3e  SOMMET  DE  LA FRANCOPHONIE

(À Dakar au Sénégal)

La capitale sénégalaise accueille du 24 au 26 mai 1989

 la IIIe Conférence des chefs d'État et de gouvernement

 « ayant en commun l'usage du français ».


© AIF

 

3e  SOMMET  DE  LA  

FRANCOPHONIE

À DAKAR 

 LES  24, 25  ET 26  MAI  

1989

 

 

44 pays se retrouvent au Sénégal, autour du français.

 

La francophonie en fête à Dakar.

 

Dakar panse encore ses plaies des récents affrontements entre Sénégalais et Mauritaniens. Mais aujourd’hui, place à la fête avec l’ouverture de la grande semaine de la francophonie. Pendant deux jours, les ministres des Affaires étrangères vont réaliser l’ultime mise au point des projets et résolutions, avant le sommet proprement dit des chefs d’État et de gouvernement, du 24 au 26 mai.

44 pays d’Afrique, d’Europe, d’Asie, d’Amérique, des Caraïbes et d’Océanie, « ayant en commun l’usage du français », sont invités. Parmi lesquels, trois nouveaux : le Cameroun, en qualité d’observateur et qui doit demander prochainement son adhésion au Commonwealth, la Guinée équatoriale et le Cap Vert.

Lancé à Paris en février 1986, le mouvement francophone s’est renforcé à Québec, pour le deuxième sommet, en septembre 1987. Dakar se veut le sommet de la consolidation des actions décidées à Québec en 1987. Au programme, les problèmes concernant l’énergie, la culture, la communication, et l’éducation, ce dernier point étant jugé prioritaire par le président sénégalais Addou Diouf.
De son côté, l’Égypte présentera le projet de création d’une université internationale de langue française à Alexandrie destinée à renforcer la coopération entre les mondes arabe et africain. Le problème des institutions francophones, notamment de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) est également à l’ordre du jour.

Mais le sujet-vedette sera probablement l’environnement. Le texte adopte à La Haye « pour la protection de l’atmosphère du globe » par les représentants de 24 pays devrait être soumis à la signature des chefs d’État ou de gouvernement réunis à Dakar. Car les États africains sont très préoccupés par les menaces qui pèsent sur les zones humides de la côte atlantique du fait des grands travaux, de la désertification, du stockage des déchets toxiques, et de la pollution des eaux.

Bien sûr, les conflits en cours ne seront pas oubliés. Les gouvernants évoqueront certainement la situation en Namibie en Angola et au Proche-Orient. Une résolution sur le Liban pourrait notamment être adoptée, pour rappeler l’attachement de la communauté francophone à l’unité, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de cet État.

Enfin, l’éternel sujet de la dette des pays en développement qui atteint cette année 1300 milliards de dollars figurera aussi au cœur des préoccupation de ce sommet de Dakar.

Le Canada et la France, qui appartiennent au groupe des Sept pays occidentaux les plus industrialisés, se feront l’écho des doléances des pays du Sud auprès de leurs partenaires du Nord lors du sommet des 7, en juillet à Paris.

 

 

Source : Midi Libre, journal du lundi 22 mai 1989



Langue française à Dakar et paix arabe à Casablanca.

 

 

La francophonie doit servir de cadre à une large coopération économique. L’Égypte fait un retour en force au sein des pays arabes réunis au Maroc.

L’Afrique est, depuis hier, le continent du dialogue entre communautés ayant la même identité culturelle et de pensée. À Dakar, François Mitterrand appelle à la consolidation et à l’innovation dans la francophonie, alors que des rumeurs de guerre entre Sénégal et Mauritanie courent à Nouakchott. À Casablanca, l’Égypte se réconcilie avec le monde arabe, qui appelle à la paix sur fond de guerre au Moyen-Orient.

