« Être dans la légalité n'est pas payant »

 

14-15 OCTOBRE - Congrès de l'association des maires et élus occitans (ACEOC), à Cahors (Lot)

 

Roger Lassaque, vous êtes le maire d'un village du Lot (Saint-Martin-le-Redon) et président de l'association qui organise ce congrès.

Qu'est-ce que cela signifie être "élu occitan" ?

À son échelle et quel que soit son mandat, il s'agit de tout mettre en œuvre pour faire vivre cette langue et cette culture. Il y a quantité de petites actions symboliques à réaliser au niveau de la commune - là où c'est le plus visible -, comme simplement hisser un drapeau occitan.

Le problème, c'est de rester dans la légalité : moi, j'ai décidé, par exemple, d'installer dans mon village une signalétique uniquement en occitan. Mais ce n'est pas autorisé : on me dit qu'il faut que tout le monde comprenne ce qui est écrit ...  Si c'est la vraie raison, à ce moment-là, je ne peux pas me contenter du français vu le nombre de touristes qui passent ici : il faudrait que je fasse poser des panneaux en au moins 20 langues !

 

 

Roger Lassaque, maire "occitan"

 

 

Pourquoi est-ce interdit ? On a pourtant l'impression que le mouvement occitan est plutôt bien perçu.

Voir autant de jeunes séduits par cette culture, comme par exemple au festival Estivada à Rodez, aurait effectivement été inconcevable il y a vingt ans ! Cette manière de parler entraîne une façon de penser et de vivre, qui rencontre aujourd'hui beaucoup de succès. Sûrement, parce qu'on a besoin de se "resituer" dans le monde ... Et que l'on n'enferme pas la tradition occitane dans le passé ou la ruralité ! Le mode de vie qu'elle induit est au contraire largement ouvert sur les autres cultures.

Mais les partis politiques eux, n'en sont pas là. Ils continuent à se renvoyer la balle à propos de la révision de l'article 2 de la Constitution, qui impose le français comme langue de la République. Et interdit du coup la signalétique uniquement en occitan. Réviser cet article nous permettrait aussi de revoir le cadastre et de redonner à des lieux-dits leur vraie graphie, afin que le mot du lieu reprenne enfin du sens.

 

Quelles sont les autres pistes de réflexion abordées lors de votre congrès ?

Outre la vie publique, il sera question des médias, de la création et de l'enseignement. Est-il normal qu'il n'existe pas d'agrégation d'occitan et que, sur les 35 départements de l'Occitanie, il n'y ait que trois postes au Capes ? Soit moins que pour le basque qui concerne un demi-département ?

Qui sort le plus volontiers de la légalité ? Dans l'ordre, les Corses, les Basques et les Bretons. Qui bénéficie le plus des largesses de l'État ? Les mêmes. À croire qu'il y a une prime à l'illégalité et à la violence.

Nous, nous souhaitons poser des questions précises aux candidats aux élections présidentielle et législatives, à partir des travaux de ce congrès. Pour qu'ils prennent enfin position et cessent leurs déclarations à la fois sympathiques et amusées quand on les interpelle, mais qui sont irritantes à la longue.

 

 

Propos recueillis par L.V

 

 

• Être un « élu occitan », selon l'Audois Jean-François Saïsse, conseiller municipal à Trausse et membre du Parti occitan, c'est d'abord porter « un regard critique sur la décentralisation. La multiplication des structures, départements, communautés de communes, a conduit à un système coûteux, clientéliste, et en plus, incompréhensible pour le citoyen ». Gare également, s'alarme-t-il, à ne pas enfermer la question occitane dans des domaines symboliques, comme le baptême des rues.

 

 

 

Source : Midi Libre, journal du lundi 9 octobre 2006