Le billet de Bertrand Delais
Journaliste, réalisateur
Faim de rêve

Quoi de commun entre la Semaine de la langue française, qui débute aujourd'hui, et l'entrée de la France dans le commandement intégré de l'Otana?

Rien, me direz-vous. Rien en apparence, mais peut-être un peu plus que rien.

Derrière le retour de la France dans l'organisation militaire qu'avait choisi de quitter le général de Gaulle, il y a l'acceptation douloureuse d'une France qui ne parvient plus à exister seule, à traiter d'égal à égal avec les grandes puissances du monde. Notre aura redevient plus conforme à notre poids réel sur la scène mondiale. On peut s'en émouvoir, s'en désoler, mais le rêve est fini.

Notre fierté est aujourd'hui mise à mal. Il en va de même pour notre langue. On voudrait croire à la vitalité de notre langue, mais elle est de moins en moins apprise, notre influence culturelle en Afrique est moins forte, là aussi, il nous faut apprendre l'humilité.

Douloureux apprentissage. Churchill aimait à répéter : « L'exception française, c'est que les Français se pensent exceptionnels.» Serions-nous moins exceptionnels que nos aînés ? Non, mais le monde a changé. Nous nous intégrons progressivement dans l'Europe, de nouvelles puissances apparaissent et force est de constater que nous n'avons sans doute plus les moyens de nos ambitions passées. Le déclin relatif de notre langue n'est que l'expression de cette évolution, une évolution que souligne notre retour au sein du commandement intégré de l'Otan. Pourtant, on aurait tort de penser que cette réalité est aussi aisément acceptée et que cela est le signe d'une quelconque fin de partie pour notre pays. On a toujours besoin de rêver, de retrouver un peu de fierté. Plus encore en temps de crise, on a faim de rêve, celui d'une France qui parle seule au reste du monde ...

 

 

Source : Directsoir du lundi 16 mars 2009, page 4


 

Commentaires d'Aleks Kadar :
 

M. Delais se classe par ce billet dans la triste catégorie des déclinologues de tous poils. Qui est-il d'ailleurs pour se permettre de juger de l'état actuel de la langue française ? On aimerait voir ses sources, ses références, quand il affirme, à dire d'expert, qu'il n'est aucunement, que la langue française est moins apprise. Et si elle est moins apprise, pourquoi parler ensuite de « déclin relatif » ? N'ayez pas peur des mots ! Osez appeler un chat un chat. Si la langue est moins apprise, si le nombre de locuteurs du français baisse, comme vous semblez le croire, c'est un déclin absolu.

Or, si on s'appuie sur les faits, que constate-t-on ?

La langue française est toujours une des 6 langues officielles de l'ONU et de l'UNESCO, même une des 2 langues de travail de ces organismes internationaux, il en est de même pour la plupart des organismes internationaux, elle est une des 23 langues officielles de l'UE, l'une des 3 langues de travail de la Commission européenne, l'une des 2 langues de travail du Conseil de l'Europe, la langue unique de travail de la Cour européenne de justice etc. Une langue officielle sur les 5 continents. L'Organisation Internationale de la Francophonie compte environ 60 pays et se pose comme une sous-ONU. La liste pourrait être prolongée longuement. N'oublions pas non plus que la France est la 4ème ou 5ème puissance économique mondiale ! Pourquoi fait-elle partie du G7 ? Ce n'est pas une simple tradition ou l'expression de la pitié des autres pays qui en font partie ! Et le siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU ? Et la bombe atomique aussi, ce n'est pas n'importe quel pays qui la détient.

Vous avez vraiment la mémoire courte, ou de la myopie, M. Delais. À moins que ce soit simplement la mauvaise foi au service de votre thèse.

Eh oui, ce qu'il faut savoir, c'est que le déclin de la France est principalement le résultat d'une politique volontariste de régionalisation du français. Qui sont ceux qui choisissent de s'exprimer en anglais avec l'Union européenne alors qu'ils pourraient, et devraient, le faire en français ? Qui a choisi d'adopter l'anglais comme langue de l'enseignement supérieur dans plusieurs grandes écoles ? De choisir l'anglais comme langue de revues scientifiques éditées par des institutions françaises, y compris publiques ? D'accepter sans sourciller les résultats d'un classement international des universités favorisant de manière éhontée les établissements étatsuniens et anglais ? De décréter que la France devait devenir une nation bilingue (français-anglais) ? De réduire la notion de « langues étrangères » au seul anglais, qui n'est même plus considéré comme une langue étrangère ? De ratifier un Protocole de Londres autorisant des brevets rédigés en anglais en France ! De faire de l'anglais une langue obligatoire à l'école du Cours préparatoire jusqu'à l'université ? Je ne poursuis pas l'énumération, elle pourrait continuer longtemps, hélas.

Ce sont les responsables français eux-mêmes ! Au mépris des règles officielles du pays et de la Constitution française !

Le déclin de la France, c'est aussi le souhait, et la perception de l'élite - quelle triste élite ! - de notre pays. Une élite aux ordres des puissances dominantes du monde, les États-Unis en tête. Ce n'est pas une évolution pseudo naturelle qui fait du français une langue régionale, c'est voulu par nos propres dirigeants ! « Le monde a changé » ... ça suffit, les clichés, les lieux communs, svp ! Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les hommes qui font changer le monde ! La politique, ce sont les hommes qui la font. L'économie, aussi. Derrière les entreprises, les bourses, les marchés financiers, ce sont des hommes !

Mais il paraît que nous avons les dirigeants que nous méritons. Il semble qu'il en soit de même pour la presse. Tant pis.

 

AK