Comme nous pouvons tous le constater, hélas, le paysage francophone de la France est de plus en plus pollué par des inscriptions en anglais. « Il y a aujourd’hui sur les murs de Paris, plus de mots anglais qu’il n’y avait de mots allemands sous l’occupation nazie », a dit le philosophe, l’Académicien et le professeur d’université, Michel Serres. Face à ce désastre linguistique, ce monsieur propose de faire la grève de l’anglais, et pour cela, il propose à chacun d’éviter de faire ses achats dans les magasins dont l’enseigne est en anglais, d’éviter d’acheter des produits français qui ont une dénomination anglaise, d’éviter d’aller voir des films dont les titres anglais n’ont pas été traduits en français, d’éviter d’aller applaudir des chanteurs français qui chantent en anglais, etc. Mais, en plus de cela, face à la publicité en anglais qui nous assaille chaque jour davantage, au point de donner l’impression que notre pays est devenu une colonie anglo-américaine, il devient urgent désormais de passer à l’action sur l’espace public, afin d’y rétablir l’autorité et la prédominance de notre langue. Pour cela, nous vous proposons de devenir un « Résistant-Colleur », un Résistant qui irait coller des affiches (ou des autocollants) de protestation sur les publicités en anglais qui nous assaillent. L'Afrav dispose d'affiches et d'autocollants, demandez-en !
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Reportage - Il y a quelques jours, toute la mouvance publiphobe
s'est retrouvée à Paris pour son premier festival. Au programme
: barbouillages, collages et recrutement. « Terra eco » a suivi
ses militants en opération commando.
Il était moins une avant que l’encrier ne bave sur les croissants.
Ce dimanche matin, la vingtaine de militants antipub réunis au
Jardin d’Alice, un collectif d’artistes niché dans le
XIIe arrondissement de Paris, rencontre un petit souci
technique. Armés d’un tampon méthodiquement imbibé, Sylvain
Callu et Élise Ayrault impriment sur un énième morceau de papier
leur slogan fétiche « La pub fait dé-penser ». Leurs voisins,
chargés de stopper l’hémorragie de l’encrier, se marrent en
regardant leurs doigts maculés d’encre noire. Dans ce bastion
anticonsumériste, l’ambiance est rarement à l’austérité. Au
quatrième et dernier jour d’un événement qui fait salle comble,
le sentiment serait déplacé.
De mémoire de militant antipub, le festival
« Démarquons-nous » qui, du 13 au 16 novembre, a vu
s’enchaîner conférences, pièces de théâtre et actions de rue,
est inédit. « Pour la première fois, un événement réunit tous
les collectifs et associations antipub déclarés », se félicite
Khaled Gaiji, porte-parole de l’association
Résistance à l’agression publicitaire (RAP), créée en 1992
et qui chapeaute l’ensemble du mouvement.
Sympathisants des
Casseurs de pub lyonnais ou membres de l’association
Paysages de France, étudiants décroissants ou retraités
ulcérés par les bordures de routes défigurées, tous ont répondu
présents. « Le mouvement n’a jamais été aussi structuré »,
poursuit le jeune homme. Signe de sa bonne santé, dans le
sillage des groupes historiques de Lyon, Lille ou Paris,
Pourtant, entre 2012 et 2013, la budget de la publicité extérieure
a
chuté de 2%, « mais cela ne veut pas dire qu’il y a moins
d’affiches, simplement qu’elles sont moins rentables, car les
annonceurs se réorientent vers d’autres supports, comme
Internet », analyse Thomas Bourgenot, l’unique salarié permanent
de RAP. « C’est simple, la pub grappille de nouveaux espaces,
sans jamais en délaisser », résume Raphaël, membre du collectif
des
Déboulonneurs qui peinturlure les panneaux publicitaires
extérieurs.
« Technique du lapin fou »
Ce dimanche, l’exaspération s’exprimera dans le métro, à coup de
petits papiers collants de couleur. Une fois ces munitions aux
couleurs fluos enfouies dans leurs sacs à dos, les militants se
rassemblent en cercle dans la cour. Sylvain Callu, membre
fondateur du jeune collectif des
Reposeurs, créé en 2012, invite l’auditoire à adopter la
« technique du lapin fou » : « Changez souvent de ligne et
descendez toutes les deux ou trois stations, qu’on ne puisse
vous suivre via les vidéos de surveillance », détaille-t-il.
À
proprement parler, l’acte de coller un papier sur une affiche
n’est pas répréhensible, mais le collectif préfère éviter
d’avoir à argumenter auprès d’un contrôleur mal luné. « D’autant
que nous n’avons plus de mécènes pour payer les amendes »,
précise ce jeune ingénieur en informatique. Comme les papiers de
couleur et l’encrier, les militants paient de leur poche les
contraventions, même injustifiées. Emmitouflés dans leurs
manteaux d’hivers, Léo et Romain, deux copains toulousains,
respectivement ingénieur stagiaire et étudiant en histoire,
écoutent religieusement. Il font partie des cinq nouvelles
recrues de la journée. Pour les organisateurs, c’est bien… mais
ce n’est pas un raz-de-marée.
