Et la courtoisie linguistique ?
Les élections communales d’octobre 2000 ont provoqué un grand
chambardement dans les Fourons. Après 37 ans de «règne» ininterrompu de «Retour à Liège», le groupe «Voerbelangen» a
conquis la majorité. Cette victoire a été acquise le plus
démocratiquement du monde, mais grâce à l’apport massif de quelque 550
nouveaux électeurs néerlandais qui ont voté (presque) comme un seul
homme pour la liste flamande. Son chef de file, Huub Broers a donc
troqué son rôle d’éternel opposant (il l’a tenu pendant 24 ans)
pour celui de bourgmestre.
Tout auréolé par son succès, il avait
claironné, à l’époque, qu’il pratiquerait une politique basée
sur la courtoisie linguistique.
Jusqu’ici, on ne peut pas dire que son action a été marquée du
sceau d’une grande affabilité linguistique. Il a, en effet,
multiplié les initiatives qui ont été ressenties comme vexatoires par
les francophones. Parfois, il s’est agi de gestes très symboliques et
indolores comme, par exemple, la décision de ne plus offrir (comme le
faisait la précédente majorité) des cadeaux en cristal du Val
Saint-Lambert aux invités de la commune. La tentative de vendre aux
enchères des immeubles communaux dont beaucoup de locataires étaient
francophones a, elle, été
beaucoup plus mal ressentie et les séances de vente ont viré au
pugilat. Le nouveau pouvoir s’est aussi empressé d’appliquer la
circulaire Peeters que ses prédécesseurs avaient évidemment laissée en
léthargie. Cette circulaire très controversée a pour effet de rendre plus difficile l’usage du système
des... « facilités » octroyées aux francophones en matière de
documents officiels. Tout récemment, la CPCL (Commission de Contrôle Linguistique) vient d’ailleurs de rappeler la commune
à l’ordre
en donnant raison à un électeur francophone qui s’était plaint d’avoir
reçu une convocation en néerlandais pour les élections du 18 mai.
En juin dernier, "Voerbelangen" a décidé de désaffilier les
Fourons de l’Intercommunale liégeoise Intermosane qui gérait jusqu’ici
son réseau d’électricité et d’entamer des pourparlers pour la
remplacer par son homologue limbourgeoise Interlectra. Si en matière
d’électricité, ce changement ne devrait pas avoir de conséquences
concrètes, il pourrait en être autrement pour les programmes télés.
Intermosane diffuse aussi dans les Fourons toutes les chaînes belges
et françaises et, en cas de passage dans le giron d’Interlectra7 les
francophones fouronnais craignent d’être privés de certaines stations
comme la télévision
régionale liégeoise.
Enfin, cet été, Huub Broers a aussi tapé sur les doigts des employés
communaux en leur rappelant sur un ton tranchant que le néerlandais
est la langue véhiculaire qu’ils doivent utiliser entre eux sur
leur lieu de travail. Et il a cru bon de préciser que cette directive s’applique
surtout lorsque des personnes extérieures à l’administration se
trouvent dans les parages.
Elles semblent bien lointaines les promesse de courtoisie
linguistique.
Daniel
Conraads
Source
: Le Soir, journal du samedi 23 et du dimanche 24 août 2003