Fillon rend hommage à l’anglais                

le Premier ministre, François Fillon, vient de rendre un bel hommage à la langue anglaise en prononçant son discours de Washington en anglais.

Il s’est même chaleureusement excusé de son accent français, sur le mode de la plaisanterie, faisant ainsi preuve de psychologie, car il est toujours bon de flatter les puissants et de se montrer humble devant eux.

Les télévisions françaises, aux infos de vingt heures, ont mis en valeur ce discours plutôt que d’autres en français qu’elles auraient pu choisir, témoignant à leur tour de l’importance qu’elles accordaient à ce changement d’attitude envers l’anglais, un tournant linguistique dont elles ont immédiatement mesuré l’ampleur historique et les conséquences.

On est loin de l’attitude arrogante et naïve, combative, de de Gaulle, qui fut celle de toute une époque où la langue française rivalisait avec l’anglais, et même le devançait dans l’Union européenne, un sursis facilité par l’adhésion tardive et peu enthousiaste de la Grande-Bretagne à l’Union. Le français était jadis langue de travail de l’UE (il l’est encore, mais surtout sur le papier), et langue de l’unité militaire franco-allemande. Mais le temps du réalisme a sonné, la force européenne et tous les états-majors militaires utilisent maintenant la langue de la force et de la modernité : l’anglais.

Une anecdote datant de la Seconde Guerre mondiale, vraie ou fausse, reflète bien un état d’esprit révolu : à la fin d’une discussion tendue entre Churchill et de Gaulle, après que Churchill a conclu d’un vigoureux "No !", de Gaulle se tourna vers son interprète et lui dit : "Interprète, traduisez !" Impensable aujourd’hui.

Cet hommage appuyé, approuvé et relayé par nos télévisions, préfigure une nouvelle ère, où les étudiants du monde entier pourront suivre des cours en anglais dans toute l’Europe, y compris dans notre vieux pays crispé. Déjà, le contrôle des certifications d’anglais (selon le CECRL, relativement récente échelle de langue) a été confié à l’université de Cambridge, sans s’attarder sur les états d’âme de nos propres professeurs, qui pourraient se sentir humiliés d’avoir été jugés inaptes à certifier eux-mêmes le niveau de leurs élèves. Le rapport Attali ne conseille-t-il pas expressément de faire davantage appel aux professeurs natifs, en lieu et place de nos profs de langue à l’accent un peu trop France profonde ? Le surcoût occasionné par le recrutement massif d’anglophones natifs à la télévision France 24, ainsi que dans nos universités (pour Erasmus mundus), et bientôt dans les écoles secondaires pour les programmes Emile (enseignement d’une matière en anglais) ou les écoles primaires, pourra être avantageusement compensé par la mise en retraite anticipée d’un nombre équivalent d’enseignants d’anglais francophones. De plus, la diminution du nombre d’étudiants étrangers désirant apprendre le français sera une importante source d’économies.

Mais la conséquence la plus importante de ce changement d’attitude d’un gouvernement français, traditionnellement braqué sur la défense sourcilleuse et un brin paranoïaque de la langue française, c’est l’officialisation proche de l’anglais comme lingua franca de l’Union européenne.

C’est ainsi, toutes les guerres finissent un jour ou l’autre, les guerres linguistiques comme les autres. Certains travaillent depuis longtemps en faveur de l’anglais, comme nos amis du blogue "Agir pour l’anglais".

En découvrant ce discours en anglais de François Fillon, un nom que retiendra l’Histoire et le monde de la francophonie, les journalistes ne s’y sont pas trompés ! Ils l’ont compris comme la vieille cérémonie rituelle clôturant tous les conflits, l’hommage rendu au vainqueur par le vaincu.

 

Krokodilo

Médecin généraliste, j’aime les chats, le gruyère, la science-fiction, les bandes dessinées, le surf des neiges et l’espéranto.

 D’une manière générale, je m’intéresse à tous les sujets sur lesquels je n’ai aucune compétence, ce qui me laisse un large champ d’intervention.

Mes recherches sur les OVNI m’obligent à l’anonymat.

 

 

Source : agoraxvox.fr, lundi 5 mai 2008

 http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=39546

 

 

Réactions :

Il y a du vrai et du faux dans cet article. Les langues étrangères sont faites pour être utilisées à l'étranger. Poutine parle allemand, français et anglais et il utilise ces langues lorsqu'il voyage dans les pays où elles sont parlées. De Gaulle parlait allemand, pas un très bon allemand, mais il l'avait utilisé dans ses discours en Allemagne. Le problème n'est pas là. D'ailleurs, au forum de Davos, en Suisse, où le français est, comme chacun sait, l'une des langues officielles du pays, Fillon s'est exprimé en français. Cependant, la couverture médiatique du discours en anglais de Fillon aux États-Unis donnait effectivement l'impression que Fillon faisait acte d'allégeance à l'oncle Sam.

