France, où est ta
francophonie ?
L'Académie
s'alarme du délabrement de la langue, un millier de personnalités
signent un appel pour que le Français soit effectivement en usage à tous
les niveaux de la Communauté européenne comme il en a le droit. La
francophonie n'est pas seulement en cause à l'étranger, mais aussi en
France même.
L'Académie s'alarme, 800
personnalités réclament
Une France francophone, s.v.p.
Depuis
quelque temps, Maurice Druon
n'apparaissait plus dans l'actualité. Mais il est
vigoureusement
sorti de son silence l'autre jour, en public, sous la Coupole de
l'Académie, dont il
est le secrétaire perpétuel.
À
ce titre, il s'est lancé dans un véritable discours de combat, dégainant
pour défendre le français. Et cela dans l'Hexagone même :
« Ce n'est pas la présence quantitative
du français dans le monde qui doit nous inquiéter, mais son état
qualitatif en France ».
« Le délabrement de la langue communément
écrite ou parlée »
s'accélère, selon M.
Druon, dans l'enseignement, les textes administratifs, la publicité, à
la radio et la télévision qui
« diffusent à longueur d'antenne et à
largeur d'écrans, un parler relâché, avachi, déliquescent ».
« La langue est l'un des éléments
premiers et le plus précieux de notre patrimoine, affirma-t-il.
Quand un fou
lacère un tableau du Louvre, quand un vandale mutile une statue dans un
parc royal, chacun crie au scandale. Et nous ne crierions pas au
scandale quand, mille fois par jour, on attente à notre patrimoine
mental ? »
« Nous en appelons aux pouvoirs publics,
aux élus, jusque dans le moindre village, aux fonctionnaires, aux
maîtres, à tous pour que s'instaure un état d'esprit attentif au respect
et à la qualité du langage »...
Parallèlement à cette
sorte de harangue, 800 personnalités ont signé récemment un deuxième
appel pour
« l'avenir
de la langue française »
adressé déjà en
juillet au président de la République, au gouvernement et aux membres du
Parlement.
« Depuis quelques années,
relèvent ces
signataires,
dans un
certain nombre de secteurs - grandes entreprises, publicité, recherche
scientifique, audiovisuel - et jusqu'au sein de l'appareil d'État,
quelques décideurs se sont mis en tête de faire renoncer la France à sa
propre langue et de la faire parler anglais, ou plutôt américain ».
Parmi ces nouveaux
signataires : l'industriel Jacques Calvet, Jean-Louis Curtis, Cavanna,
Régine Deforges, les comédiens Geneviève Casile, Jean Desailly, Anny
Duperey, Claude Piéplu, les chanteurs Yves Duteil, Jean Ferrat et José
Van Dam.
Les 800 signataires
(qui s'ajoutent aux 300 de l'appel initial) demandent notamment d'«
assurer
l'usage effectif du français à tous les niveaux des institutions
européennes », de
rappeler dans la
Constitution que le français est non seulement la langue de la
République, mais aussi la langue de l'enseignement et du travail.
Ils demandent
également de
«
transformer la loi du 31 décembre 1975 sur l'emploi de la langue
française, afin qu'elle traite de tous les aspects de son usage et
qu'elle soit effectivement appliquée ».
L'association qui
vient de se créer veut obtenir
« en particulier le vote rapide par le
parlement d'une nouvelle loi linguistique ».
Personne dans la
presse écrite - et à Midi Libre en particulier - ne saurait se montrer
indifférent à ce souci de sauvegarde et de réhabilitation.
Source : Midi Libre, le dimanche 10 janvier 1993