And that is the problem...

 

« Un homme qui parle trois langues est trilingue. Un homme qui parle deux langues est bilingue. Un homme qui ne parle qu'une langue est anglais ». Ce vieux dicton n'est plus vrai. Aujourd'hui, les non-Anglais parlent aussi l'anglais. Je l'ai constaté au Forum économique de Krynica (Pologne) qui, cette année, pour sa 16e édition, a réuni 1500 participants d'une cinquantaine de pays de l'Est, mais aussi d'Europe occidentale et des USA. 

Pour un journaliste, le Forum est impossible à « couvrir » : 120 séminaires en trois jours (allant de l'énergie jusqu'à la sécurité en passant par les problèmes de société) dont, inévitablement, plusieurs devaient se tenir simultanément.

Sauf la localisation en montagne et le nom, Krynica et Davos ne sont pas comparables :

Krynica n'est pas une foire aux vanités, il n'y a que peu de « VIP », il n'y a pas de raison ni occasion de snober qui et quoi que ce soit. Mais il y a une quantité impressionnante du savoir et une foule d'experts prêts à le partager. Dans les salles, dans les couloirs et dans les bistrots, lieux privilégiés des chuchotements divers ...

Mais comment les 1500 participants ont-ils communiqué ? Il y avait, évidemment, lors des séminaires, une traduction simultanée (souvent incapable de suivre le rythme de l'orateur) en polonais, russe et anglais. 

Mais soyons sérieux. On disait à l'époque que « Die deutsche Sprache ist eine urslavische Sprache » : l'allemand est une langue panslave. Aujourd'hui, sur le plan international, y compris entre les Slaves, à Krynica, mais sans doute aussi ailleurs lors des débats internationaux, l'allemand est inexistant (« l'allemand, disait Jules Renard, est la langue dans laquelle je me tais de préférence »), le français en voie de disparition (« le français, selon Monique Bosco, journaliste québécoise, n'est bon que pour le négoce, les petits trafics, les combines politiques »), le russe boycotté (surtout à l'Est) pour des stupides raisons ... idéologiques. Il ne reste que l'anglais (« fluent or lame »), sûr de lui et dominateur.

Le français, ce n'est pas un secret pour mes lecteurs, est pour moi une langue étrangère. Je regrette néanmoins qu'il ait perdu son statut sur la scène internationale, même à ... Bruxelles, à l'intérieur des institutions européennes. Et c'est sans espoir : l'anglais, en tant que deuxième langue, est la plus enseignée en Europe.

J'ai trouvé ridicule le départ, le 23 mars 2006 lors d'un Conseil européen, du président Chirac parce qu'un de ses compatriotes y a prononcé son discours en anglais. Il l'a fait certes pour une bonne cause. Mais je pense qu'il a oublié l'essentiel : une langue ne se porte bien sur la scène internationale que si elle sert une grande politique. And that is the problem ...

 

 

 

Source : Le Soir, journal du lundi 25 septembre 2006

 

Pol Mathil