Au coeur du peloton du Gordel


Le Gordel (la Ceinture)... Cette randonnée flamande cycliste qui tourne en boucle autour de Bruxelles, fait, depuis plus de 20 ans, fantasmer les francophones. Ceinturant la région bruxelloise, ce grand rassemblement est-il la manifestation la plus perfide du nationalisme flamand, balisant un territoire bourré de francophones à la manière du lion conquérant qui marque son territoire ? À voir, à l’heure où la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles­Hal-Vilvorde obscurcit l’horizon politique et menace le gouverne­ment. En cas de doute, une seule recette le reportage.
Je me suis donc lancée sur la piste du Gordel :100 km à vélo.
À l’inscription, le folder du Bloso (l'Adeps flamand) vante les charmes du Brabant flamand. Et mentionne l’origine du Gordel : le 27 septembre 1981, un groupe de Flamands, de Rhode Saint-Genèse, décida d’attirer l’attention sur le caractère flamand de la périphérie de Bruxelles, et des communes à facilités.
Nous voilà prévenus. Allez ! En selle. Ne rechignant pas devant les risques, j’embarque mon homme, Liégeois pur souche, avec qui les échanges se feront uniquement en français. On ose ! À Wezembeek, on rejoint la marée. Dieu, qu’ils sont nombreux !
À 30 km/h de moyenne, ça frotte comme dans un sprint. Mes congénères sont-ils tout drapés de jaune et noir ? Constellés de lions ? Rien de tel. Des maillots bariolés, aux couleurs de clubs sportifs, d’entreprises, d’équipes du tour de France. Tiens ! Un maillot aux couleurs nationales.
Premier test à Overijse. Les hérauts de la sécession flamande s’affichent-ils sur une estrade ? RAS. Pas un politique en vue. Juste le Vlaamse Volks Beweging, (Mouvement populaire flamand) qui hisse les couleurs flamandes devant chaque caméra de chaque course cycliste. Il distribue ici des mini-lions séparatistes, jaune et noir. Le fanion à 1 euro, l’autocollant gratuit. Bide pour les fanions. Seuls quelques cyclistes âgés, se collent l’autocollant sur le ticheurte*, On se jette en revanche sur des petits foulards, qui protègent de la canicule. Symbole politique ? Non. Des pubs, rouge et jaune, pour Radio2.

 

 

Verhofsdadt, Premier ministre, randonneur anonyme parmi les 86 000 cyclistes qui ont pédalé autour de Bruxelles, dimanche.

(Photo Belga)      

 


Après la forêt de Soignes, on serpente dans la campagne vallonnée de Rhode-Saint-Genèse, Alsemberg, Huizingen, Sint-Pieters-Leeuw. Un groupe de sportifs m’interpelle : Hé, Madame­ke, ton pneu est plat. Aié ! Des francophones auraient-ils jeté des clous, comme cela s’est déjà vu ? Le comble ! La chambre à air est juste un peu dégonflée. Des cyclos baraqués m’arrangent ça.
Dans les côtes, il y a un peu de public. On a tiré les chaises des papis sur le trottoir, comme au bon vieux temps des courses de village. Tiens, y aurait-il des drapeaux (flamands) aux fenêtres ? Néant. Juste, sur l’asphalte, quelques inscriptions Scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Délavées. Les tagueurs ont dû se lever trop tard, juste avant que les premiers vélos déboulent.
À Dilbeek, pas un politique en vue, mais un stand d’Oxfam. À Vilvorde, les cyclos, harassés par la chaleur, foncent vers la distribution de pommes. Des ados surexcités jouent à l’écart avec leurs drapeaux flamands. Les mollets s’alourdissent, les rangs s égrènent, les cafés se remplissent.
Retour à la maison. À la radio, j’apprends que le Gordel a rassemblé 86 000 participants. Il monte en puissance, quand le Pèlerinage de l’Yser décline. Politique au départ, il est devenu surtout sportif. Il y avait, paraît-il, en tête du Gordel, un groupe de maïeurs de la périphérie à vélo pour revendiquer la scission de l’arrondissement. Pas vu. Ont-ils bien fait 100 km ? Guy Verhofstadt, lui, a dû boucler le tour dans les premiers. Anonyme parmi les gros braquets. 

 

 

* Note de l'A.FR.AV : en anglais dans le texte

Bénédicte Vaes

 

 

Source : Le Soir, journal du lundi 6 septembre 2004