D'un côté une nouvelle manifestation du déclin de la culture française, de l'autre la consolation de constater qu'un journaliste critique le fait qu'une pièce produite sous le label d'une institution culturelle nationale française soit montrée en anglais à des Français, alors que l'actrice est ... française !
Bravo, M. Gubernatis !

Effectivement, comme il le dit, les Français ont trop honte d'être Français et de parler français !

Le fameux masochisme français.

Possible de réagir en ligne sur : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/culture/20081120.OBS1962/ini

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AK

 

 

SPECTACLE CHORÉGRAPHIQUE

« In-I » avec Juliette Binoche et Akram Khan

Un acte théâtral indigent, où de surcroît la comédienne française, devant le public francophone du Théâtre de la Ville, croit bon de s’exprimer…en anglais.

Juliette Binoche et Akram Khan (Tristram Kenton)

 

C’est donc cela, « In-I », ce duo entre l’actrice Juliette Binoche et le danseur Akram Khan qui a provoqué un invraisemblable battage médiatique ! Ce n’est donc que ce spectacle indigent, aimablement bêbête, qui se veut une analyse des sentiments amoureux, mais qui vire le plus souvent à la comédie de boulevard ou à la bluette pour jeune fille attardée !
Le beau texte de présentation du Théâtre de la Ville, émaillé de propos de Juliette Binoche sur l’amour, sincères et réfléchis, pouvait laisser espérer quelque chose de plus solide. Mais entre la fausse (ou réelle) ingénuité de cette dernière et le narcissisme d’Akram Khan, entre l’absence de dramaturgie forte et de propos solidement construit, il n’est resté de place que pour une aimable insignifiance. Il faut avouer qu’on redoutait le pire : Akram Khan, superbe danseur, mais chorégraphe creux, n’a jusqu’à maintenant jamais rien fait d’essentiel, sauf à se mettre en scène dans des solos ou des duos où l’esthétisme se mêle à la vacuité. Mais il n’est pas le seul responsable. Tout à son désir de danser, et bien mal conseillée, Juliette Binoche, tout en jetant son dévolu sur lui, apporte à leur travail commun un je ne sais quoi de boulevardier et d’infantile.
Au début de l’ouvrage, on est un moment impressionné. Khan et Binoche y sont tout le contraire de personnages transparents, et d’eux se dégage une belle présence. Mais l’illusion ne fait pas long feu. Suivant la première rencontre des deux amants et leurs premiers émois, la scène du cabinet de toilette se voulait sans doute drôle et acide. Elle est puérile. Les scènes de désamour, mal ou peu habitées, laissent indifférent. Et seul le duo où les amants se retrouvent comme en rêve, offre quelque chose d’assez beau et de charnel. Mais c’est alors que s’achève « In-I ».
L’aventure ne serait qu’une quelconque mésaventure si l’opération n’avait pas mobilisé tant de moyens, une coproduction entraînant des scènes françaises, anglaises, belge, luxembourgeoise, italienne, australienne …, si elle n’avait suscité une telle logorrhée des médias. Soutenu, vendu par Culture France, le spectacle est ainsi promis à une carrière internationale totalement imméritée, ce dont tout le monde a conscience d’ailleurs.

On s’étonnera en outre, et fort naïvement sans doute, que sur une scène parisienne, lors d’une production en grande partie financée par la France, l’actrice française Juliette Binoche ait cru faire quelque effet en s’exprimant exclusivement en anglais, se faisant tort à elle-même lors d’un long monologue pas inintéressant, mais sabordé par l’usage artificiel d’une autre langue que la sienne. Les imbéciles, qui ont réponse à tout, vous diront que c’est chose normale puisque le spectacle a été créé à Londres (et fraîchement reçu par la critique anglaise). Mais puisque le public francophone est condamné à lire la traduction française du texte dit en anglais par une actrice française, sur un prompteur placé devant le proscenium, pourquoi ne pas imaginer qu’il pourrait être dit en français par ladite actrice française et traduit en anglais ou dans d’autres langues pour les publics non francophones ? Quand un spectacle est envoyé de par le monde par Culture France, et qu’on gémit devant la récession du français, il y aurait une certaine dignité, un certain panache, à le produire dans notre langue. Ce n’est pas déshonorant de parler encore la langue de Molière et de la donner à entendre aux publics de l’étranger. Ils en sont plus friands que les Français ne l’imaginent et lui trouvent des beautés, une sensualité, un charme, dont on semble avoir honte en France.


Raphaël de Gubernatis
 

 

Source : NouvelObs.com, le 20 novembre 2008

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