Francophonie et coopération

En arrivant à Dakar, le président François Mitterrand a annoncé des propositions nouvelles en matière d’endettement du Tiers monde au cours du sommet de la francophonie. Celui-ci, qui réunit 44 pays, doit être celui de la consolidation et de l’innovation.

« Il faut montrer que la francophonie est vivante et qu’elle est solidaire » a ajouté le président. il a souhaité que soit « favorisée une politique d’éducation et de formation qui s’attachera à l’amélioration de l’enseignement du français. La francophonie incarne une volonté politique et diplomatique puissante, je vous demande de tout faire pour maintenir l’élan, pour que la coopération francophone soit plus forte encore demain qu’aujourd’hui. C’est un atout supplémentaire pour chacun de nos pays ».

En marge du sommet de la francophonie, Djibrill Ould Abdallahi, ministre mauritanien de l’Intérieur, a déclaré hier qu’il existait un risque réel de guerre entre son pays et le Sénégal : « La Mauritanie est prête à faire la guerre, si le Sénégal la fait ». Concernant le rôle de la France dans cette affaire, le ministre a affirmé : « Il est difficile de penser que la situation peut s’embraser comme ça, sans que la France ait sa part de responsabilité ».

Sans y faire expressément référence, François Mitterrand a évoqué le conflit sénégalo­mauritanien : « Plusieurs d’entre nous se sont affrontés, pacifiquement, mais tout juste, ou peuvent être tentés de le faire. Ils doivent savoir qu’il existe des institutions pour cela, et que le dialogue doit primer la querelle ».


Paris efface la dette des 35 pays les plus pauvres

 

Le président Français Mitterrand a annoncé hier, lors de la cérémonie d’ouverture du sommet francophone de Dakar, l’effacement de la dette publique des 35 pays les plus pauvres à l’égard de la France. Il a demandé au gouvernement de Michel Rocard de soumettre au Parlement un projet de loi annulant purement et simplement la totalité des créances publiques françaises à l’égard de ces pays les plus endettés. Cette mesure devrait être applicable au 1er janvier prochain.

 

 

Source : Midi Libre, journal du jeudi 25 mai 1989

 


Sommet francophone : l’Élysée recule en Afrique.

 

Plus de quarante pays participent, près de Dakar, au troisième sommet francophone en présence notamment de Français Mitterrand, du chef de file ivoirien Houphouet-Boigny, du président sénégalais Abdou Diouf et du Premier ministre canadien, Brion Mulroney. Face au monde anglo-saxon et asiatique, les peuples ayant en commun le français tentent, une nouvelle fois, de faire front.

Ils mesurent tous l’importance de l’enjeu, au moment ou se déroule une véritable guerre mondiale des langues, des images et des techniques. Aussi attend-on de nouvelles initiatives, prolongeant ou complétant celles du précédent sommet tenu à Québec, en 1987. Citons en particulier : coopération culturelle, audio-visuelle et scientifique, environnement, droits de l’homme, matières premières.

Pourtant, la donnée majeure de cette réunion est ailleurs. Elle vient du contraste croissant entre les discours élyséens sur la francophonie et les réalités. Pour dire les choses comme elles sont, l’Élysée, depuis un an, laisse s’opérer un recul français en Afrique. Certains parlent même de «adésengagement ».

Le continent noir et l’Afrique du Nord (Maghreb) en sont tellement conscients qu’ils ont exprimé leurs inquiétudes aux autorités françaises. Par exemple, le commerce franco-africain ne cesse de se détériorer. De 1985 à 1987, les achats français ont chuté de 44 % et les exportations françaises ont diminué de 27%.

La France reste, c’est vrai, bien implantée. Ses grandes entreprises ont en Afrique un millier de filiales locales employant 10000 cadres expatriés. Mais une partie du personnel a regagné la métropole en raison des difficultés économiques sur le confinent noir. L’Élysée, informé à temps, n’a pas réagi comme on l’espérait.

