5e  SOMMET  DE  LA FRANCOPHONIE

(À Grand-Baie à l'île Maurice)

 

Les chefs d'État et de gouvernement francophones se réunissent dans la station balnéaire de Grand-Baie, sur la côte nord de l'Ile Maurice.

(photo : OIF)
 

5e  SOMMET  DE  LA  

FRANCOPHONIE

de GRAND-BAIE

 LES  16, 17 et 18  OCTOBRE  1993

 

FRANCOPHONIE

 

L’île Maurice en effervescence

 

En choisissant Maurice comme hôte de leur cinquième sommet il y a deux ans à Chaillot, les pays francophones avaient voulu saluer la vitalité d’un pays qui a connu un développement économique rapide tout en préservant son équilibre pluriculturel. En deux décennies, la République mauricienne est passée de la monoculture sucrière à une industrie textile florissante qui privilégie aujourd’hui la qualité. Le taux de chômage, qui était de 20 % au début des années 1980, est aujourd’hui de 1,9 %.

C’est Paris qui a financé et construit le centre de conférence international, où se rencontreront les représentants des 47 pays « ayant en commun l’usage du français ».

 

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 16 octobre 1993 

 

 

 

SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

 

Mitterrand refuse le « modèle culturel unique américain »

 

Lors du cinquième sommet de la francophonie, à l’île Maurice, le président François Mitterrand a appelé les 47 pays et communautés présents à défendre leur place sur la scène internationale face à l’hégémonie des États-Unis. Évoquant les négociations du GATT (1), le chef de l’État refuse «ala généralisation d’un modèle culturel unique ». Et il explique : « J’ai entendu avec un peu de peine les déclarations d’un homme que je connais, le président Clinton. On ne peut pas imposer, quelle que soit sa puissance, sa façon de penser ou de s’exprimer au reste du monde ».

Et le Président de conclure en se demandant si « ce que les régimes totalitaires n’ont pas réussi à faire, les lois de l’argent alliées aux forces des techniques, vont y parvenir ».

(1) AGETAC en français


Source : Midi Libre, journal du dimanche 17 octobre 1993 

 

 

47 dirigeants réunis pour un cinquième sommet, à l’île Maurice.

 

Les francophones font bloc.

 

Adoption à l’unanimité d’une résolution sur « l’exception culturelle au GATT(1) »

 

Les dirigeants des pays et communautés francophones réunis depuis samedi à l’île Maurice pour leur cinquième sommet ont décidé de faire bloc dans les négociations du GATT (1) comme dans l’affirmation politique de la francophonie qui les unit.

Répondant à un appel vibrant lancé dès l’ouverture du sommet par le président François Mitterrand, les 47 participants ont adopté hier à l’unanimité une résolution sur « l’exception culturelle au GATT (1) », demandant que les activités culturelles soient exclues du champ d’application du GATT (1).

« On ne peut pas imposer — quelle que soit sa puissance — sa façon de penser ou de s’exprimer au reste du monde »,  avait lancé François Mitterrand, qui a entendu « avec un peu de peine » certaines déclarations à ce sujet du président américain Bill Clinton.

Ce dossier de l’exception culturelle a été, tout au long du sommet qui s’achève aujourd’hui, l’exemple le plus net de la volonté de transformer la francophonie en une entité concrète et déterminée à faire entendre sa voix sur la scène internationale, en particulier face au monde anglo-saxon.

« La francophonie a pris un virage essentiel au sommet de Maurice », a déclaré le Premier ministre mauricien, Sir Anerood Jugnaut.

Le sommet a notamment adopté une résolution renforçant le pouvoir de décision et de coordination du Conseil permanent de la francophonie, l’organe politique de tout le dispositif francophone.

 

Une vingtaine de résolutions

Une vingtaine d’autres résolutions et documents, dont les textes seront diffusés aujourd’hui, ont été adoptés. Une dernière résolution, portant sur Haïti, sera adoptée en fin de sommet, après l’entrée en vigueur du blocus décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Selon Jacques Toubon, ministre de la Culture et de la Francophonie, le texte de cette résolution sera « musclé ».

La poursuite nécessaire de l’assistance des pays du nord à ceux du sud, majoritaires parmi les membres de la francophonie et durement touchés par la récession, a été soulignée dans les différentes résolutions sur la situation politique et économique mondiale.

Le président Mitterrand a assuré l’Afrique du soutien continu de la France et salué les progrès de la démocratie enregistrés ces dernières années.

Mais, a-t-il dit, sans « projets de développement économique » et sans « enracinement » de la démocratie, ces progrès sont fragiles et peuvent être très facilement remis en cause.

L’assainissement des finances publiques est indispensable, selon lui, pour que les investisseurs internationaux « retrouvent le chemin de l’Afrique » et continuent de lui apporter l’aide extérieure vitale pour elle.
 

Entretiens bilatéraux

François Mitterrand a multiplié les entretiens bilatéraux. Il a notamment rencontré hier les dirigeants de la Bulgarie, du Niger, du Mali et de la Roumanie, admise avec le Cambodge comme nouveau membre de la francophonie.

