Les langues, une condition sine qua non ?

 

 

Si les entreprises exigent de leurs futures recrues qu'elles maîtrisent une, voire plusieurs langues étrangères, cette demande ne rencontre pas forcément l'offre.

 

Cherche candidat parfait trilingue (FR, ANGL, NLDS) pour occuper poste de secrétaire, comptable, vendeur ou transporteur. Lorsque l’on parcourt les offres d’embauche sur n’importe quel site internet ou support papier dédié à la recherche d’emploi, plus aucune des annonces qui s’y trouvent consignées n’omet de renseigner, parmi les conditions de recrutement, la connaissance de langues. Néerlandais et anglais sont les deux langues les plus couramment exigées, mais également, l’espagnol, l’allemand ou encore l’arabe. La question que l’on peut se poser est de savoir s’il s’agit là d’un critère de sélection supplémentaire pour écrémer les candidatures ou si cette demande correspond à un réel besoin sur le terrain professionnel ?
François, engagé il y a dix ans dans une société multinationale d’audit et de prospection, s’est longtemps posé cette question à propos du néerlandais qu’il n’utilisait pour ainsi dire jamais, alors qu’au moment de son recrutement, la connaissance de cette langue était exigée.

«La maîtrise de plusieurs langues est une nécessité pour l'encadrement »

 

 Pendant de nombreuses années, il n’a utilisé que l’anglais jusqu’au jour où, évoluant au sein de l’entreprise, il a pris de nouvelles fonctions dans un département entièrement... néerlandophone. Comme le relève Jean-Pierre Landrain, responsable de Carrefour-Formation pour la Région bruxelloise, en tant qu’observateur du marché de l’emploi et des besoins en qualification des demandeurs d’emploi, tout du moins pour Bruxelles, je peux dire sans me tromper que cette demande des employeurs de pouvoir s’exprimer en néerlandais, en français ou en anglais dans le chef de leurs futures recrues n’est ni une fantaisie ni une volonté d’opérer une sélection entre plusieurs candidats. Si les employeurs exigent cette connaissance linguistique, c’est qu’elle correspond à une réelle nécessité de terrain. À Bruxelles, c’est d’autant plus vrai qu’une bonne partie des travailleurs est soit issue de Flandre, soit originaire de Wallonie (ou encore de l’étranger) il faut bien que tout ce petit monde puisse communiquer. L’Observatoire bruxellois du marché du travail et des qualifications, qui effectue chaque année des analyses des fonctions critiques, c’est-à-dire les emplois pour lesquels les entreprises éprouvent des difficultés à trouver des candidats, mentionne d’ailleurs cette difficulté de recruter pour toute une série de fonctions, non pas en raison d’une pénurie quantitative, mais bien à cause d’un déficit de qualifications des recrues qui concerne bien souvent les langues.
Anne Deghilage, partenaire pour les clients seniors   chez Korn Ferrry (société de conseil en recherche de cadres dirigeants par approche directe), confirme cette difficulté de recruter du personnel qui maîtrise convenablement plusieurs langues : Or, aujourd’hui, c’est une absolue nécessité, notamment pour toutes les fonctions d'encadrement. Le problème se situe surtout à l’égard des deux langues nationales, tant pour les Wallons qui font néanmoins plus d’efforts qu’auparavant pour s ‘exprimer correctement en néerlandais, que pour les Flamands qui, eux, en font de moins en moins pour maîtriser la langue française. L’anglais, quant à lui, semble plus automatique. Les seules fonctions pour lesquelles nos clients sont prêts à faire davantage de concession par rapport aux langues (à condition qu’ils maîtrisent l’anglais) sont des postes à haute responsabilité ou des fonctions très spécialisées.
Très souvent, donc, les recruteurs tout comme les entreprises sont amenés à sélectionner des candidats qui n’ont pas exactement le niveau linguistique voulu pour le poste à pourvoir. Certes, ceux-ci peuvent se prévaloir d’une connaissance de base, mais pas d’un parfait bilinguisme. Une carence compensée par l’organisation de formations en interne. Selon Karl Vankerckhoven, cadres des ventes de la société Elan European Languages, notre principale activité en matière de cours de langues se déroule donc après engagement, le plus souvent de manière individuelle et après avoir analysé les besoins de l’employé en fonction du poste occupé.
Du travail sur mesure qui s’avère d’autant plus indispensable que la mobilité des employés au sein des groupes, tout du moins en Europe, devient de plus en plus fréquente. 

 

Nathalie Cobbaut

 

 

 

Rigoureux, ce tests de langues ?

 



Comment évaluer la connaissance en langues d’un candidat ? Oralement ou par le biais d’un programme informatique ? L’heure de vérité a sonné. Le candidat se présente pour un test en langues. En ayant une brève conversation avec lui, je me rends très vite compte de sa connaissance orale, explique un consultant en recrutement. Mais comment l’apprécier d'une manière plus approfondie ?
­Commercialisée depuis peu sur le marché belge, l’école de langue Lerian Communications propose une série de tests en version informatisée ou papier pour mettre les candidats en situation réelle. Ces outils ont pour objectif de tester de manière graduelle 4 compétences :  la compréhension orale, l’expression orale, la compréhension écrite et l’expression écrite. Les tests Bulats sont disponibles en anglais, français, allemand et espagnol. D’autres langues suivront prochainement. Notre défi est à la fois géographique (nous nous concentrons sur une trentaine de pays clés en Europe, Amérique du Nord et Asie) et technologique (nous voulons, grâce aux logiciels informatiques, délivrer des résultats rapidement et de qualité), explique David Booth, coordinateur d’une association de professeurs d’anglais.
Les tests ont été développés par un consortium international de concepteurs d’examens bien connus qui sont l’University of Cambridge Local Examinations Syndicate, le Goethe Institut, l’Universidad de Salamanca et l’Alliance française.
Chaque candidat se voit attribuer un score allant de O à 100. Les résultats sont fournis dans un rapport rédigé conformément aux normes du cadre européen commun du Conseil de l’Europe. Cela signifie concrètement qu’ils peuvent être facilement comparés à ceux des examens de langues internationalement reconnus et aux diplômes nationaux.
Mais à quels types de clients sont destinés ces produits ? Notre clientèle est plutôt composée de grandes entreprises ou d’institutions fédérales ou communautaires. Historiquement, nous sommes très ciblés dans le domaine financier et bancaire, précise Greet Capiau,  directeur chez Lerian. Les tests Bulats ne sont pas la panacée. Une multitude d’autres tests existent. Parmi ceux-ci, le Linguaskill utilisé notamment par des sociétés d’intérim comme Manpower. 

 

B.D.-C.

 

 

 

Connaissance des langues


Selon un professeur de l’université d’Anvers, les étudiants flamands accorderaient trop peu d’intérêt à l’étude des langues étrangères et ne se tourneraient pas vers les langues les plus utiles. C’est après avoir épluché les offres d’emploi que le prof a tiré ces conclusions. Selon lui, l’intérêt des jeunes Flamands diminue pour l’allemand, alors qu’il augmente pour l’espagnol et l’italien. Or, l’enquête montre que, si 46 % des annonces exigent la connaissance du français et 38,5 % celle de l’anglais, il y en a 13 % à réclamer celle de l’allemand. Les entreprises ne deman­dent l’italien ou l’espagnol qu’une fois sur cent.

 

 B.

 

Source : Le Soir, journal du 28/29 février 2004