La bataille pour les droits des francophones au Manitoba pas forcément gagnée

Le centre des services bilingues se trouve

au Centre La Vérendrye à Saint-Boniface.  

Photo :  Florence Reinson

 

 

La lutte des Franco-Manitobains pour obtenir plus de services en français n'a pas toujours été facile, mais elle a permis de faire changer les mentalités.

Dans les années 80, il y a eu une rupture violente avec les anglophones qui s'y opposaient. Aujourd'hui, peu importe leur âge, leur expérience, leur langue maternelle, bon nombre de Manitobains s'entendent pour dire qu'il existe encore des ponts à construire entre les anglophones et les francophones, même si une plus grande ouverture existe.

Gilberte Proteau, aujourd'hui grand-mère de huit petits-enfants, était présidente de la Société franco-manitobaine dans les années 80, en pleine crise linguistique, alors que la communauté revendiquait des services en français.

« Un jour, ma fille a répondu au téléphone et on lui a dit : "Tell your mom that one of these days I am gonna take a gun and shoot her (Dis à ta mère qu'un jour, je prendrai un fusil pour lui tirer dessus)." Quand je suis arrivée à la maison, ce n'était pas gai et les enfants avaient vraiment peur », se souvient-elle.

Ses petits-enfants ne connaissaient pas cette histoire, mais sont fiers qu'elle ne se soit pas laissée impressionner. « Je ne savais pas que ma grand-mère avait reçu des menaces comme ça au téléphone. Ça fait un peu peur d'y penser. Au moins, ils ont passé ça et ont combattu pour qu'on ait ce qu'on a aujourd'hui. Parce que s'ils s'étaient laissé faire et avaient arrêté de se battre pour le français, où est-ce que je serais maintenant ? » se demande Mathieu Jubinville.

Les messages de haine d'hier se sont transformés, constate le cinéaste Stéphane Oystryk. « J'ai fait quelques films sur Saint-Boniface, ils ont été très bien reçus par la communauté anglophone ici à Winnipeg. Il y a une curiosité, il y a une soif d'en savoir plus au sujet de Saint-Boniface », note-t-il.

Agressivité

« Ce qui me déçoit des fois, c'est de regarder Internet et de voir les commentaires sur les articles qui ont comme sujet la dualité linguistique, les services bilingues, et souvent on voit un peu d'ignorance à mon avis de gens qui sont opposés à ça, mais de façon vraiment agressive », ajoute-t-il.

La rédactrice en chef du Winnipeg Free Press, Margo Goodhand, admet recevoir aussi parfois ce genre de commentaires. Certaines critiques ont été virulentes lorsqu'elle a commencé à publier un article en français tous les samedis.

« Il n'y a pas de mot pour décrire mon indignation de voir un article dans une langue que je ne comprends pas. Si vous n'êtes plus un journal anglophone, je vais mettre fin à mon abonnement », a écrit un lecteur.

Plus de francophiles qu'il n'y paraît

Toutefois, Margo Goodhand estime qu'il s'agit d'une minorité et qu'il y a parmi ses lecteurs beaucoup plus de francophiles qu'on ne pourrait le croire. « Nous avons reçu beaucoup de bravos », assure-t-elle.

Le président de l'Association étudiante de l'Université de Saint-Boniface, Ben Marega, constate également chaque jour, lors de ses relations avec des associations anglophones, une ouverture d'esprit. Il voudrait cependant que les Manitobains acceptent plus la réalité francophone.

« On a l'impression d'être des francophones dans le Canada et on ne veut pas être des francophones dans le Canada, on veut être des francophones du Canada », insiste-t-il.

Torts partagés

Pour Stéphane Oystryk, les Franco-Manitobains aussi ont leur bout de chemin à faire. « Je pense qu'on a des fois tendance à se refermer sur nous. C'est là où le manque de communication arrive, où les gens perdent un peu le fil des choses et n'arrivent pas à comprendre ce qu'est exactement cette culture-là et comment elle fonctionne. Je pense que c'est peut-être un peu pour cela qu'il y a de la méfiance, c'est l'inconnu », estime-t-il.

Si l'atmosphère, l'attitude et l'ambiance sont beaucoup plus favorables aux francophones qu'elles ne l'étaient dans les années 80, Gilberte Proteau n'ira pas jusqu'à dire que vouloir une loi sur les services en français ne causerait pas de problèmes aux anglophones.

 

 

Source : radio-canada.ca, le mardi 20 mars 2012

Possibilité de réagir sur :

http://www.radio-canada.ca/regions/manitoba/2012/03/20/002-evolution-realite-francophone.shtml

 

 

 

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