« la France commence avec sa langue, disait l'historien Braudel : et il n'y a aucun doute qu'elle finira avec elle ! »
Aujourd'hui, l'anglais est devenu, chez nous, une langue d'occupation, il serait temps de nous organiser pour enfin mener un combat de libération.

RR

 

Écoles et universités veulent enseigner en anglais 

 

Des étudiants de l'Essec assistent à un cours. Environ 80% des cursus sont aujourd'hui en anglais dans les écoles de commerce.

Crédits photo : Nicolas TAVERNIER/REA/Nicolas TAVERNIER/REA

 

Selon le président de la Conférence des grandes écoles, il faut « aménager » la loi Toubon qui défend la langue française. 

"Entirely taught in English" (« entièrement enseigné en anglais ») : les cursus de ce type se multiplient dans les écoles et universités françaises même si ces dernières réclament toujours plus de facilités pour en ouvrir. Le sujet sera abordé ce jeudi lors d'un colloque de la Conférence des grandes écoles axé sur l'internationalisation de l'enseignement supérieur.

Depuis six mois, Pierre Tapie, le directeur général de l'Essec, réclame un aménagement de la loi Toubon. Cette dernière laisse peu de marges de manœuvre, juge aussi Jean-Pierre Gesson, membre de la Conférence des présidents d'université. La langue de l'enseignement ainsi que des thèses est le français, selon la loi, sauf exceptions : les établissements dispensant un enseignement « à caractère international » ne sont pas soumis à cette obligation, ainsi que celles accueillant un minimum d'étudiants ou professeurs étrangers. Environ 30% des cursus en écoles d'ingénieurs sont aujourd'hui en anglais, 80 % dans les écoles de commerce. Une proportion comparable à l'université dans les masters en sciences « dures », en économie ou sciences de l'ingénieur.

Selon une enquête de l'Ined menée en 2008 auprès de 2 000 directeurs de laboratoire de recherche, la suprématie de l'anglais est écrasante en sciences exactes, plus nuancée dans les lettres et sciences humaines. Pourtant des écoles se font régulièrement retoquer par la commission d'évaluation d'accréditation nationale des diplômes: «Dès qu'un intitulé est en anglais, ça ne passe pas. Alors que sur la scène internationale, tout le monde comprend. Nous sommes en permanence obligés de bricoler pour satisfaire aux exigences de la loi», raconte Pierre Tapie. La question de l'apprentissage en anglais a commencé à se poser il y a quinze ans et s'est accélérée il y a sept ou huit ans.

« Un sujet délicat »

Signe des temps, au Québec, traditionnel bastion de défense de la langue française, les diplômes des universités francophones basculent aussi en partie vers l'anglais. «C'est un sujet délicat , reconnaît Pierre Tapie, mais si nous ne nous mettons pas plus à l'anglais, nous allons perdre 95% des meilleurs étrangers. Ce n'est pas la peine d'attendre alors que les étudiants indiens et chinois se multiplient et sont demandeurs. » Même son de cloche d'Yves Poilane, directeur de l'école d'ingénieurs Telecom-Paris-Tech: «Mieux vaut attirer des étudiants avec l'anglais et leur donner quelques cours en français par ailleurs », juge-t-il. Reste que ses enseignants, s'ils parlent anglais ne se sentent pas tous capables d'enseigner dans cette langue. « Certains ont peur d'appauvrir leur discours », reconnaît-il. Alors que l'un des masters de cette école devait basculer en anglais, une demi-douzaine d'enseignants ont été envoyés à Bath, en Angleterre, l'été dernier, pour un séjour en «immersion». Parallèlement, un enseignant de français langue étrangère (FLE) a été engagé par l'école pour transmettre un bagage minimal aux étrangers.

À l'université Toulouse-I, la messe est dite. «La moitié de nos enseignants ne parlent pas français, du coup nos cursus en économie et en droit se passent en anglais», explique Bruno Sire, le président de cette université qui accueille des doctorants de Harvard. «C'est gentil, la loi Toubon mais la langue de la science, c'est l'anglais. Au XVIIIe siècle, notre langue permettait d'attirer les meilleurs cerveaux. Nous avons perdu cet avantage », dit-il. Certains, pourtant, résistent: quatre mille chercheurs français ont signé l'an dernier une pétition pour défendre l'usage du français dans les publications de recherche. Cet été, les participants aux dixièmes entretiens de la francophonie, à Lyon, se sont aussi émus de cette «promotion du tout anglais » qui paraît inexorable.

Des travaux de recherche à l'entrée des grandes écoles

Comme réponse au manque de diversité sociale dans les grandes écoles, débat polémique du début de l'année, Pierre Tapie, le directeur de l'Essec, prône une nouvelle épreuve aux concours des grandes écoles littéraires et économiques, les «travaux d'initiative personnelle et encadrée» (Tipe). Les Tipe sont une épreuve récente des concours d'entrée aux écoles scientifiques qui visent à faire découvrir les problèmes posés par la recherche documentaire. Cette recherche doit être exposée à l'oral. Selon Pierre Tapie, Valérie Pécresse a la volonté de faire évoluer certaines épreuves jugées trop discriminantes socialement: «Les Tipe permettent déjà de tester une forme de travail plus collective. Il serait intéressant d'étendre ces épreuves aux concours littéraires et économiques  ». Quant aux boursiers, s'ils réussissent moins bien que les non-boursiers aux concours, c'est parce que les inégalités se sont creusées « dès le secondaire  », affirme-t-il, s'appuyant sur une enquête menée par la CGE.

 

 

Source : lefigaro.fr, le jeudi 7 octobre 2010

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