Suite à l'article du Monde d'il y a quelques semaines, un nouvel article sur ce sujet, cette fois du Wall Street Journal. Pas étonnant qu'ils s'en réjouissent eux, de cette nouvelle victoire de la langue hégémUnique dans le pays de la langue de Molière.

Reste à trouver des statistiques confirmant (ou non) que chanter en anglais permet à ces chanteurs de mieux se vendre à l'étranger. Ce n'est pas du tout certain. L'article reste dans les évidences, l'argument d'autorité, de victoire déjà effective de l'anglais.

Autres éléments à réfuter dans l'article :
- le refus de l'anglais serait un refus de la mondialisation (!)
- il y aurait une France qui refuserait le tout-anglais (ah oui ? qui ça ?)
- accent français en anglais de S. Tellier dû à son manque d'assiduité en classe (ça se saurait si le bon accent anglais s'acquérait en classe, de 30 élèves en plus)
- etc.

AK

 

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MUSIQUE 

La chanson française délaisse le patriotisme linguistique

De plus en plus de groupes ou de chanteurs de l’Hexagone se mettent à l’anglais. Question de génération et de musicalité, mais aussi de marketing. Le reportage amusé d’un journaliste américain.

Lorsque, en 2008, France 3 a choisi le chanteur pop Sébastien Tellier pour représenter la France lors du concours de l´Eurovision, la levée de boucliers ne s´est pas fait attendre. Dans un courrier adressé à la ministre de la Culture, François-Michel Gonnot, parlementaire UMP, s´est déclaré « choqué » par cette sélection et a demandé à la ministre d´intervenir. D´autres députés lui ont emboîté le pas, allant même jusqu´à dire que la prestation de Tellier, chanteur hirsute et barbu, amateur de lunettes de soleil grand format, était anticonstitutionnelle. Sur Internet, des blogueurs furieux ont rapidement rejoint la polémique et les discussions en ligne n´ont pas tardé à s´envenimer.

Pourquoi un tel scandale ?

La chanson de Tellier avait le mauvais goût d´être en anglais. « C´était de la folie », raconte Marc Tessier du Cros, directeur du label Record Maker, à propos de Sébastien Tellier, près d´un an après la controverse. « On disait même qu´il était antifrançais ». La polémique a fini par se calmer et Tellier, beau joueur, a rajouté quelques mots dans sa langue natale lors du concours. Pourtant il n´est pas le seul musicien français à renoncer à cette tradition française de patriotisme linguistique. De plus en plus d´artistes français écrivent et chantent en anglais et touchent ainsi un plus large public. Des groupes comme AaRON, Cocoon et The Dø sont en tête des ventes en France avec des chansons en anglais. Des artistes plus reconnues, comme Emilie Simon et Camille, qui doivent leur renommée à des chansons en français, se sont également mises à la langue de Shakespeare.

Pourtant, si l´anglais peut permettre aux artistes français de mieux vendre leurs albums à l´étranger, en France, où la loi impose des quotas aux radios et aux télévisions avec au moins 40 % de chansons en français, chanter en anglais peut se révéler problématique. Les grandes maisons de disques encouragent d´ailleurs leurs artistes à préférer le français s´ils veulent ne pas attendre trop longtemps le succès. « Les radios françaises sont très obtuses, explique M. du Cros. Si vous chantez en anglais, vous êtes en compétition avec Madonna et Beyoncé. Si vous chantez en français, vous passez avec Johnny Hallyday. » C´est dans cette optique que M. du Cros a fondé en 2000 son propre label pour promouvoir les artistes qui chantent dans d´autres langues que le français. « Nous cherchons à toucher un public restreint dans plusieurs pays plutôt qu´un large public en France, dit-il. Les artistes doivent pouvoir choisir librement leur langue », plaisante-t-il.

Ce débat linguistique s´insère dans le cadre plus large d´un combat contre la mondialisation - dans le monde des affaires comme dans celui de la culture populaire. D´un côté, il y a la France qui reconnaît que l´anglais est indispensable professionnellement et qui introduit l´apprentissage de l´anglais de plus en plus tôt à l´école. Et, de l´autre, il y a celle qui refuse de reconnaître l´anglais comme la langue de communication internationale et qui oblige les entreprises et les publicitaires à traduire le moindre document ou slogan.

Un pays multiculturel qui chante en anglais

Au milieu a poussé une nouvelle génération d´artistes et de fans, de 15 à 35 ans, pour qui l´anglais est la langue de la pop. Ils ont passé leur enfance à écouter Michael Jackson, Prince ou Alanis Morissette. Aujourd´hui, ils ne découvrent plus de nouveaux artistes sur les ondes ou à la télévision, ils écoutent sur leur iPod des airs téléchargés sur MySpace, YouTube ou à partir de la carte mémoire d´un ami.

