Politique

Langues régionales : Jaurès, Cachin et les autres

Institution . Le rejet par le Sénat de la reconnaissance des langues régionales comme patrimoine de la nation dans la Constitution illustre le choc de forces contradictoires en Europe.

« Les langues régionales font partie du patrimoine de la France, c’est tellement évident. Mais pourquoi l’inscrire dans la Constitution ? » Le sénateur communiste du Nord, Ivan Renar, a refusé avec une majorité d’élus de l’Assemblée la référence aux langues régionales « patrimoine de la nation » dans l’article 1 de la Constitution. Le rejet à une large majorité des sénateurs d’inscrire l’amendement voté par l’Assemblée nationale intervient au lendemain de la déclaration de l’Académie française qui parle « d’atteinte à l’identité nationale ».

Le vote du Sénat et l’intervention musclée de l’Académie ont évidemment provoqué de vives réactions dans les régions. Étonnement en Bretagne, dans le Sud occitan, jusqu’en Alsace… Les partisans de la reconnaissance pleine et entière des langues régionales accusent les sénateurs de se replier sur des dogmes dépassés, et ils citent les exemples de pays européens (l’Espagne en premier lieu) qui admettent la diversité de leurs langages. L’Institut d’Estudis Occitans, qui regroupe des associations de promotion de la langue occitane, souligne que « les sénateurs n’ont pas bien compris que la diversité linguistique était un enjeu majeur pour les années qui viennent ». Tous revendiquent que la France ratifie la charte européenne des langues régionales ou minoritaires que le Conseil constitutionnel avait écartée en 1999.

La polémique, qui n’épargne pas les élus communistes (certains rappellent les grands dirigeants socialistes ou communistes défenseurs des langues régionales, Jaurès et Cachin les premiers), ne peut être résumée à un vieux débat entre jacobins souverainistes et girondins. La façon dont se construit le territoire européen, son organisation rampante entre grandes régions économiques (et linguistiques) modifie les modes de vie et de pensée. Même si, comme le fait remarquer le vieux poète occitan Félix Castan, le nombre de locuteurs jeunes des langues régionales diminue et la langue française évolue plus dans les quartiers. S’il y a eu incontestablement un regain des langues régionales à partir des années soixante-dix, le mouvement semble aujourd’hui stagner.

Ivan Renar admet que « la promotion des langues et des cultures régionales est un élément de culture important », mais il rejette « un enfermement régionaliste ou communautariste ». Le sénateur communiste remarque que les plus fervents soutiens publics aux cultures régionales sont les collectivités au moment où on déshabille le ministère de la Culture. Pas de faux procès donc. Une des raisons pour lesquelles le groupe communiste et républicain a déposé une proposition de loi inscrivant l’apport des cultures et des langues régionales dans un autre article de la Constitution. La sénatrice du groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat, a souligné « comprendre l’émotion suscitée par notre prise de position par tous ceux qui luttent depuis des décennies en faveur de la reconnaissance de ces langues. Nous avons partagé ce combat, nous en sommes toujours… »

 

Jacques Moran

 


Source : Humanite.fr, le 27 juin 2008

http://www.humanite.fr/2008-06-27_Politique_Langues-regionales-Jaures-Cachin-et-les-autres

 

 

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