Défendre la langue française ?

La langue de la République est celle de notre liberté de pensée

Par VALÈRE STARASELSKI, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE.

 

Manifester pour la langue française ! Est-ce bien raisonnable ? Et pour dire mieux, n’est-ce pas un peu passé de mode, inessentiel, ringard quoi ?

À cela, les organisateurs (1) de l’initiative du 18 juin prochain au Panthéon, à Paris, répondent : « Vous ne vous croyez pas concernés ? Détrompez-vous ! Pour le pouvoir en place, notre manifestation est un non-événement auquel vous n’êtes pas censés vous intéresser. » Or, argumentent-ils : « Dans la plupart des pays industrialisés, on constate une érosion très nette de la qualité des langues nationales, écrites et parlées, tandis que les “élites” se font les relais efficaces d’une propagande visant à instaurer une langue unique, en prétextant des impératifs de communication et des nécessités commerciales à l’échelle planétaire… Toutefois, un examen approfondi montre que la dérive vers une langue unique ne relève nullement du pragmatisme, mais seulement d’une idéologie implantée artificiellement par une colonisation profonde des esprits. La défense des langues, des cultures et de la pluralité n’est pas une petite guéguerre d’opérette. Elle conditionne à terme notre indépendance technologique et économique, culturelle et politique. » Deux faits de l’actualité récente apportent de l’eau (beaucoup) au moulin des organisateurs de cet appel du 18 juin. Tout d’abord, le coup de gueule du philosophe Michel Serres dans Sud-Ouest, le 9 mai dernier. Extraits : « L’auteur de cet article habite aux États-Unis depuis quarante ans… Amoureux des langues, il en apprécie les musiques subtiles… Ne le soupçonnez pas d’enfermement ni de nationalisme. Pourtant, au retour de dix voyages, voici ce qu’il voit : plus de mots anglais sur les murs de nos villes ou à la une de nos journaux que de mots allemands pendant l’Occupation. » Ce à quoi il ajoute : « Victorieux de la lutte pour le fric, les riches cherchent à ne pas jaser de la même manière que le peuple. » Et à propos de cette novlangue, appelée aussi globish, que ces derniers jasent, « quel sabir ! » s’exclame le philosophe, qui rapporte : « Si vous saviez à quel point ces dominants ignorent le vrai, le bel anglais ! J’en ai honte devant mes amis d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique ! » Et de lancer cet appel : « Révoltez-vous contre les nouveaux collabos, entrez en résistance, faites la grève du zèle, en faveur de notre langue. » Autre fait, recueilli dans le Progrès du 19 avril dernier, cette fois. Sous le titre « Thermal Ceramics en grève pour avoir un directeur francophone », on peut lire « que les employés recherchent un nouveau directeur qui puisse enfin les comprendre : « Notre ancien directeur est parti en janvier et son remplaçant est un directeur par intérim étranger. Il est anglais et ne parle pas du tout français. Du coup, on ne peut pas communiquer avec lui », expliquent Pierrick Dumont, délégué syndical de la CGT, et Thierry Juvin, délégué du personnel. Agir pour notre langue, afin de ne pas tomber durablement dans le grégarisme le plus accablant n’est pas une tâche secondaire. La langue de la République, article 2 de la Constitution, est un bien commun parce qu’elle est un incontournable repère, une sorte de service public de la liberté d’expression et de pensée qui continuera de se forger pourvu qu’on s’en occupe. Qui on ? Vous, nous, le peuple quoi !

 

(1) Le samedi 18 juin, 14 h 30, au Panthéon, à Paris, métro Luxembourg.

Parmi les organisations, citons l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (www.asselaf.fr), Courriel, Défense de la langue française, l’association Francophonie et Avenir (www.francophonie-avenir.com, www.courriel-languefrancaise.org), Avenir de la langue française.

 

Dossier disponible sur le site de La Faute à Diderot (www.lafauteadiderot.net).

 

VALÈRE STARASELSKI

 

 

Source : l'humanité.fr, le 10 juin 2011

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