Cours en anglais à l'université : feu vert des députés

Le Monde.fr avec AFP et Reuters 

À l'issue de longues discussions, les députés français ont ouvert, jeudi 23 mai, la possibilité de dispenser des cours en anglais dans les universités du pays, malgré un tir de barrage des opposants, qui redoutent une perte d'influence du français dans l'enseignement. L'Assemblée nationale a adopté par un vote à main levée l'article 2 du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche présenté par Geneviève Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur.

« Je me réjouis que l'on y soit arrivé, après toutes ces discussions », a déclaré Mme Fioraso après l'adoption de cet article du projet de loi, jugeant que la poursuite de la polémique qu'il a suscitée, au-delà même des cercles universitaires, aurait risqué de nuire à l'image de la France. « La façon dont cela durait risquait de donner de nous – surtout après l'abrogation de la circulaire Guéant, circulaire qui était bien plus grave –, une image de défaitisme, de repli sur soi. Pour être aimé, il faut être aimable ».

Le gouvernement Ayrault avait abrogé dès juin 2012 la circulaire sur les étudiants étrangers, dite « circulaire Guéant », du nom de l'ancien ministre de l'intérieur. Depuis le 31 mai 2011, ce texte demandait aux préfets d'instruire « avec rigueur » leurs autorisations de travail et d'exercer un « contrôle approfondia» des demandes de changement de statut d'étudiant à salarié.

Le projet de loi étend les exceptions à l'enseignement en français à l'université, afin de favoriser l'attractivité des universités. La loi Toubon de 1994 écrit expressément que la langue de l'enseignement est le français et prévoit déjà des exceptions. Mais la disposition a déclenché un débat passionné depuis plusieurs semaines et l'Académie française avait même demandé au gouvernement de renoncer.

« NÉCESSITÉS PÉDAGOGIQUE »

Si tous les amendements visant à supprimer l'article controversé ont été repoussés jeudi dans l'Hémicycle, les députés ont encore encadré cette nouvelle dérogation à l'enseignement en langue française en votant un amendement du PS, qui avait reçu un avis favorable du gouvernement. Cet amendement précise que les exceptions à l'enseignement en français ne seront admises pour certains enseignements que « lorsqu'elles sont justifiées par des nécessités pédagogiquesa».

Plusieurs élus de l'opposition, mais aussi de gauche, comme le député socialiste Pouria Amirshahi, secrétaire national à la francophonie du PS, étaient hostiles à cette mesure, qui suscite aussi l'opposition de l'Académie française. « Il ne s'agit, en aucun cas, de remettre en cause la primauté de l'enseignement en français ou la défense de la francophonie », a assuré Geneviève Fioraso. « Il s'agit au contraire d'élargir le socle de la francophonie auprès des jeunes, notamment des pays émergents, qui, aujourd'hui, ne viennent pas dans notre pays. »

ERREUR DE LA PRÉSIDENTE DE SÉANCE

L'objectif du projet de loi, précise le texte est « essentiellement de régulariser les situations dans lesquelles le contournement de ce principe est rendu inéluctable, tant pour des raisons pédagogiques que pour des motifs liés à l'internationalisation des systèmes d'enseignement supérieur ».

Le président du groupe PS de l'Assemblée, Bruno Le Roux, avait annoncé mercredi qu'un accord était intervenu entre le gouvernement et les députés PS. L'Assemblée a rejeté plusieurs amendements déposés par des élus UMP qui visaient à supprimer cette disposition qualifiée de « renoncement dangereux à notre langue ».

L'Assemblée a en revanche entériné des amendements qui prévoient la mise en place d'un apprentissage de la langue française au bénéfice des étudiants étrangers concernés et de circonscrire la portée de la mesure aux enseignements « nécessitant véritablement d'être dispensés en langue étrangère ».

Bien que la majorité des députés présents dans l'Hémicycle ait clairement voté en faveur de cet article 2, la présidente de séance, Catherine Vautrin (UMP), a annoncé par erreur que cet article n'était pas adopté. Aucun député n'a relevé cette erreur en séance. L'examen de ce projet de loi par les députés, qui compte une soixantaine d'articles, devrait s'achever lundi prochain, l'Assemblée devant se prononcer le 28 mai par un vote solennel sur l'ensemble du texte.

 

Source : lemonde.fr, le 23 mai 2013

http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2013/05/23/feu-vert-des-deputes-au-cours-en-anglais-a-l-universite_3416361_1473692.html?