Ayrault met en garde Montebourg contre un usage intempestif de l'anglais

Alors que le ministre du Redressement industriel veut lancer la filière de la "Silver Economy", le premier ministre demande au gouvernement d'utiliser des termes français, y compris pour les innovations techniques.

 

Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg, en octobre dernier.

Crédits photo : © Stephane Mahe / Reuters/REUTERS

 

Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement industriel, et sa collègue Michèle Delaunay, chargée des Personnes âgées, viennent de lancer officiellement et en grande pompe la "Silver Economy". Cette nouvelle filière industrielle « regroupe toutes les entreprises agissant pour et/ou avec les personnes âgées », ont précisé les deux ministres. Ils ont réuni la semaine dernière à Bercy tous les acteurs concernés « entreprises (petites, grandes, moyennes), associations, acteurs du monde médico-social ».

Tout en s'enthousiasmant pour ce secteur plein de promesses, « en 2035, un tiers des Français auront plus de 60 ans, ils seront plus de 20 millions », nos deux ministres n'ont pas pris la peine de traduire en français ce qu'ils entendent par "Silver Economy". Mot à mot ce serait « Argent Économie », le métal blanc désignant les cheveux argentés des seniors.

Il s'agit de « l'économie liée à l'âge », explique de façon très imprécise un membre de leurs cabinets. « Le terme anglais nous semble le mieux approprié pour un secteur qui entend se développer à l'exportation », se justifie ce collaborateur ministériel.

L'explication n'a manifestement pas convaincu Jean-Marc Ayrault. Le premier ministre a envoyé le même jour (25 avril) à ses ministres « une circulaire relative à l'emploi de la langue française ». Il y rappelle à juste titre une évidence hélas trop souvent oubliée: « Depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui, en 1539, a fait du français la langue de l'administration et de la justice, jusqu'à l'inscription en 1992 dans notre Constitution de la disposition selon laquelle “La langue de la République est le français”, notre pays s'est construit dans un rapport étroit à la langue française ».

Dans cette même circulaire Jean-Marc Ayrault estime que « notre langue est à même d'exprimer toutes les réalités contemporaines et de désigner les innovations qui ne cessent de voir le jour dans les sciences et les techniques ».

Manque d'imagination

On ne saurait mieux critiquer la démarche d'Arnaud Montebourg, qui a cru bon d'importer le terme anglo-saxon brut de décoffrage. Faut-il y voir de la paresse intellectuelle, un comportement d'épigone ou la soumission au capitalisme mondialisé ? À chacun d'en juger. Plus grave peut-être, le manque d'imagination que dénote le recours à l'anglais est par ailleurs typique des politiques industrielles qui s'acharnent à préserver les secteurs anciens au lieu d'en prospecter de nouveaux.

Le conflit Ayrault-Montebourg, qui portait jusqu'alors sur la stratégie économique et les déficits publics, ressurgit en tout cas dans un domaine nouveau.

Pour sa part le premier ministre ne saurait être accusé de mépriser les langues étrangères, lui qui n'a pas hésité à envoyer samedi dernier des "tweets" rédigés en allemand à l'adresse de son homologue Angela Merkel. Suprême délicatesse que de parler la langue de son interlocutrice.

Des "tweets" ou des « gazouillis », si l'on voulait traduire absolument en français ? Mais en l'occurrence le mot anglais est légitime, du fait de sa brièveté parfaitement adaptée à la réalité qu'il désigne. Sans compter que le français, comme toute langue vivante, reste ouvert aux influences étrangères. Mais pour la "Silver Economy" il n'y a aucune excuse autre que l'incurie et la négligence que stigmatise dans sa circulaire le premier ministre.

À bon traducteur, salut.

 

 

Source : lefigaro.fr, le lundi 29 avril 2013

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http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/04/29/20002-20130429ARTFIG00419-ayrault-met-en-garde-montebourg-contre-un-usage-intempestif-de-l-anglais.php

 

 

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Félicitons M. Ayrault pour cette heureuse initiative :

 

http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/ecrire

 

 

 

 

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