Bonjour
Laurent,
J'ai été consterné ce soir par l'appui excessif et pesant donné
à l'anglais par trois participantes du plateau de "On a tout
essayé", comme si l'on ne subissait pas assez le
conditionnement qui pousse à croire que l'on est moins que rien
sans l'anglais.
À Toronto, j'avais rencontré un syndicaliste des États-Unis,
ancien mineur britannique, qui m'avait dit : "Celui qui
impose sa langue
impose l'air sur lequel doivent gesticuler les marionnettes".
Alors, ces dames, qui refuseraient sans doute et avec raison de
travailler pour le roi de Prusse, travaillent-elles pour la reine
d'Angleterre ou pour le trio Bush-Blair-Berlusconi (dont le
programme était basé sur les trois "i" : "Inglese,
Internet e Imprese" (Anglais, Internet et Affairisme) ?
Ces personnes devraient méditer sur des remarques faites à
plusieurs reprises par le philosophe Michel Serres selon lequel il
y a aujourd'hui plus d'inscriptions en anglais sur les murs de
Paris qu'il n'y en avait en allemand durant l'Occupation.
Elles devraient méditer aussi sur l'ouvrage rédigé par un
ancien du British Council sous le titre "Linguistic
Imperialism" (Oxford
University Press, 1992) et celui qu'il a publié plus récemment
sous le titre "English-Only Europe ? Chalenging Language
Policy" (Routledge, Londres, 2003).
Et elles pourraient enfin méditer au moins sur ces quelques
phrases du Rapport Grin sur "L'enseignement des langues étrangères
comme politique linguistique" :
"1) le Royaume-Uni gagne, à titre net, au minimum 10
milliards d´Euros par année du fait de la dominance actuelle de
l´anglais ;
2) si l´on tient compte de l´effet multiplicateur de certaines
composantes de cette somme, ainsi que du rendement des fonds que
les
pays anglophones peuvent, du fait de la position privilégiée de
leur langue, investir ailleurs, ce total est de 17 à 18 milliards
d´euros
par année ;
3) ce chiffre serait certainement plus élevé si l´hégémonie
de cette langue venait à être renforcée par une priorité que
lui concéderaient d´autres États, notamment dans le cadre de
leurs politiques éducatives respectives ;
4) ce chiffre ne tient pas compte de différents effets
symboliques (comme l´avantage dont jouissent les locuteurs natifs
de la langue
hégémonique dans toute situation de négociation ou de conflit
se déroulant dans leur langue) ; cependant, ces effets
symboliques ont
sans doute aussi des répercussions matérielles et financières" .
Ce rapport de 127 pages peut être téléchargé à l'adresse : <http://cisad.adc.education.
fr/hcee/documents/rapport_Grin.pdf>
Pourquoi ne pas en inviter l'auteur, François Grin, qui est :
o Professeur d'économie à l'École de traduction et d'interprétation
(ETI) de l'Université de Genève
o Directeur-adjoint du Service de la recherche en éducation (SRED)
du Département genevois de l'instruction publique.
o Consultant en matière de politique linguistique et de politique
de l'éducation pour des organismes officiels suisses ou étrangers,
des
organisations internationales et des organisations non gouvernementales
?
Bien cordialement.
Henri Masson