7e  SOMMET  DE  LA FRANCOPHONIE

(À Hanoï au Vietnam)

 

 

7e SOMMET DE LA 

FRANCOPHONIE

À  HANOÏ  LE  14, 15  ET  16 

NOVEMBRE  1997

(photos, AFP. En haut M.Chirac et son homologue vietnamien M. Tran Duc Luong)


FRANCOPHONIE

 

Un sommet de la francophonie, pourquoi faire ? On ne peut s’empêcher de poser cette question au moment où s’ouvre à Hanoï, au Vietnam, en présence de Jacques Chirac, la vingt-neuvième rencontre de ce type. En vérité, au fil des ans, ces grandes manifestations font surtout la preuve de leur inefficacité. D’abord parce que peu de résolutions y sont prises et que souvent elles ne sont que le complément d’autres décisions adoptées, par ailleurs, par d’autres organisations internationales. Ensuite, parce que le rayonnement de la France, cruelle vérité, ne cesse de diminuer.

Influence

On pourra objecter que, précisément, ces sommets permettent de préserver des liens entre pays, de freiner le recul de notre influence, d’endiguer la percée des autres ensembles linguistiques.

En vérité, il serait surtout utile de se demander si ces grand messes sont le moyen le plus efficace de défendre les couleurs de la langue française et donc l’influence de notre pays.

Ce n’est pas sûr, même si nous sommes flattés de voir des dizaines de chefs d’État se rassembler autour de la francophonie. L’influence, aujourd’hui, ne passe plus par là. Elle exige des actions plus concrètes, des échanges humains, des formations offertes aux cadres de demain dans les pays francophones et non-francophones.

Nous sommes une nation ouverte qui ne sait pas gérer son ouverture et attirer vers elle ceux qui seront les meilleurs chez les autres. La francophonie ne peut plus être une simple action de prestige culturel. Elle doit impérativement devenir un levier économique et politique pour la France de demain.

Jérôme COLLET

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 15 novembre 1997 

 

 

Ils parlent français

 

Tous ces drapeaux sont ceux de nations ayant le français pour langue, maternelle ou adoptive. Ils claquent au vent de Hanoï, où se tient le sommet de la francophonie. Cette réunion tente de transformer la communauté d’intérêt linguistique en force politique, avec un secrétaire général qui pourrait être Boutros Boutros-Ghali. Le président Chirac a soutenu sa candidature, malgré le souhait de l’Afrique noire de voir élu l’un des siens. Et les choix politiques ne sont pas toujours évidents : alors que la France prônait le développement des autoroutes de l’information, le Vietnam faisait remarquer que des millions d’enfants vivent dans la misère.

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 15 novembre 1997 

 

 

 

Le sommet de la Francophonie au Vietnam

 

Faire de la francophonie une vraie force politique

 

Création d'un secrétariat général. Le Canada veut plus d'intervention

Le 7e sommet de la Francophonie, qui s’est ouvert hier à Hanoi, entend donner à la solidarité francophone « une traduction politique » et s’élargit à cinq nouveaux pays.

La Moldavie et Sao Tome e Principe, ont été admis membres à part entière du club des pays ayant le français en partage. L’Albanie, la Pologne, la République Yougoslave de Macédoine, en deviennent observateurs. Sur les 47 pays enregistrés jusqu’alors comme membres à part entière, seule la République démocratique du Congo n’était pas représentée.

Le Vietnam pays hôte, a choisi pour thème de ce premier sommet à se tenir en Asie le « renforcement de la coopération et de la solidarité francophones pour la paix et le développement social ». Son président, Tran Duc

Luong, a appelé ses pairs à porter « la coopération économique, commerciale, scientifique et technique à la hauteur du politique et du culturel » et à mettre en œuvre « de nombreux exemples d’une coopération Nord-Sud et Sud-Sud », au sein de l’« espace francophone ».

« Nous parlons de mondialisation, alors que dans certains de nos pays des régions et des populations sont ravagées par la famine et les maladies. Nous parlons d’inforoutes pendant que d’innombrables enfants sont privés d’école et doivent vivre dans un environnement naturel dégradant », a-t-il dit.

Le président Jacques Chirac a annoncé « des efforts supplémentaires », soit 42 millions de francs sur deux ans (+17%) pour les programmes francophones et 20 millions de francs pour le fonds d’intervention sur les autoroutes de l’information créé en mai. Il a été applaudi lorsqu’il a promis une plus grande souplesse pour l’attribution de visas aux étudiants et chercheurs, une mesure prônée par le gouvernement Jospin.

