La Louisiane participera au sommet de la Francophonie en Suisse

WASHINGTON, le 14 septembre 2010 (AFP)

© KEYSTONE | Le sommet de la Francophonie invite la Louisiane à Montreux.

 

La Louisiane participera au sommet de la Francophonie organisé le mois prochain à Montreux (Suisse), a annoncé mardi 14 septembre, l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, en visite dans cet État du Sud des États-Unis.

La Louisiane « est invitée pour étudier comment elle peut être associée au travail de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). C'est le début d'une démarche », a déclaré à l'AFP M. Raffarin, qui est le représentant de la France au sein de l'OIF.

M. Raffarin a indiqué avoir remis mardi aux autorités louisianaises une invitation du gouvernement suisse et du secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, pour participer au sommet.

La Louisiane étant un État fédéré au sein des États-Unis, « il n'y a pas encore de procédure d'intégration », a ajouté l'ancien chef du gouvernement. « C'est déjà un pas considérable que la Louisiane soit invitée », a-t-il remarqué.

Interrogé sur d'éventuelles difficultés diplomatiques à l'égard de Washington, M. Raffarin a observé que « c'est toujours un peu compliqué quand il y a une province ou un État (d'un côté) et un État fédéral (de l'autre) ».

« On avait connu le même problème avec le Québec et l'État fédéral canadien », a ajouté M. Raffarin, qui a effectué une visite en Louisiane avec six autres sénateurs afin de marquer la solidarité de la France après la marée noire du golfe du Mexique et le passage de l'ouragan Katrina il y a tout juste cinq ans.

La Louisiane comptait quelque 7% de francophones parmi ses 4,5 millions d'habitants au dernier recensement de 2000. L'État conserve le nom de l'immense territoire offert au roi de France Louis XIV par l'explorateur Robert Cavelier de la Salle en 1682.

Ce territoire, qui couvrait tout le bassin du Mississippi, a été vendu aux États-Unis par Napoléon Bonaparte en 1803 pour 15 millions de dollars, entraînant un doublement de la superficie des États-Unis. Le système juridique de l'État de Louisiane reste influencé par le code civil napoléonien.

 

© 2010 AFP

 

Source : tv5.org, le  14 septembre 2010

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/p-1911-La-Louisiane-participera-au-sommet-de-la-Francophonie-en-Suisse-Raffarin-.htm?&rub=4&previsu=1&dateprevisu=2010-03-12+12%3A08%3A43%3Fcompetence%3DCO%3F&xml=100914232438.umton4f9.xml

 

 

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Quand l’Amérique chante en français

 

Chez Antoine, France & USA ! (Jean-Jacques Béguin)

 

La Louisiane participera au Sommet de la Francophonie à Montreux en tant qu’« invité spécial », comme le Val d’Aoste. En compagnie d’un avocat passionné de musique cadienne, David Émile Marcantel, regards sur un État américain dont la réalité bilingue est à la fois fragile… et dynamique.

Il était une fois une colonie française baptisée Louisiane qui allait des Grands Lacs, au nord, jusqu’au Golfe du Mexique, au sud. Une région dont le Mississipi était l’épine dorsale, et qui recouvrait un bon tiers des États-Unis actuels. Une région que Napoléon, qui avait d’autres chats à fouetter en Europe, vendit en 1803 à un jeune pays nommé États-Unis. La Louisiane, dans une version nettement réduite, deviendra État américain en 1812.
 

La Louisiane est multiple. Une population constituée à l’origine d’Amérindiens, puis de colons principalement français, ensuite d’esclaves « importés » d’Afrique dès 1719, et aussi d’une vague d’immigration « acadienne » au cours de la 2e moitié du 18e siècle. Soit des francophones chassés des provinces maritimes de l’Est du Canada par le gouverneur anglais de l’époque. Des milliers d’Acadiens sont alors déportés, et un nombre important d’entre eux va trouver refuge dans le delta du Mississipi.

La Louisiane, un formidable mélange social, culturel et linguistique que le rouleau compresseur américain n’est pas encore parvenu à complètement formater, y compris et peut-être en particulier dans sa musique.

David Émile Marcantel, qui habite Jennings, une ville de 12 000 habitants dans le Sud-ouest de la Louisiane, est avocat et notaire. Mais il est aussi le créateur de la webradio « Radio Louisiane » et de « Musique acadienne », un label de musique cadienne (ou « cajun »).

 

swissinfo.ch : Quel type de Louisianais êtes-vous ?

David Emile Marcantel (Privé)

David Émile Marcantel : Je suis né d’une famille qui est établie en Louisiane depuis 1700. Mon ancêtre Marcantel est venu de Chambéry, en France, comme soldat. La famille est donc bien installée, depuis quelque chose comme 14 générations, en Louisiane !