De même a-t-il réduit les dépenses militaires d’assistance aux pays africains afin de compenser, dans notre budget national, les crédits complémentaires aux fonctionnaires. Or, l’aide militaire ne permet pas seulement d’entretenir les bases et les troupes françaises en Afrique. Elle finance aussi la formation sur notre sol de nombreux officiers africains ou maghrébins. Le président Ratsiraka, de Madagascar, sort de Navale. Le résident tunisien, Ben Ali, a fait Saint­Cyr. Autant de relais d’influence pour notre pays.

Le Canada et les E.U.A. s’engouffrent actuellement dans la brèche ainsi ouverte en soulignant que leur passé de peuples jadis colonisés les rapproche de l’Afrique. Le premier contribue désormais un peu plus que la France au budget de la francophonie. Quant à l'Amérique, elle multiplie ses missions sur le continent noir et ses bourses aux étudiants africains. M. Mitterrand, nous dit-on, prépare une riposte.

 

René DABERNAT

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 27 mai 1989

 

 

La réunion de la francophonie :

Mitterrand en vedette jusqu’au bout.

 

L’annulation de la dette sénégalaise envers la France restera l’événement du sommet. Le président Diouf affirme son désir de paix avec la Mauritanie.

 

Les 39 pays francophones sont entrés à Dakar dans le vif des sujets les plus brûlants du Sud et le président François Mitterrand en a été la véritable vedette avec l’annonce, dès le premier jour, de l’effacement par la France de ses créances d’aide au développement des 35 pays les plus pauvres.

Le président Abdou Diouf du Sénégal a d’ailleurs ouvert la conférence de presse finale en rendant un hommage vibrant à la France. « L’événement du sommet a été la décision prise par le président François Mitterrand pour annuler la dette, car c’est une avancée importante dans le problème le plus grave de notre continent ». M. Diouf a ajouté que M. Mitterrand « a ainsi marqué ce sommet d’une marque indélébile ».

Le président français, qui a eu la part du lion dans la conférence de presse finale, car la plupart des questions lui étaient adressées, a de son côté souligné que la « France fait ce qu’elle peut dans son domaine, mais qu’il y a d’autres initiatives à prendre » entre pays fiches pour « attaquer le mal à la racine et aller à la source des difficultés » des pays en développement.

« On ne peut pas laisser les places financières et les compagnies spéculer et réduire à la misère tel ou tel pays sous-développé », a lancé M. Mitterrand en rappelant que le sujet serait abordé au Sommet des 7 pays industrialisés à Paris en juillet.

« Notre décision ne peut certes pas à elle seule résoudre le sous-développement et il faut que les pays du Sud veillent à ne pas retomber dans le cycle infernal de l’endettement, ils en ont conscience », a ajouté le chef de l’État.

 

Sénégal-Mauritanie

 

En ce qui concerne la crise entre le Sénégal et la Mauritanie, le président Abdou Diouf a fait preuve d’esprit de conciliation, en affirmant fortement qu’il fallait négocier et que son pays « ne veut pas la guerre ». M. Mitterrand a appelé lui aussi à la négociation entre les deux pays sous l’égide de l’OUA et assuré quel a France « ferait tout pour faire avancer les choses ».

Toutes les délégations, du Nord comme du Sud, s’accordaient à penser que le mouvement francophone, né il il y a trois ans, est entré dans sa phase de maturité et est bien sur les rails. La preuve en est que les principaux bailleurs de fonds, la France et le Canada, ont encore augmenté leur contribution pour l’exécution de la cinquantaine de projets adoptés à Dakar.

Une cagnotte de quelque 800 millions de Francs a en effet été débloquée : la France en fournira 472 millions de francs en deux ans, le Canada 280 millions de francs, la Belgique et la Suisse, nouveaux membres à part entière, apporteront  aussi leur part.

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 27 mai 1989

 

 

 

 

Haut de page