« L’espace de la Francophonie couvre les cinq continents. Il rassemble plusieurs centaines de millions de femmes et d’hommes. Cette carte maîtresse il nous faut la jouer sans complexe. Il en va de l’avenir de nos enfants, du rayonnement de nos cultures, de la prospérité de nos société », a dit Jacques Chirac.

« Notre combat commun permettra de conjurer le risque d’un monde où l’on parlerait, penserait, créerait dans un moule unique et par conséquent réducteur », a-t-il ajouté.

La création d’un poste de secrétaire général, qui constituera l’événement du sommet, a fait l’objet d’âpres discussions. Après le retrait de la candidature de l’ancien président béninois Émile Zinsou et celle du Zaïrois Henri Lopez, le seul candidat reste l’ancien secrétaire général de l’ONU, l’Égyptien Boutros Ghali. Il est soutenu par la France qui mise sur sa notoriété. Les pays africains, les plus nombreux au sein de l’espace francophone, auraient pourtant souhaité être représentés par un des leurs, comme l’a dit le président béninois Kérékou.

Côté politique, le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, a souhaité que le futur secrétaire général ait « un mandat fort et clair ».

Comme d’autres, Jean Chrétien a souhaité que la Francophonie travaille aux côtés des Nations Unies ou de l’Organisation de l’unité africaine à la prévention et au règlement des conflits. 

 Rappelons la parution chez Hachette du « Dictionnaire universel francophone », qui se veut le « premier dictionnaire véritablement francophone », comportant 116 000 définitions, dont 10 000 de l’univers francophone.


 

Source : Midi Libre, journal du 15 novembre 1997

 

 

 

Francophonie 

 

Consensus à Hanoï

 

Les pays francophones réunis en sommet à Hanoï sont parvenus à un consensus sur les pouvoirs de leur futur porte-parole, l’ancien « patron » de l'Onu, Pierre Boutros Boutros-Ghali. Les représentants de 48 pays francophones des cinq continents ont aplani les divergences institutionnelles qui les séparaient, au début de la conférence, quant aux rapports du futur secrétaire général du mouvement avec les dirigeants francophones à l’avenir. Les dirigeants francophones ont également mis la touche finale au manifeste dit « Déclaration de Hanoï » et au « Plan d’Action » en faveur du développement et de la coopération internationale.

 

  Source : Midi Libre, journal du 16 novembre 1997

 

 

 

 Le Congo Kinshasa s’est retiré de la francophonie



Discordes et controverses au sommet de Hanoï

 

 

Le Burkina Faso et le Bénin étaient opposés à l'élection de Boutros-Ghali

 

De nombreuses divergences sont apparues entre les pays francophones qui ont achevé hier leur 7e sommet à Hanoï. Les participants n’ont réussi ni à convaincre de leur capacité à donner à leur mouvement une stature politique, ni même à afficher un front uni.

D’abord, la nomination de 1’Égyptien Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire général, un poste de « porte-parole politique » de la francophonie, a été précédée d’une fronde bruyante de pays africains comme le Burkina Faso ou le Bénin ne considérant pas l’ancien « patron » de l’Onu comme « l’un des leurs ».

Cette contestation a donné l’effet d’un certain désordre, même si les angles ont été arrondis avant la clôture, et même si M. Boutros-Ghali, fortement soutenu par la France et le Canada, a considéré que cette controverse avait été  « exagérée ».

Ensuite le retrait du mouvement francophone annoncé, en plein sommet, à Kinshasa, de la République démocratique du Congo (RDC), le plus grand pays francophone d’Afrique sub-saharienne, a fait l’effet d’un pavé dans la mare. L’ex-Zaïre a justifié hier par son souci d’indépendance son retrait de la francophonie, qualifiée par le président Laurent-Désiré Kabila de « prolongement du néo­colonialisme ».

« Pour le chef de l‘État, les échanges culturels et autres avec la France doivent continuer en dehors de la francophonie »,  a estimé hier un commentateur de la radio nationale de Kinshasa.

Hier, au micro de RFI, le ministre des Affaires étrangères de la RDC, Raphaël Ghenda, a explicité les raisons de Kinshasa : « Nous affirmons avec beaucoup d’énergie notre politique d’indépendance. Après la guerre de libération et pendant la guerre, toute la campagne de désintoxication, de désinformation et de dénigrement part de la France », a-t-il dit.

Lors de la conférence de presse finale, Jacques Chirac a simplement indiqué hier que « la présidence n ‘a pas été informée de cette décision, nous ne pouvons pas faire de commentaire », tandis que M. Boutros-Ghali, dans ses premières déclarations de secrétaire général, expliquait que « Les États sont libres et souverains ».

Les divergences exprimées par le président français et le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, sur l’éventualité de sanctions en cas de crise dans un ou des pays membres de la francophonie ont aussi fait l’effet d’un «couac », malgré la bonne humeur et la complicité affichées par les deux hommes.

