Logiciels et inter-réseau (web) : la version française s’impose

Dossier - la lettre d'août 2008

 

EN FRANCE, LES SALARIES FRANCAIS S’INSURGENT CONTRE LA GÉNÉRALISATION DE L’ANGLAIS DANS L’INFORMATIQUE D’ENTREPRISE.  L’usage exclusif de l’anglais sur les intranets ou les applications informatiques d’entreprises est proscrit en France. Plusieurs jugements condamnent les entreprises qui ne respecteraient pas la loi Toubon. Les grands groupes français semblent réticents à l’appliquer.

Par Hubert d’Erceville, Guide Informatique

 

Tous les progiciels ou intranet d’entreprise utilisés en France doivent parler français. Les tribunaux viennent de le rappeler avec force. Et cela a pour effet de contraindre de nombreuses entreprises, comme Areva, Cargil France, Europ Assistance ou General Medical Systems (Gems), à revoir leur fonctionnement. Et respecter la loi « Toubon » de 1994 (loi n° 94-665 du 4 août 1994) sur l’obligation d’utiliser la langue de Voltaire auprès des salariés français.



(Source : DR)



Légende : Le parlement adopte la « Loi Toubon » sur l’obligation d’utiliser le français en 1994
 

Ce texte précise exactement que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français. » http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lois/loi-fr.htm

 

Une nouvelle forme de discrimination

Gems en a fait les frais lors d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 2 mars 2006. Arrêt qui commence à faire jurisprudence. Les juges ont considéré que la filiale française de la multinationale américaine General Electric devait « mettre à disposition sans délai une version française des logiciels informatiques » auprès de ses salariés installés à Buc, près de Versailles.



(Source : DR)

 

Légende : Depuis le site de Buc, General Electric distribue ses produits médicaux dans plus de 100 pays
 

Ce site est un des principaux établissements de Gems dans le monde, 1.500 salariés de 45 nationalités différentes y travaillent en ingénierie, recherche ou distribution. C’est le siège de l’activité internationale qui vend et distribue les produits à partir de la France dans plus de 100 pays. Après avoir envisagé de faire cassation, la direction a préféré discuter avec les syndicats. Dans Le Monde Économie du 15 avril 2008, Jocelyne Chabert, déléguée du personnel CGT, est satisfaite de l’accord qui en résulte : « l'utilisation abusive de l'anglais pour les documents de travail, les messages, les logiciels, créait une nouvelle forme de discrimination qui touchait les moins qualifiés et les plus âgés.» lien lemonde.fr

 

Comprendre vite un texte sans faire de contre-sens

À Buc l’ensemble des outils informatiques est maintenant disponible en version française. Certaines applications, documents complexes ou trop spécialisés, resteront dans la langue de Shakespeare. C’est dans l’accord. Même si cette solution a un coût, tout le monde reconnait qu’elle améliore les relations professionnelles et le confort du personnel. Tous les salariés, même ceux qui comprennent bien l’anglais, l’admettent aujourd’hui : il faut faire un effort de concentrations lorsqu’on n’utilise pas sa langue maternelle.

 

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Légende : En réunion comme devant un progiciel, celui qui n’utilise pas sa langue maternelle est en situation d’infériorité

C’est un phénomène bien connu des linguistes qui estiment que la pratique d’une seconde langue provoque du stress, ralentit la réflexion de ceux qui veulent comprendre et assimiler un texte sans faire de contre-sens. Le pire étant la pratique du franglais à mauvais escient, un phénomène de mode malheureusement encore très courant dans le milieu informatique.

 

Comprendre vite un texte sans faire de contre-sens

La condamnation de Gems a eu pour conséquence une modification du droit du travail Ainsi, l’article L.122.39.1 contraint tout employeur à rédiger en français « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail, à l'exception des documents reçus de l'étranger ou destinés, à des étrangers ». C’est sur la base de cet article que le fonctionnement de plusieurs entreprises est attaqué. Comme Europ Assistance qui, en avril 2007, a été condamné pour ne as avoir mis à disposition de ses salariés une version française de deux logiciels tournant en anglais. Ou encore de façon plus dramatique à l'hôpital d'Epinal, où des centaines de personnes auraient été sur irradiées à la suite d'un traitement de radiothérapie mal maitrisé : entre autres explications de ce dysfonctionnement, les enquêteurs ont noté que le guide d'utilisation du logiciel de dosimétrie n’était pas traduit en français. « Dans les entreprises les plus internationalisées, comme dans celles dont le marché est mondial, l'anglais domine », observe Jean-Louis Muller, directeur à la Cegos (http://jlmuller.blog.capital.fr).

 

Les anglo-saxons sont plus ouverts à la francisation

Chez Areva Transmission & Distribution, société nationale de 25 000 salariés dont 4.800 en France, la plupart des réunions se déroulent en anglais. Même quand il n’y a que des français présents. L’intranet et les documents informatiques utilisés empruntent presque toujours la langue de Shakespeare. Même constat au sein du groupe aéronautique EADS et dans ses filiales car il n'existerait pas de version française, notamment, des sites Internet d'Airbus et d'Eurocopter. (http://cfdt-eurocopter.over-blog.com/archive-04-2007.html). Paradoxalement, les multinationales anglo-saxonnes seraient même plus ouvertes à la francisation. À l’image de Cargill France, filiale du groupe alimentaire américain qui emploie 1.300 salariés dans l'Hexagone et où les employés déploraient l’absence de traduction française des outils informatiques. S’inspirant de ce qui se fait au sein de la filiale Québécoise du groupe et que 90% du personnel préférait utiliser le français, les salariés ont désormais le choix de la langue de travail qu’ils utilisent.