Vilvorde la Flamande refuse les francophones

En imposant un test linguistique à ceux qui veulent bénéficier de logements bon marché, une commune de Flandre franchit une étape dans la guérilla communautaire.

Un joli petit pavillon rénové pour 65 000 euros, soit la moitié du prix du marché : voici l'offre alléchante que propose la commune flamande de Vilvorde, près de Bruxelles, à ses administrés, mais à une condition : que ces derniers réussissent un test de néerlandais. Ce nouveau règlement, qui vient d'être édicté par les édiles locaux, fait bondir les élus francophones de Belgique.

« Il est normal que nos citoyens souhaitant s'établir à Vilvorde aient une connaissance au moins passive et élémentaire du néerlandais », explique le bourgmestre de la commune, Marc Van Asch, un chrétien-démocrate flamand. Cette cité industrielle et cosmopolite, qui a longtemps abrité une usine automobile Renault, est située à la périphérie de la capitale belge, en territoire néerlandophone. Les francophones qui y vivent n'y disposent d'aucune facilit», comme la possibilité d'être jugés en français. À l'hôtel de Ville, les employés ont pour consigne jusqu'à l'absurde de parler la seule langue de Vondel, dramaturge hollandais du XVIIe siècle.

Pour le maire, le test linguistique n'est qu'une contrepartie au « cadeau » financier consenti par la commune : la mise en vente de quinze maisons à un prix s'échelonnant de 65 000 à 120 000 euros. Outre leur maîtrise du néerlandais, contrôlée par des collaborateurs municipaux, les candidats seront sélectionnés sur la base de leurs revenus (plafonnés à 50 000 euros par an) et de leur antériorité dans la commune. « Le critère linguistique est essentiel, mais il n'y aura pas de sélection entre ceux qui parlent couramment le néerlandais et les autres », affirme Marc Van Asch. Les administrés, ajoute l'élu, doivent notamment « comprendre où ils doivent déposer leurs ordures ménagères ».

« Ce discours rassurant n'est qu'un leurre. L'objectif de la commune de Vilvorde est d'attirer des néerlandophones pur jus », rétorque Christophe Verbist, dirigeant du Front démocratique des Francophones (FDF). Avec l'introduction du test linguistique, disent les partis politiques « sudistes », la Flandre franchit une étape dans la guérilla communautaire.

 

« Une discrimination »

Instauré en 2006, le code du logement flamand exige simplement des candidats à l'habitat qu'ils manifestent une « disponibilité à l'apprentissage de la langue ». Cette disposition fait l'objet d'un recours devant la Cour constitutionnelle, l'équivalent du Conseil d'État français. Plus récemment, la commune de Zaventem, proche de Vilvorde, a réservé la vente de terrains municipaux à des acheteurs parlant néerlandais.

Méfiant à l'égard de la justice belge qu'il juge aux mains des Flamands, le FDF introduira également un recours le 4 juillet devant la Commission européenne. « Il s'agit d'un cas de discrimination évident », répond à l'avance un expert de l'institution communautaire.

Les dispositions flamandes contreviendraient aussi à la règle de libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne. Marc Van Asch dément et assure, selon une formule désormais rituelle dans les communes flamandes, que « tout le monde est le bienvenu à Vilvorde »…

 

 

Pierre Avril,

correspondant à Bruxelles

 

 

Source : Lefigaro.fr, le  27 juin 2008

http://www.lefigaro.fr/international/2008/06/27/01003-20080627ARTFIG00011-vilvorde-la-flamande-refuse-les-francophones.php