M. Chirac a indiqué que « la France n’est pas du tout disposée à ce que la francophonie serve de support à des sanctions », tandis que M. Chrétien n’a pas exclu cette possibilité « à condition que tous les pays soient d’accord ». Plus tard, M. Boutros­Ghali a expliqué que «c’est d’abord aux Nations unies de régler les conflits internationaux ».

Des divergences fondamentales ont aussi été évidentes sur des questions de politique internationale comme l’Irak. Répondant à une question sur la crise actuelle, M. Chirac a de nouveau condamné comme « inacceptable », « l’attitude des dirigeants irakiens », tandis qu’à ses côtés la vice-présidente Nguyen Thi Binh rappelait la position du Vietnam selon laquelle « les mesures de guerre ou d’embargo ne peuvent pas résoudre le problème ».

De même, si dans leur plan d’action adopté à l’issue du sommet - qui prévoit notamment une accélération de la coopération économique - les pays membres « expriment leur préoccupation devant les conséquences liées à la dissémination des mines antipersonels dans le monde », le Vietnam a déclaré lors du sommet à M. Chrétien qu’il ne signerait pas le mois prochain à Ottawa le traité interdisant ces mines. Ces pays francophones ont des perspectives encore plus différentes que celles du Commonwealth », remarquait un diplomate européen, « il est difficile de voir leur but commun ».

Finalement, le grand bénéficiaire de ce sommet est bien le Vietnam, qui peut désormais à juste titre se vanter d’avoir organisé un sommet sans aucun accroc malgré son manque d’expérience, et non perturbé par les manifestations de militants des Droits de l’homme secrètement redoutées.

Le Vietnam avait fait de la réussite de cette première manifestation internationale, qui a vu affluer à Hanoï près d’une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement du monde entier et 600 journalistes, une question de prestige national. 

 

 

Source : Midi Libre, journal du lundi 17 novembre 1997 

 

 

 

LE SOMMET DE LA FRANCHECACOPHONIE

 

« NUL n’a le monopole de la bonne gouvernance », a tonné à Hanoï notre valeureux président de la République, qui parle couramment le francophone et sait de quoi il cause.

Ce sommet organisé à grand bruit et à gros frais au Vietnam, dont seulement un habitant sur mille a quelques connaissances du français, se promettait d’accoucher d’une « nouvelle francophonie à contenu politique ». On devait en finir avec l’image ringarde et surannée de la francophonie gaullo-québéco-africaine de papa. Il s’agissait, aussi, d’abandonner une vieille arrogance qui n’a plus franchement de raison d’être quand on sait que le français ne compte plus de par le monde que 160 millions d’adeptes, pardon, de « locuteurs » , et que notre belle langue n’arrive qu’en neuvième position, loin derrière l’arabe, le bengali et le portugais. Cette francophonie d’un nouveau genre devait réformer son image et ses institutions pour se donner plus de «visibilité» et « sortir de ses combats d’arrière-garde ». C’est un franc succès !

La « visibilité » a été immédiate avec l’élection de Boutros Boutros-Ghali au poste de secrétaire général de la francophonie. Le « Crocodile du Nila», ex-secrétaire général de l’ONU, dont il fut évincé méchamment — et en anglais dans le texte — par les Américains, après avoir pourtant longtemps fait leur jeu, devait donner à la francophonie moderne « un visage ». Il lui a surtout donné bonne mine.

Quant aux combats d’arrière-garde, ils ont été remplacés par des combats d’arrière-cuisine. En imposant Boutros Boutros à la majorité, mais sans le moindre vote, Chirac, tout en se drapant en matière de droits de l’homme dans les bienfaits de la persuasion par l’exemple, a réussi la prouesse de se mettre en position de recevoir des leçons de démocratie de grands humanistes du genre Laurent-Désiré Kabila. L’ex-Zaïre, largement plus francophone que démocratique, a quitté le sommet en hurlant au néocolonialisme, et le nouveau secrétaire général est déjà contester par de nombreux pays africains, qui n’ont guère apprécié les bons vieux marchandages pour qu’ils renoncent à un autre candidat.

La francophonie aimant bien les mots en « ance », les problèmes d’intendance ont eu également une forte prépondérance. Les négociations du nouveau secrétaire général sur ses émoluments, primes comprises, son petit personnel, son logement de fonction et ses frais de représentation ont beaucoup fait pour l’image de la francophonie modeste et moderne. Et, pour éviter les questions embarrassantes, il a préféré esquiver la conférence de presse finale...

Passons sur les 75 millions de francs engloutis dans cette vaste opération, sur le centre de conférences internationales qui servira surtout à des conférences en anglais, et sur les entreprises françaises du Vietnam qui préfèrent engager des anglophones que des étudiants vietnamiens diplômés de français.