Ma famille était donc là bien avant l’arrivée des Acadiens. La Louisiane était une terre de refuge : les Acadiens n’ont pas été déportés vers la Louisiane, ils ont été déportés vers beaucoup d’autres endroits au monde, mais ils sont venus en Louisiane pour s’y réfugier. Maintenant, on appelle la Louisiane la Nouvelle Acadie, l’Acadie du Sud, ou Acadie tropicale…

 

 

swissinfo.ch : Ce n’est pas fréquent de parler avec un avocat qui a créé une webradio et un label musical…

D.E.M. : Disons que je ne suis quand même pas le seul avocat qui aime la musique ! Pour moi, c’est un passe-temps que j’apprécie, parce que j’aime la musique bien sûr, mais aussi pour une autre raison : c’est utile pour promouvoir l’usage du français. C’est une façon de s’assurer que le français continuera d’être utilisé. C’est comme une cause, pour moi : c’est mon devoir de promouvoir la survivance du français en Louisiane.

 

swissinfo.ch : Alors qu’à une époque on a tenté d’éradiquer le français en Louisiane, il y a un vrai effort de réhabilitation depuis la création du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) à la fin des années 60…

D.E.M .: Quand cet organisme a été fondé, il était très mal vu de parler français. Être bilingue, cela se cachait : c’était comme un défaut de parler français en plus de l’anglais. Le français est beaucoup plus respectable maintenant.

Ce qu’on a fait avec le CODOFIL, c’est de relancer l’enseignement du français dans les écoles élémentaires, et, par conséquent, de faire apprendre le français par des centaines de milliers de jeunes - sans doute plus d’un million en 40 ans. Il y a aussi des écoles d’immersion qui marchent bien, où l’on enseigne par exemple les mathématiques ou la science en français. Ce sont les écoles qui réussissent le mieux à faire parler véritablement français.

 

swissinfo.ch : Est-ce que cela a un véritable impact sur la Louisiane ? Ces enfants gardent-ils ensuite un lien à la langue française ?

De Gaulle aimait-il les crevettes? (Jean-Jacques Béguins )

 

D.E.M. : Jusqu’à un certain point. Je ne veux pas prétendre que nous sommes en train de créer massivement une population qui parle français… La situation pour le français en Louisiane est très difficile. Il y a toujours une pression de la culture américaine à éradiquer le français.

Mais il y a maintenant des jeunes qui s’intéressent au français, qui s’impliquent dans la culture cadienne, qui créent des orchestres qui chantent en français ou vont à des festivals – ce qui n’était pas le cas auparavant, puisque le français était considéré comme dépassé. Il y a 40 ans, si un festival avait eu lieu, il n’y aurait pas eu un seul jeune, que des vieux ! Maintenant, pour tout le monde, il est normal qu’un orchestre chante en français, et qu’on s’amuse !

La musique cadienne est très populaire dans le Sud de la Louisiane. Chaque fois qu’il y a un festival - et il y en a beaucoup, pour célébrer les crevettes, ou les pêches, ou les melons d’eau, tout ! – il y a toujours des orchestres cadiens qui chantent en français.

Même si je n’ai pas l’impression qu’ici le français va mourir très prochainement, on voit tout de même qu’il y a plus de vieux Cadiens qui meurent que de nouveaux francophones qui sont « créés » dans les écoles. La population francophone baisse donc continuellement en Louisiane.

 

swissinfo.ch : Selon le recensement de 2000, 4,7% de la population louisianaise parlait le français à la maison… selon vous, quelle évolution depuis ?

D.E.M. : Il y a eu un recensement en 2010 dont nous n’avons pas encore les résultats. Mais il est certain qu’il y a moins de gens qui parlent principalement français maintenant.

 

swissinfo.ch : Quand on est Américain et francophone, pense-t-on parfois avec un peu de nostalgie au fait que le Mississipi a été un jour le plus long fleuve français ?

D.E.M. : Oh… les Louisianais ne pensent pas beaucoup au fait que la Louisiane allait jusqu’au Canada à un moment donné. Pour les Louisianais, notre État, c’est la Louisiane. Le Mississipi traverse notre État, nous sommes des enfants du Mississipi, mais je ne crois pas qu’il y ait une nostalgie pour le fait qu’autrefois les Illinois étaient aussi français…

 

swissinfo.ch : Et pourtant l’Amérique du Nord serait peut-être française si Napoléon n’avait pas vendu la Louisiane aux É-U-A…

D.E. M. : Si Napoléon n’avait pas vendu la Louisiane, les Américains l’auraient sans doute prise quand même! C’était inévitable.

 

swissinfo.ch : En tant que régions, le Val d’Aoste et la Louisiane ont le statut d’« invités spéciaux » aux Sommets de la Francophonie. C’est important pour vous ?

D.E.M. : Oui. La Louisiane doit se sentir membre de la famille des pays francophones. Et nous sommes très fiers d’être invités à ces Sommets de la Francophonie. Bien sûr, on ne peut pas être membre de la Francophonie, parce que pour cela, il faudrait que ce soit les États-Unis qui soient membres.

Et… ce n’est pas possible, mais si jamais les États-Unis faisaient partie de cette organisation, les Louisianais ne seraient jamais invités à participer par les Américains ! La participation de la Louisiane aux Sommets de la Francophonie existe parce que les É.U.A ne sont pas un pays francophone !

 

Bernard Léchot, pour swissinfo.ch

 

 

Source : swissinfo.ch, le 20 septembre 2010

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 http://www.swissinfo.ch/fre/Dossiers/LArchipel_francophone_-_Montreux_2010/La_politique_en_jeu/Quand_l_Amerique_chante_en_francais.html?cid=28243620