Sujet : L'Europe sous l'empire de l'anglais !
Date : 10/12/2009
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« Le nouvel empire sera linguistique, il faut donc asseoir la suprématie de la langue anglaise » ,

voilà ce que disait Churchill en 1943…

  Quelques années plus tard, l'anglais Robert Phillipson révélait, dans  son livre « Linguistic imperialism » publié en 1992, que les Anglo-Saxons  avaient pour dessein que l'anglais devait devenir la langue dominante dans le monde, remplaçant ainsi les autres langues et leurs visions du monde.

Les Anglo-Saxons sont en train de gagner ce combat essentiel pour la maîtrise de l’avenir.

C’est en tous cas ce qui ressort d’une conférence organisée par l'association Bruxelles-Europe qui s'est tenue à la Commission Européenne le 17 novembre dernier sous le titre évocateur : « Diversité linguistique : Faut-il parler anglais pour être européen ? »

Les conférenciers étaient Quentin Dickinson, directeur des affaires européennes de Radio France, Jean Quatremer, correspondant de Libération, Michel Theys, journaliste des questions européennes. Une centaine de personnes ont participé à cette conférence parmi lesquelles l'ambassadeur de France auprès de l'UE (Monsieur Philippe Étienne) et le Consul de France à Bruxelles…

Après un rappel de l’évolution des règles du régime linguistique au sein de l'union dès son origine (règlement 1/58), lors des périodes d’élargissement, les orateurs et le constat de la pratique actuelle, les orateurs ont fait le constat que la grande bascule vers le tout anglais date de la période de la Commission Prodi (1995/2004). En effet, le chargé de la réforme administrative, le vice-président anglais, Neil Kinnock, a œuvré pour la défense des intérêts linguistiques de la Grande Bretagne et du Bristish Council dont il sera le président jusqu'en juin 2009.

L’attitude des Anglo-Saxons n’est pas sans faire écho à ce qu’écrivait Jules Destrée dans sa « Lettre au Roi » à propos d’un Peuple voisin : « Ils nous ont pris notre langue. Plus exactement, ils sont occupés à nous la prendre. Nous ne connaissons encore que la menace et l'humiliation. L'œuvre maudite se poursuit lentement, par degrés, sans brusque éclat, avec la patiente opiniâtreté qu'ils apportent en leurs conquêtes. On y distingue trois étapes : d'abord, le flamand se glisse insidieusement, humblement, auprès du français. Il ne s'agit que d'une traduction : qui pourrait refuser ce service fraternel à nos frères ? Puis, un beau jour, le flamand s'affirme en maître : il revendique la première place qu'il appelle l'égalité; le français n'est plus que toléré. Enfin, le français sans cesse anémié, diminué, proscrit, disparaît. Et le lion de Flandre est souverain sans partage. »

C’est que pour des raisons similaires à celles invoquées par Destrée, face à une politique d'expansion de la langue anglaise portée par le mercantilisme agressif des vainqueurs de la seconde guerre, il n'y a eu qu'un processus de renoncement et d'angélisme des autres pays. Dont la France, hélas ! Pensons simplement à des attitudes suicidaires des représentants français à l'Union Européenne comme le choix systématique de s'exprimer en anglais (ressenti d’ailleurs comme un mépris des traducteurs) ou celui de travailler et de faire travailler uniquement en anglais ou en faisant de l'anglais la langue unique des commissions dont ils ont la charge.

Ce renoncement à l'emploi du français par les élites francophones a entraîné par effet de domino l'effacement des autres langues notamment l'allemand et l'italien. Avec la complicité enthousiaste de la Belgique évidemment. Les Flamands réglant un vieux compte avec cette langue qui leur rappelle le mépris de leurs propres élites pour leur peuple. Les autres, les belges francophones, par snobisme et pseudo esprit d’ouverture. L’occupation de tous les postes extérieurs par des Flamands n’augure certes pas d’un changement.

Il faut le dire, la langue anglaise est installée durablement en position hégémonique au sein des institutions européennes. Le français - langue de 3 pays fondateurs – y a ainsi perdu son rang. Le renoncement à l'emploi du français par les élites francophones a entraîné par effet de domino l'effacement des autres langues, notamment l'allemand et l'italien qui sont hors d'état de contre balancer cette hégémonie linguistique. À un point tel que dans certains États membres, la langue anglaise est en train de prendre souche dans les jardins d'enfants et elle est déjà de plus en plus la langue de transmission des savoirs dans l'enseignement supérieur.

Si même la France n'échappe pas à ce processus d'anglicisation, il suffit d’écouter le flot continu d’anglicisme utilisé de préférence aux équivalents originaux français dans une institution publique de la Communauté française comme la RTB (f) pour constater que nous sommes là aussi plus qu’en perte de vitesse.  C’est une politique volontaire de destruction. Comment peut-il en être autrement.

Le grand débat sur l’identité nationale en France  vient un peu tard dans ce contexte. Pour moi, c’est l’identité, c’est d’abord l'identité de choix de culture et donc de langue ainsi que de volonté d'un destin commun.

Mais c’est aussi et surtout le rappel de valeurs essentielles portées dans les premiers mots de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen  que ses auteurs ont voulue universelle : Les deux premiers mots sont « Les hommes », sans distinction géographique, linguistique ou raciale. « Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

Ça commence aujourd’hui, mais demain, si nous n’y prenons garde, la qualité de « citoyen européen » sera conditionnée à la maîtrise de la langue anglaise et par la même, au niveau de perfection en anglais dont vous êtes capable. Ce qui déterminera votre évolution sociale et hiérarchique et surtout celle de vos enfants. Cela implique, qu'en contradiction avec l’article premier de la Déclaration des Droits, en l'absence de cette maîtrise, vous ne pouvez pas vous affirmer comme un citoyen européen à part entière.

La Belgique, pays fondateur de ce qui n’est jamais qu’un grand marché et qu’on appelle l’Union européenne partage la responsabilité de ce désastre civique et linguistique avec les élites françaises, car se battre pour maintenir l'emploi du français était un combat indissociable de la protection des autres langues.

Leur responsabilité est grande d’avoir contribué à ce que le français et l'allemand ne soient plus considérés comme des langues internationales et seront demain – si nous n’y prenons garde - reléguées de fait comme langues « régionales » de l'Union Européennes sans en avoir le statut.

 

 

Source : Le Blogue-notes de Claude Thayse, décembre 2009

http://www.claude-thayse.net/article--le-nouvel-empire-sera-linguistique-il-faut-donc-asseoir-la-suprematie-de-la-langue-anglaise--40790821.html