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objet : Lutte contre le tout anglais
Monsieur,
Les institutions européennes sont très attentives au respect de
la libre concurrence et sont fermement hostiles à tout ce qui
pourrait fausser
cette concurrence et favoriser telle ou telle entreprise ; selon
le récent projet de constitution, «l'Union offre à ses
citoyennes et à ses
citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans
frontières intérieures, et un marché unique où la concurrence
est libre et non
faussée».
Pourtant, une très grave violation de la libre concurrence, de la
liberté et de la justice est encouragée par les institutions
européennes, par la place accordée dans ces institutions, en
violation des traités, à la langue nationale d'un nombre très réduit
de pays de l'Union : la langue anglaise.
Dans tous les domaines, les avantages considérables retirés de
cette situation de monopole par les pays anglophones sont
parfaitement connus de longue date.
Winston Churchill disait en 1943 : «I am very much interested in
the question of basic English. The widespread use of this would be
a gain to us far more durable and fruitful than the annexation of
great provinces».
En 1987, le British Council avait estimé que la vraie richesse de
la Grande Bretagne n'était pas le pétrole de la Mer du Nord,
mais sa langue:
«Britain's real black gold is not North Sea oil but the English
language». (British Council, 1987).
Voici ce qu'on pouvait lire dans le Washington Post et
l'International Herald Tribune en 1992 :
«The use of English boosts the political influence of the
English-speaking countries in ways perhaps more potent than gross
domestic product or military firepower » (International Herald
Tribune, 7 juillet 1992).
(«L'emploi de l'anglais accroît l'influence politique des pays
anglophones beaucoup plus puissamment qu'une forte économie ou
une grande puissance de feu»).
David Rothkopf, directeur général du cabinet de conseils «Kissinger
Associates », écrit dans un ouvrage paru en 1997 et intitulé «Praise
of
Cultural Imperialism» (Louange de l'impérialisme culturel) :
« Il y va de l'intérêt économique et politique des États-Unis
d'Amérique de veiller à ce que, si le monde adopte une langue
commune, ce soit l'anglais [...]. »
L'Union est censée promouvoir «la justice et la protection
sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes», mais
chacun peut constater
qu'elle lutte très efficacement contre l'égalité entre les
citoyens natifs des pays anglophones et les autres citoyens européens.
«L'Union
respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique,
et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine
culturel européen», mais dans les faits, la langue anglaise est
la langue de l'Union tandis que la diversité culturelle et
linguistique ne relève que du folklore.
«[...] toute discrimination exercée en raison de la nationalité
est interdite», mais la discrimination en raison de la langue
maternelle est encouragée, alors qu'elle est une discrimination
indirecte en raison de la nationalité.
«L'Union est fondée sur les valeurs [...] d'égalité [...]. Ces
valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée
par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la
non-discrimination», mais les citoyens de langue maternelle autre
que la langue anglaise font l'objet d'une intolérable
discrimination et le plus souvent, seuls les citoyens de langue
anglaise ont droit à l'information émanant des institutions
européennes, et ils sont parfois même les seuls à pouvoir prétendre
y travailler, puisqu'on peut citer de nombreuses offres d'emplois
réservés aux seuls citoyens de langue maternelle anglaise.
Quand les institutions européennes cesseront-elles enfin de
favoriser et soutenir cette illégitime et insupportable situation
?
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments
distingués.
Patrick
Leloup
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