Quand la République crée de nouveaux mots...

 

 

Coincé entre un camping-car et un mobil-home, le coach d'une équipe de basket-ball. Mais on peut aussi dire :

« Coincé entre une autocaravane et une maison mobile, l'entraîneur d'une équipe de balle au panier ».

 Blandine Lemperière/Béatrice Le Grand/Marc Ollivier

 

 

Jusqu'au 24 mars, la langue française est à l'honneur. Découvrons le rôle de la Commission générale de terminologie qui officialise les nouveaux mots de notre vocabulaire.

Où naissent les mots nouveaux ? Dans la rue, les bistrots, les entreprises, au pied des tours et dans les cours d'école... Mais aussi dans de doctes assemblées qui se réunissent, à heure fixe, dans des ministères parisiens. Là, des linguistes, des chercheurs, des scientifiques. Bref, de vrais savants cherchent la meilleure manière d'appeler un chat un chat. Enfin, pas un chat, mais un nouveau produit chimique, une technique innovante, utilisée dans l'industrie pétrolière, l'informatique ou l'automobile. On appelle ça la « terminologie ». Xavier North, responsable de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, qui dépend du ministère de la Culture, nous explique comment la République invente les mots du monde moderne.

Trois étapes. Tout commence dans l'une des dix-huit « commissions spécialisées de terminologie ». « Elles couvrent des domaines spécifiques : la finance, les télécoms, l'informatique, la communication, etc. Elles rassemblent des bénévoles, chercheurs, techniciens, fonctionnaires des ministères concernés. Leur première tâche est de repérer les nouveautés dans leur domaine. Puis de définir précisément la notion qu'il faut nommer. Et enfin de proposer un mot ou une expression pour désigner cette notion. » Dans un deuxième temps, les commissions spécialisées transmettent leurs trouvailles à la Commission générale de terminologie, présidée par l'académicien Marc Fumaroli, où siège notamment le linguiste Alain Rey. « Elle peut accepter ou refuser les propositions des commissions spécialisées. Puis, après avis de l'Académie française, elle valide le nouveau mot ou le nouveau sens ». Reste alors à officialiser la naissance. Cela passe par une publication au Journal officiel de la République. « L'an dernier, environ un demi-millier de mots ou expressions ont ainsi été créé », précise Xavier North.

L'origine des « petits nouveaux ». La Commission de terminologie peut choisir d'inventer un mot nouveau, comme « aguichage », retenu pour désigner le teasing cher aux publicitaires. « Elle peut aussi traduire ou adapter un mot étranger, anglais dans neuf cas sur dix. » Ou donner un nouveau sens à un mot commun (la souris de l'ordinateur). « On peut aussi adopter un mot venu d'un autre pays francophone, comme le québécois courriel ».

Obligatoire ou pas ? Pas de panique : si le quidam parle de top-modèle et non de « mannequin vedette » ou si le journaliste évoque les strarting blocks au lieu des « blocs de départ », aucun agent de la force publique ne viendra les verbaliser. « Les mots issus de la Commission générale de terminologie ne sont pas obligatoires, sourit Xavier North. Les agents des services publics sont incités à les utiliser. Quant au grand public, ces mots doivent lui servir de points de repère. Mais une langue ne se décrète pas ».

Mais pourquoi créer des mots ? Dans de nombreux domaines scientifiques ou techniques, ne pourrait-on pas se contenter de reprendre les appellations anglaises ou américaines, comme cela se pratique, par exemple, dans les pays d'Europe du Nord ? « Impossible, rétorque Xavier North. L'article 2 de notre Constitution stipule que le français est la langue nationale. La République doit donc offrir la possibilité à chaque citoyen de désigner une chose, une notion, en français. Nous devons garder la possibilité de dire le monde dans notre langue »

Un site Internet. Depuis quelques jours, on peut trouver environ 4 000 mots et expressions issus de la Commission générale de terminologie sur www.franceterme.culture.fr. Indispensable pour découvrir ce qu'est le « coétalement » et apprendre que, le 22 septembre 2000, le tour-operateur a cédé sa place à l'« organisateur de voyages ».
 

Alain GUYOT
 

 

Source : ouest-france.fr, le 20 mars 2008

http://www.ouest-france.fr/Quand-la-Republique-cree-de-nouveaux-mots...-/re/actuDet/actu_3639-598348------_actu.html