La fin de l’esprit ?

 

Les membres de l’Assemblée nationale française ont reçu à la surprise indignée de beaucoup, une invitation à un colloque organisé par la banque de France, invitation et colloque en anglais. 

On rougit de se rappeler l’article 2 de la Constitution, qui stipule que « la langue de la République est le français ».(...). Qu’une institution française (et quelle !) invite à parler (en anglais) des parlementaires français, ce surréalisme de mauvais rêve est notre dernier tabou. Le « politiquement correcta», contre quoi il est de mode de se gendarmer, n’est rien à côté du de ce « linguistiquement correct » qui se pose comme lui en évidence indiscutable et fait trouver normal l’abandon de sa langue maternelle, dans le pays même où cette langue est parlée. On passera sur le ridicule, pour ne retenir que l’incohérence d’une telle attitude, qui n’a pas même les mérites de l’efficacité commerciale à quoi elle prétend.

 À qui fera-t-on croire que l’on fait les meilleures affaires dans une langue que l’on ne maîtrise pas, dans laquelle on ne pense pas ? (...).  Le voilà bien, et dans toute se virulence, le terrorisme intellectuel que l’on débusque partout (...).  Cette démission linguistique est-elle autre chose que la fin des mots, c’est-à-dire la fin de l’esprit ?

  PhiIippe Barthelet

 Source : Valeurs Actuelles,  août 2003