Par contre, l'article tape dans le vrai quand il évoque le test de Cambridge pour l'anglais qui est doublé également par le TOEFL ou le TOEIC comme si, effectivement, les professeurs d'anglais français n'étaient pas habilités à évaluer le niveau en anglais de leurs élèves. Pourquoi le ministère de l'Éducation français donne-t-il le droit d'enseigner l'anglais aux professeurs d'anglais qu'il forme s'il les désavoue par la suite au niveau des tests ?? Pourquoi désigner des experts si on ne les autorise pas à faire des expertises ou si on ne reconnaît pas leurs résultats ?

Mais il y a plus incroyable encore. je viens d'apprendre récemment que les consulats de France, tout au moins dans certains pays, ignorent désormais les langues locales et demandent des traductions officielles (par des traducteurs assermentés) indifféremment en français OU EN ANGLAIS ! C'est le cas au Vietnam, par exemple. L'anglais est donc devenu, de facto, une langue officielle pour les consulats français. Par contre, un papier officiel rédigé en vietnamien par les autorités vietnamiennes n'a plus aucune valeur même s'il est aisément authentifiable par les autorités consulaires...

Mépris des langues nationales... Statut officiel attribué à l'anglais par des organismes étatiques français auprès d'étrangers pour lesquels l'anglais n'est ni langue officielle ni langue nationale et dont le pays fait partie de la Francophonie ?!?! Cependant, Nicolas Sarkozy a défendu une "première mesure minimale": que les membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) "veillent à s'exprimer en français dans les enceintes où le français est langue officielle de travail, tant au niveau des chefs d'État et de gouvernement que de leurs représentants" comme on peut le voir sur le site de l'Observatoire européen du plurilinguisme:

http://plurilinguisme.europe-avenir.com/index.php?option=com_content&task=view&id=1108&Itemid=1

je cite : Nicolas Sarkozy a promis, jeudi 20 mars, que la francophonie resterait "une priorité de la diplomatie française", lors d'un discours prononcé à la Cité internationale universitaire de Paris à l'occasion de la journée internationale de la francophonie.

Au nom d'une "conception offensive" de la francophonie, Nicolas Sarkozy a défendu une "première mesure minimale": que les membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) "veillent à s'exprimer en français dans les enceintes où le français est langue officielle de travail, tant au niveau des chefs d'État et de gouvernement que de leurs représentants". En savoir plus
fin de citation

Le jour où les Français seront traités de bouffons ne va certainement plus tarder.

Charles Durand

 

 

Personnellement, je ne suis pas choqué que l'on parle anglais aux États-Unis, même de la part d'un homme politique français. Sauf bien sûr dans l'enceinte d'une organisation internationale où le français serait langue officielle.
Beaucoup d'hommes politiques anglophones se sont piqués d'un discours en français en France (surtout des Anglais). Les pays anglophones ne sont-ils pas les seuls endroits où il est légitime de parler anglais ? J'aime bien l'idée que l'on fasse un effort dans la langue du pays hôte (quitte à escompter la réciprocité), et d'ailleurs De Gaulle, que l'article mentionne, énonçait toujours quelques phrases dans la langue vernaculaire des pays qu'il visitait, y compris dans les pays anglophones.

Jérémie

 

 

Je suis aussi de l'avis de Jérémie. S'adresser au peuple qui vous reçoit dans sa langue est une marque de politesse. L'année dernière, Tony Blair s'est adressé au peuple français en français (j'avais vu son discours sur youtube). Le principal est la réciprocité, bien sur ! Et aussi de faire pareil pour tous les pays (un petit discours en espagnol pour un pays hispano, en allemand pour l'Allemagne ou l'Autriche, etc...). Ce qui est choquant, par exemple, c'est quand Mme Royal s'était exprimée en anglais en Suède ! Pour une langue totalement inconnue d'un politique, il doit soit apprendre phonétiquement quelques phrases ou se contenter de sa langue nationale à lui et laisser traduire par l'interprète.

En tout cas, vu l'anglais de M. Fillon, on peut se réjouir d'une chose : la langue de son foyer mixte doit être le français ! L'épouse de notre premier ministre doit parler parfaitement le français !!! D'ailleurs, la majorité des Britanniques vivant en France parlent le français et sont très fiers qu'on les complimente là-dessus ("oh merci, j'ai pourtant un accent épouvantable"). Les abrutis qui refusent de parler notre langue en vivant chez nous sont minoritaires mais ils sont quand même de trop.

Au fait, l'été approche avec son cortège de touristes. Trouvons une phrase (qui tue) à rétorquer aux malpolis anglophones qui s'adressent à nous directement en anglais comme si nous étions des colonisés de l'empire anglo-américain. Par exemple "oui, je parle français !".

Brigitte

 

 

Il ne s'agit pas de prononcer quelques mots ou phrases dans la langue du pays, ça c'est très bien même :-) Mais un discours entier pour un homme politique en exercice de ses fonctions, c'est autre chose. Fera-t-il pareil venant en Russie? En Chine?.. En Espagne? Il faut voir également le contenu de ce discours. C'est peut-être mon impression personnelle, mais il avant l'air presque s'excuser que la France n'a pas accordé un soutien inconditionnel à la politique étatsunienne par le passé, en promettant qu'on va se conduire comme il faut.

skirlet