Cameroun : Le Pentagone en Afrique - l'agenda américain


Les GIS arrivent et s'installent sur le continent. Terrorisme et pétrole en ligne de mire.

C'est officiel, les Américains arrivent. Le Pentagone qui a considérablement renforcé sa présence en Afrique depuis les attentats du 11 septembre 2001, à travers diverses manoeuvres militaires, va désormais s'y installer. Le président américain George W. Bush vient en effet d'ordonner la création d'un centre de commandement militaire spécial pour l'Afrique, d'ici le mois de septembre 2007. C'est ce que Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense a annoncé mardi, devant la commission sénatoriale des forces armées. Officiellement, ce commandement spécial sera chargé de développer la coopération militaire américaine avec les pays africains et de mener des opérations militaires si nécessaires. Mais, on se doute bien que son cahier de charges devrait être plus épais encore. Les cinq commandements régionaux américains implantés dans le monde, sont la manifestation la plus tangible de la puissance militaire des États-Unis. Leurs responsables, généralement des généraux quatre étoiles, sont si influents qu'ils rendent directement compte au président des États-Unis et non pas aux ambassadeurs américains dans les pays où ils sont installés.

Jusqu'ici, l'Afrique ressort de trois commandements différents au sein des forces armées américaines. La plupart des pays africains sont gérés par le commandement européen, basé à Stuttgart en Allemagne. La Corne de l'Afrique relève du commandement central qui, basé à Miami en Floride, gère aussi le Proche-Orient et l'Asie Centrale. Enfin, les îles au large du continent, telles que Maurice et Madagascar, font partie du commandement du Pacifique, dont le quartier général est situé à Hawaï. Désormais, l'ensemble de l'Afrique, y compris les îles, sera géré par le nouveau commandement spécial. À l'exception toutefois de l'Égypte qui continuera à relever du commandement central, en raison, manifestement des liens étroits de ce pays avec le Proche-Orient. Dans un premier temps, le commandement Afrique sera basé à Stuttgart en Allemagne, mais devrait à terme être installé sur le continent. Selon Robert Gates, « ce commandement permettra aux États-Unis d'avoir de l'Afrique une approche plus efficace et plus intégrée, comparée à l'approche actuelle qui est un vestige de la Guerre Froide ».

 

Contre le terrorisme

L'idée d'un commandement militaire spécial pour l'Afrique, fait son chemin au Pentagone depuis 2003. Elle traduit le nouvel intérêt stratégique des États-Unis pour ce continent. Les Américains entendent commencer leur guerre préventive contre le terrorisme à des milliers de kilomètres de leurs frontières. Et l'Afrique, présentée comme un terreau favorable pour les terroristes, leur paraît incontournable. L'Afrique de l'Est inquiète tout particulièrement les responsables de l'antiterrorisme américain qui voudraient l'empêcher de prendre le relais de l'Afghanistan comme base arrière de Al-Qaïda. Cette partie de l'Afrique est depuis plus de cinq ans, l'objet de toutes les attentions de l'armée américaine qui y a installé, à Djibouti, notamment, sa plus grande base militaire sur le continent, avec près de 1800 militaires. L'US Navy a également disposé dans l'Océan indien, au large de la Somalie, un groupe aéronaval autour du porte-avions Dwight D. Eisenhower.

Au-delà de la corne de l'Afrique, les Américains qui ont en mémoire les attentats contre leurs ambassades de Dar-es-salam en Tanzanie et de Nairobi au Kenya, voient des foyers potentiels de terrorisme un peu partout sur le continent. Ils soupçonnent par exemple le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), un mouvement algérien, de vouloir créer un « Al-Qaïda du Maghreb et du Sahel ». Ils estiment que la région saharienne, peu peuplée, et notamment le Mali et la Mauritanie, seraient des havres potentiels pour les activistes. Même l'Afrique centrale, l'Afrique de l'Ouest et des pays comme le Nigeria et l'Afrique du sud constitueraient des motifs d'inquiétude, au regard d'une part, des activités de collectes de fonds et de recrutement opérées par le passé par Al-Qaïda et d'autre part, de la pauvreté rampante dans la plupart des pays africains qui pourrait bien faire le lit du terrorisme.

 

Le pétrole aussi

Il n'en faut pas plus pour que les observateurs soupçonnent les États-Unis d'amplifier le risque terroriste en Afrique pour justifier leur militarisation de ce continent à des fins notamment d'exploitation de son sous-sol. L'Afrique, on le sait, fournit déjà près de 16% du volume des hydrocarbures consommées aux États-Unis. Les importations américaines de pétrole africain devraient même passer à 25% en 2015. Et, il peut apparaître vital pour les américains de garantir par tous les moyens, leur accès futur à ce pétrole, surtout au moment où la Chine, de plus en plus gourmande, s'intéresse aux matières premières africaines et étend son influence sur ce continent où elle multiplie des accords de développement et de coopération économique.

C'est bien connu avec les Américains : quand ils veulent le pétrole, ils positionnent leur armée là où il y en a.

 

Ambroise Ebonda

 

Source : Le Messager (Douala), le 8 février 2007