Avec ses boucles d´oreilles en plumes, sa frange courte et la petite robe d´été qu´elle porte dans la vidéo On My Shoulders, Olivia Merilahti, chanteuse et parolière de The Dø, ne déparerait pas dans les bars branchés de Williamsburg, New York, Islington, Londres ou Friedriechshain, à Berlin. Le son indie et le look branché du groupe ont trouvé un écho chez cette génération qui achète ses tee-shirts chez American Apparel et sirote des vanilla latte dans les Starbucks de Los Angeles, de Londres ou de Lyon. Cette jeune femme, née de mère finlandaise et de père français, a passé son adolescence à Paris. Elle perfectionnait son anglais en traduisant les paroles de Queen, de Mariah Carey ou de The Offspring. « L´anglais, c´est ma langue musicale, dit-elle. C´est ce que j´ai écouté toute ma vie. »

Pourtant, quand elle a rencontré Dan Levy, son partenaire de The Dø, en 2004, et qu´ils ont commencé à enregistrer dans son petit studio, elle était loin d´imaginer un tel ­succès. « On n´arrêtait pas de nous dire qu´on ne serait jamais numéro 1 et qu´on ne serait même pas dans le Top 50 si on chantait en anglais », se souvient-elle. C´est alors qu´Oxford, la marque de cahiers, a choisi l´une de leurs chansons pour une publicité à l´automne 2007.

En quelques jours, le nombre de clics sur leur site MySpace est monté en flèche et, quand leur album A Mouthful est sorti, quelques mois plus tard, il est devenu le premier album en langue anglaise enregistré par un groupe français à grimper aussi haut dans les classements de ventes de disques.

Internet a changé radicalement la façon de promouvoir, de vendre et de distribuer la musique. Avec l´aide de YouTube, de MySpace et d´autres réseaux sur le web, les artistes assurent eux-mêmes la promotion de leur musique et de leur image, parfois au point de s´affranchir des services des grandes maisons de disques et des radios, toujours soumises aux quotas. Parallèlement, la France est devenue multiculturelle. Ces cinquante dernières années, l´afflux d´immigrés et d´expatriés a changé le visage du pays. En outre, de plus en plus de citoyens français séjournent plus ou moins longtemps à l´étranger.

Depuis les années 1980, le nombre d´étudiants qui partent étudier à l´étranger avec Erasmus a été multiplié par 20. Après l´Allemagne, la France est le pays de l´UE qui envoie le plus d´étudiants à l´étranger, essentiellement dans des pays anglophones. Et ces données ne prennent pas en compte ceux qui partent un an ou un semestre dans les universités aux États-Unis, au Canada ou en Australie.

La musique de ces artistes se nourrit d´autres styles et d´expériences culturelles, notamment venus du Royaume-Uni et des États-Unis, et l´anglais s´impose parfois de lui-même lors de l´écriture. « La plupart du temps, je commence par la musique, la mélodie », explique Emilie Simon, qui écrit des chansons en français et en anglais. « Puis les paroles me viennent. Ensuite, c´est très simple : si les mots viennent en français, c´est que la chanson doit être en français et s´ils viennent en anglais... Je me laisse porter par la musicalité des mots. »

« Le français, je l´utilise par petites touches sonores »

Il y a un an, cette Française a quitté Paris pour New York - afin de trouver l´inspiration. Ce dont elle se nourrit, explique-t-elle, va au-delà du langage. C´est une expérience plus globale, qui finira par imprimer sa marque sur ses nouvelles chansons. « C´est un peu comme un peintre qui utilise les couleurs pour peindre : une touche de français, une touche d´anglais et une touche de violons », décrit-elle pour expliquer son processus d´écriture. « Au final, c´est l´œuvre dans son ensemble qui compte, ce qu´elle vous dit et ce que vous ressentez quand vous l´écoutez. »

Autre artiste passée maîtresse dans l´art de peindre avec des sons, des mots et des instruments, Camille a sorti Music Hole, écrit pratiquement uniquement en anglais, après deux albums en français. Lors d´un récent concert à Bruxelles, ville multilingue s´il en est, son public était en majorité francophone. Mais quand Camille monte sur scène, qu´elle chante Canards sauvages ou Money Note, dans laquelle elle se gausse de l´allure des divas de la pop, les mots et la langue n´ont plus d´importance. Les sons ont une vie propre, se mélangeant aux voix, aux bruitages de Camille et de ses choristes. « Pour les gens de ma génération, parler anglais était indispensable », explique Sébastien Tellier, qui reconnaît avoir manqué d´assiduité en classe, d´où son accent français prononcé...

Le scandale causé par sa participation à l´Eurovision l´amuse encore. Il n´aurait pu espérer meilleure publicité pour sa chanson, même si sa prestation n´a pas été franchement un succès. Tellier ne croit pas être moins français parce qu´il chante en anglais. Au contraire, en rendant sa musique accessible au plus grand nombre, il participe à la diffusion de ce qu´il appelle « l´esprit français ». « Je ne peux pas faire de la musique anglaise, c´est impossible parce que je suis français. Mais je suis arrivé à la conclusion que, pour être un bon Français, je devais chanter en anglais. »


Gabriele Steinhauser
The Wall Street Journal

 

Source : courrierinternational.fr, le 12 mars 2009

http://www.courrierinternational.fr/article.asp?obj_id=95478

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