Monsieur
le Président,
Depuis
plus d’un an, je n’ai reçu aucune information quant aux
activités de la Chapelle, ses réunions, ses conférences, ses
cérémonies religieuses. Il est vrai que lorsque j’ai eu l’occasion
de participer à l’une ou à l’autre de ses activités, j’ai
toujours manifesté ma déception quant à l’usage des langues,
à la trop importante place faite à l’anglais et à l’inattention
envers l’italien qui est la langue de l’Église catholique
romaine et d’une très importante communauté au sein des
institutions européennes, mais je suis surprise quant au fait que
mes remarques puissent avoir eu une telle suite.
En
fait, si une utilisation prononcée du français peut se justifier
compte tenu qu’il est langue officielle de la Belgique et langue
véhiculaire de Bruxelles, celle de l’anglais ne se justifie
nullement et porte en soi le goût amer de la colonisation. J’ai
déjà eu l’occasion de vous le dire, il y a quelque temps et je
me permets d’insister quant au fait que, à mon sens, au cas où
on devait s’écarter de l’usage du français, qui peut se
justifier à différents titres, il n’est pas admissible de
donner un rôle prépondérant à l’anglais, mais il faudrait
plutôt accorder une part égale à toutes le langues ou, encore
mieux, revenir au latin et à son universalité.
Vous
savez que, dès le début du projet de restauration de la
Chapelle, j’en ai été enthousiaste et j’y ai contribué,
modestement, mais avec conviction, persuadée de l’importance et
de la nécessité d’avoir, au cœur des institutions européennes,
un symbole de la spiritualité de l’Europe et un centre de
réflexion sur son existence et son devenir au plan des valeurs de
la chrétienté.
Aujourd’hui,
compte tenu des orientations linguistiques de la Chapelle, de l’espace
accordé à des théories tendancieuses telles que celles
exposées notamment par Philippe Van Parijs, je ne crois plus en
son rôle d’ouverture et de réconciliation. Je ne peux,
surtout pas accepter de contribuer, par le biais de mon soutien
à une institution de l’Église catholique, à l’épanouissement
de l’anglais qui est une langue de prédateurs qui ont mis à
feu et à sang tout le Moyen Orient et constituent un véritable
danger pour la paix dans le monde et pour le développement
humain.
Je
ne suis pas de ceux qui suivent le mouvement sans se poser des
questions et la réponse aux questions que je me pose consiste à
dire qu’il est grand temps de mettre un terme à la colonisation
anglo-américaine qui répand dans le monde entier une culture
matérialiste et mercantile, centrée sur l’agression et le
profit au détriment de l’être humain, tel qu’il est
considéré au sein de la civilisation chrétienne et européenne,
de sa dimension spirituelle et de ses valeurs.
Il
est du devoir de tous et de chacun de se poser des questions et de
refuser le laisser aller, dans un esprit de défense civile
permanente. Bien des catastrophes auraient pu être évitées dans
le passé, même récent, si les citoyens avaient joué le rôle
que la démocratie accorde au peuple souverain et engagé leur
responsabilité face à des situations inacceptables et à des
choix politiques odieux. Il en va de même, aujourd’hui, pour l’anglais
qui n’est pas cette langue universelle que les Anglo-américains
veulent nous vendre, mais l’instrument sournois de pénétration
de nos sociétés et de la conscience des individus, à des fin de
domination, dont le succès n’est dû qu’à nous mêmes, à
notre impardonnable conformisme, à notre lâcheté.
Le
rôle de l’Église catholique n’a jamais été celui d’aller
avec le courant, en plus, la responsabilité pastorale de la
Chapelle est confiée à la prestigieuse mission jésuite
européenne, or s’il n’y a même plus les Jésuites à avoir
une approche critique des réalités du monde, auxquelles nous
sommes cruellement confrontés, l’Église catholique du XXIe
siècle est vraiment dans une impasse.
En
annexe, je me permets de vous adresser quatre pages, tirées du
livre de Dag Tessore, sur la pensée de Benoît XVI quant à l’usage
des langues et au rôle du latin dans la liturgie, notamment dans
les milieux internationaux. J’espère que le fait qu’elles
soient en italien ne constitue pas un problème insurmontable pour
vous.
Je
ne doute pas quant au fait que ma lettre sera reçue avec un
sourire d’indulgence envers une personne qui n’est pas
« à la page » mais, personnellement, face à ma
propre conscience, j’ai l’intime conviction d’avoir accompli
un devoir.
Veuillez
agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très grande
considération.
Anna
Maria Campogrande
Copie :
Foyer Catholique Européen, Fondation Roi Baudouin