En fin d’après-midi. le chef de l’État s’est aussi entretenu avec le président zaïrois Mobutu Sese Seko, en présence des dirigeants du Rwanda, du Burundi et du Congo. Les rapports actuels entre Paris et Kinshasa sont loin d’être au beau fixe, le Zaïre traînant les pieds sur le chemin de la démocratie.

Une présence remarquée à ce sommet : celle du secrétaire général de l’ONU, Pierre Boutros Ghali. Par deux fois il s’est fait l’avocat ardent de la langue française dans les instances internationales, qui fait d’ailleurs l’objet d’une résolution.

(1) AGETAC en français

 

 

Source : Midi Libre, journal du lundi 18 octobre 1993

 


L’unité dans la diversité

 

Le 5e sommet de la Francophonie à Maurice a consacré l’usage d’un nouvel intitulé. Il est devenu celui des chefs d’État et de gouvernement des pays « ayant le français en partage », une formule plus conviviale que celle qui avait prévalu jusqu’alors : « ayant en commun l’usage du français ». La communauté francophone a accueilli à cette occasion de nouveaux participants. Le Cambodge, la Bulgarie, la Roumanie sont devenus membres à part entière. En tout 47 délégations (soit 2 de plus qu’à Chaillot en 1991) étaient présentes et 4 invités spéciaux (Moldavie, Nouvelle-Angleterre, Val d’Aoste, Organisation des Nations unies). Cette conférence a été marquée par l’absence d’un certain nombre de chefs d’État africains de premier plan. Ainsi, le président de Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny, hospitalisé, n’a pu faire le voyage, le président sénégalais Abdou Diouf a été retenu à Dakar. Quant au président du Gabon, Omar Bongo, il se trouvait en pleine campagne électorale. Le Canada, lui aussi, n’a été représenté que par son ambassadeur à Paris et non plus, comme auparavant, par son premier ministre. Un élément significatif de la crise des relations franco-canadiennes lors de la préparation de la conférence. Et enfin, le Sommet de Maurice a été la dernière réunion de chefs d’États francophones à laquelle le président François Mitterrand, alors en fin de mandat, participait.

À Maurice, les grands thèmes abordés lors des précédents sommets de la Francophonie et notamment celui de Chaillot, démocratie, droits de l’homme, sécurité, développement, solidarité Nord-Sud, ont tout naturellement été abordés et ont fait l’objet d’une mention dans le texte de la déclaration finale et de l’adoption de nouvelles résolutions. Après les avancées significatives vers la démocratie réalisées en trois ans dans les pays d’Afrique, le temps était venu, pour François Mitterrand, de « la consolidation ». « La démocratie n’est pas une rente, il faut en consolider inlassablement les acquis tout en retrouvant la voie d’une croissance durable de vos économies ». La problématique démocratie-développement durable est encore dominante à Maurice car dans le domaine économique, les résultats enregistrés depuis le sommet de Chaillot n’ont pas été aussi encourageants que sur le plan politique. Et si, pour les protagonistes, ce sommet, placé sous le thème proposé par la République de Maurice de «al’unité dans la diversité », a été celui de « l’engagement politique », c’est notamment parce qu’il a permis d’approfondir la réflexion sur la présence de la communauté francophone en tant qu’entité sur « l’échiquier mondial » (déjà esquissée lors de la préparation de la conférence internationale de Vienne sur les droits de l’homme où la concertation avait permis aux francophones de parler d’une seule voix) en élargissant le rôle politique d’outils comme le Conseil permanent de la Francophonie, créé à Chaillot.

Le débat engagé lors du sommet, autour de la notion d’exception culturelle, défendue ardemment par la France lors des négociations du GATT (1) et pour la défense de laquelle François Mitterrand souhaitait obtenir le soutien de la « famille francophone », va dans ce sens puisque l’accord intervenu a donné à la Francophonie la dimension d’un bloc uni pour défendre des convictions communes sur la scène internationale.

Dans son discours prononcé au cours de la séance solennelle d’ouverture, le Président français s’est ainsi exprimé sur les risques d’uniformisation culturelle sur un modèle unique venu d’Outre-Atlantique : « Je pense qu’il serait désastreux d’aider à la généralisation d’un modèle unique et il faut y prendre garde. Ce que les régimes totalitaires n’ont pas réussi à faire, les lois de l’argent alliées aux forces techniques vont-elles y parvenir ? ... Ce qui est en jeu, et donc en péril, je le dis aux francophones ici rassemblés, dans les négociations en cours, c’est le droit de chaque pays à forger son imaginaire, à transmettre aux générations futures la représentation de sa propre identité ». Pour François Mitterrand, la France est « menacée ». Et la solidarité dont elle a fait, et fera preuve, dans l’aide aux pays du Sud, majoritaires au sein de la Francophonie - « La France est le pays qui accorde le plus fort pourcentage à l’aide au développement » -, implique une réciprocité de la part des bénéficiaires. La France « doit préserver ses intérêts, pas au détriment des vôtres, mais elle est en droit de demander que ses intérêts soient aussi protégés par vous ». Ce message très clair a été entendu par les représentants des États francophones. Une résolution sur « l'exception culturelle au GATT (1) » a été finalement adoptée.

(1) AGETAC en français

 

Source : http://bucarest.francophonie.org/spip.php?article183

 

 


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