En attendant la « dimension politique » de cette nouvelle francophonie que le nouveau secrétaire général est censé incarner et promouvoir, et à laquelle il n’a apparemment pas encore eu le temps de réfléchir, on ne peut que constater, pour rester francophone et poli, que la « bonne gouvernance » de ce VIIe sommet de la francophonie par Chirac a surtout viré à la franche « consternance ».

Érik Emptaz

 

 

Source :  Le Canard enchaîné, journal du mercredi 19 novembre 1997

 



Francophonie : l’aube, enfin!

 

Francophonie : l'aube, enfin, se lève-t­elle ? J’aurai attendu presque autant que Senghor, Bourguiba et Hamani Diori, afin que s’installe la véritable espérance d’une maison commune, pour ceux qui ont le français en partage. En 1963, j’avais rejoint l’équipe d’un Premier ministre, à ses débuts Georges Pompidou. La guerre d’Algérie se terminait ; ses plaies ne sont pas encore refermées. Nous n’étions pas nombreux à imaginer qu’une langue pouvait, mieux que l’histoire et la politique, être le lien essentiel entre des communautés très diverses et que cet élément devait être la considération prioritaire pour leurs intérêts et leur personnalité. Nos débuts furent modestes. Les politiciens à la paupière lourde, mais à la volonté aussi légère que la cervelle, haussèrent les épaules quand nous parvînmes à créer un « Haut comité de la langue française ».

Madame Edwige-Feuillère y fut associée. « Ce texte est un véritable bouquet ! » assura le général de Gaulle, toujours fort galant. Trente ans après, que d’efforts et de temps perdus, que de cérémonials accompagnés de moyens squelettiques, que de luttes picrocholines entre comités Théodule, que d’états-majors de la parole, que d’humbles fantassins aussi, jamais découragés.

Des petites chapelles s’étaient rassemblées, closes sur de maigres crédits, jalouses de maintenir leur présence dans les congrès ou leurs desservants, installés à vie, ne semblaient pas se voir vieillir. L’administration achetait à petit prix, avec eux, sa paix et sa léthargie. La haute politique avait la tête ailleurs, prise entre les blocs qui ne se sont jamais encombrés du destin d’une langue, si brillante au XVIIe siècle. Qui aurait osé parler d’identité quand la mode imposée était celle de l’alignement ? Les folklores de la Louisiane et de l’Acadie, l’éveil des talents en Afrique et en Amérique latine, n’auraient eu aucun sens, s’ils avaient eu une existence quelconque entre le Kremlin et la Maison-Blanche. Durant trois décennies, l’opinion publique française n’a semblé distinguer ni l’importance de l’action, ni le contenu de ce qu’elle pouvait être. Les présidents de la République lui adressaient des discours rituels, mais l’un d’eux, M. Giscard d’Estaing, trop soucieux d’exactitude, avait souligné qu’en territoire, population et force, l’État qu’il couronnait représentait moins que rien, 1 % peut-être. Je n’ai pas voulu m'en souvenir. Bref, le temps passa ainsi, médiocrement parsemé de déceptions attendues.

Mais ce temps aurait-il Chang ? Il aura fallu presque dix ans pour s’en apercevoir. Les historiens dateront la mutation de la chute du mur de Berlin, suivie du décloisonnement des États, du glissement des systèmes qui les domestiquaient. Sur tous les points du globe, brassé de forces à sa mesure, des peuples ont savouré leur liberté, dans l’inquiétude. Comment survivre solitaires, alors que la mondialisation est devenue la règle cruelle, lancée par les plus forts? Chacun sait bien qu’il faudra se rattacher à un ensemble mondial, ou à un groupement régional, ou à un réseau qui apporte une identité, dans un désamarrage général. Une communauté d’intérêts peut-elle naître d’une langue placée en partage ? Cette question est très loin des rites désuets d’une République, héritière d’une Royauté, ayant fait la leçon de sa langue dans un empire colonial, dissout au milieu de ce siècle.

Pour que nul n’éprouve désormais la moindre gêne à participer à un élan fondé sur une langue commune, une cinquantaine d’États (sur les 186 de la planète) se sont groupés à Hanoï, du 14 au 16 novembre, annonçant une concertation politique, que nul n’aurait voulu reconnaître naguère. Les pèlerins de cette francophonie entendent bien affirmer que la conjonction neuve de leurs intérêts se forme à la mesure des enjeux de la mondialisation, techniques et brutaux. Cette attitude a un nom : la présence.

Michel  JOBERT

 

  Source : Midi Libre, journal du dimanche 23 novembre 1997

 

 

 


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