 10 et 13 ans.

Le système actuel, « bien au-delà de favoriser l'apprentissage d'une langue et de la culture, élimine les différences d'origine des élèves », ajoute Eloy Cortes, un étudiant de 20 ans.

« J'ai vécu toute ma scolarité dans l'immersion linguistique et c'est un modèle dans lequel personne n'est exclu » parce que, indépendamment de la langue parlée en famille, « tous les élèves reçoivent des outils pour avoir un très bon niveau en catalan et en castillan », assure-t-il.

Toutefois, ce système ne convient pas à tous et certains parents ont exigé, en vain, devant la justice, de scolariser leurs enfants en castillan.

Le projet de loi répond à leur demande et prévoit que les parents souhaitant pour leur enfant un enseignement en castillan, et non en catalan, puissent l'inscrire dans une école privée aux frais du gouvernement régional. Une telle mesure supposerait un coût très élevé pour la Catalogne.

Le Pays basque et la Galice, deux régions qui ont aussi leur langue officielle, seraient en revanche moins directement concernées puisqu'elles proposent déjà une scolarisation en castillan à l'école publique, en plus de la langue de la région.

« Le gouvernement ne veut absolument pas liquider l'école en catalan », a une nouvelle fois assuré mercredi M. Wert.

Las. La révolte gronde et certains appellent déjà à l'insoumission.

« Je propose de refuser d'appliquer la nouvelle loi », dit Ramon Grau, soulignant qu'une réforme éducative qui réduit les libertés des Catalans renforcerait encore le sentiment indépendantiste.

 

 

Source : AFP, le jeudi 13 décembre 2012

Possibilité de réagir en ligne :

http://www.rtl.be/info/monde/europe/965815/espagne-les-catalans-manifestent-pour-defendre-leur-langue