En direct de la présidence de l'APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes),

« Les Langues Modernes » n°2/2008,
par Sylvestre Vanuxem

 

Une autre inquiétude déjà évoquée dans ces colonnes a aussi été réveillée par une journaliste du Figaro qui me questionnait à propos des options au lycée et voulait particulièrement savoir s'il existait des classes de langues à « micro-effectifs ». La menace pesant sur les LV3 semble plus que jamais d'actualité. On sait bien que la limitation des options au lycée sonnera le glas du multilinguisme en France. Où se cachera-t-il alors sinon dans des niches accessibles à un nombre limité d'élèves ? Pas en primaire, où les nouveaux programmes maintiennent l'enseignement d'une langue vivante mais ne contiennent aucun encouragement à la diversification ni référence à l'éveil aux langues ; pas au collège où l'on veut surtout apprendre l'anglais,
plus au lycée, pas non plus à l'université qui n'a pas fait le choix d'une politique volontariste et coûteuse en matière de langues vivantes. Il faut aussi noter que la diversification sera à terme condamnée faute d'enseignants, car, si les élèves ne peuvent plus choisir de langues « rares » dans cet « espace de liberté » que constituent les options au lycée, combien resteront-ils à en commencer l'apprentissage à l'université avec pour objectif de les enseigner ?

Des États Généraux du Multilinguisme se tiendront à Paris le 26 septembre 2008 (journée européenne des langues !) à l'initiative des Ministères de la Culture, des Affaires Étrangères et de l'Éducation Nationale. Quel bilan y présentera la France ? On dira certes que c'est le pays où les examens présentent la plus vaste gamme de langues d'Europe, mais combien seront encore réellement enseignées ? Les langues sont un facteur d'intégration et de cohésion sociale à condition qu'elles soient légitimées par un enseignement qui leur permet de dépasser les frontières de communautés. Cela a un coût et nécessite qu'on admette qu'il puisse y avoir, à un moment donné, des « micro-effectifs » dans certaines classes de France.

La Ministre de l'Enseignement Supérieur en a dit plus hier sur le « coup de pouce » qu'elle compte donner aux langues dans son plan de réussite en licence. Il s'agirait entre autres de s'assurer qu'à l'avenir 100% des licences contiennent des enseignements de langue et aussi d'accorder des moyens pour un recours accru aux TICE. Cela est louable. Cependant, il est uniquement question d'anglais et de remédier aux « déficiences chroniques » des français dans ce domaine que mettent en évidence des enquêtes européennes irréfutables… On peut aussi déplorer que ce « coup de pouce » soit donné sans concertation réelle avec l'enseignement secondaire. On commence par allonger la durée d'apprentissage de l'anglais en le démarrant majoritairement en primaire pour le « traîner » jusqu'en licence et au-delà. S'il est vrai que la motivation pour l'apprentissage d'une langue est renouvelée par le choix d'un projet professionnel, une véritable politique linguistique ne doit-elle pas intégrer des pauses ou envisager des pratiques différentes aux moments où cette motivation risque de faiblir ?