« Quel que soit le mouvement, le nombre de sympathisants croît
toujours à un rythme plus lent que le nombre de publicités »,
soupire Sylvain Callu. Ainsi, après un boom de 200 à
450 personnes entre 2012 et 2013, le nombre
En France, 33% de publiphobes
Leur ras-le-bol est pourtant largement partagé hors de
l’enceinte du Jardin d’Alice. Depuis une dizaine d’années, le
part de la population française hostile à la publicité est en
croissance constante. Selon la
dernière étude TNS Sofres, entre 2004 et 2013, le nombre de
personnes se déclarant « publiphobes » a grimpé de 25% à 33%.
« La situation est paradoxale, commente Khaled Gaiji. Un tiers
de Français partagent nos idées, pourtant, lorsqu’on est reçu au
ministère [de l’Écologie], on nous fait comprendre qu’on ne pèse
pas assez pour être écoutés. » Pour prouver le contraire, les antipubs
proposent au citoyen exaspéré tout un panel d’actions, allant du
réseau d'influence à la désobéissance civile.
L’assemblée qui fait la ronde ce jour-là témoigne de cette
diversité. Reprenons. Raphaël, trentenaire élancé est un « déboulonneur ».
Sur son temps libre, ce musicien se munit de pots de peinture et
recouvre illégalement les panneaux extérieurs. Il revendique ses
actes et utilise les procès comme tribunes, quitte à s’acquitter
d’amendes pouvant atteindre 200 euros. En face de lui, Sylvain
Callu, ingénieur en informatique, est un « reposeur ». Il agit
sans braver la loi en recouvrant les affiches du métro de
papiers et d’affiches destinés à interpeller les passants. Son
voisin, Victor Vauquois est un
« veilleur de nuit ». Armé d’une perche ou d’un parapluie,
il éteint les enseignes lumineuses dès 22 heures passées.
Aujourd’hui, tous participent à l’action des Reposeurs. Équipés
de supports éphémères, ils se dispersent par groupes de quatre
pour descendre dans le métro.
« Les modes d’actions varient, mais dans le fond les
revendications sont les mêmes », précise Élise Ayrault,
touche-à-tout de RAP. Interdiction des installations
énergivores, respect du principe de
liberté de réception en interdisant les affiches dont les
dimensions dépassent 50x70 cm, limitation de la densité de
l’affichage, application de la loi sur l’extinction de
l’éclairage de nuit et l’affichage illégal…
Le panneau lumineux de la ligne 11 du métro annonce trois minutes
d’attente. Un coup d’œil sur le quai d’en face : le petit
chiffre jaune vient de passer à 4. La voie est libre. Pendant
que Ruwanara, « reposeur » expérimenté fait le guet, Léo et
Romain, les deux étudiants toulousains, sortent un paquet de
papiers collants et une pile d’affiches de leurs sacs à dos.
Dans un drôle de silence et sous le regard interloqué des
passants, ils tapissent les 4x3 qui font l’éloge de vols à
bas-coûts, de collections automne-hiver et de prêts à la
consommation. « Le problème, ce n’est pas seulement la place que
la pub prend, commente Léo en roulant ses affiches à l’approche
du métro, c’est aussi ce qu’elle dit des buts que les gens ont
dans la vie. »
« La publicité a un côté triomphal : c’est comme si les
multinationales plantaient des drapeaux sur une terre
conquise », renchérit son camarade Romain, cheveux longs sous un
couvre-chef en feutre, en plaquant le message « Le rêve ne
s’achète pas » sur une affiche. L’an dernier, au plus fort du
mouvement, cinquante « reposeurs » ont ainsi habillé en quelques
heures un tiers des stations du métro parisien. Dans le petit
bataillon du jour, chacun y va de son argument : « On dit que la
publicité crée de l’emploi, c’est faux, affirme Christine
Traxeler,
Trax de son nom d’artiste. Seules les grosses entreprises
ont le budget pour faire de la publicité et en le faisant, elles
écrasent les petites. » Quant à la manne financière que
représente la publicité, « on pourrait s’en passer, ce n’est que
2% du budget de la RATP ».
Colleuse agile en bottes noires en caoutchouc, cette dessinatrice
de 61 ans n’en est pas à sa première opération commando. La
veille, devant
les caméras du Parisien et à
L’argument de la pub qui s’auto-asphixie ne convainc pourtant pas
les membres de RAP. « Que l’on s’en rende compte ou non,
le cerveau enregistre les messages qui lui sont assénés, et
ce sans rien avoir demandé », affirme Élise Ayrault. Pour son
association, toute pub est synonyme d’agression. « Il n’y a qu’à
prêter attention au vocabulaire des publicitaires : ils parlent
de cibles, de campagnes. C’est un langage militaire », analyse
Khaled Gaiji. Face aux JC Decaux, Clear Channel et autres
mastodontes de la publicité, le militant avoue se sentir
impuissant. « Le nombre d’adhérents n’est pas un objectif en
soi, mais si on atteignait le millier, comme Paysages de France,
on pourrait, nous aussi, faire reconnaître notre intérêt à agir
et saisir les tribunaux. » Sur quels motifs ? « Le non respect
de loi ! L’affichage illégal se propage impunément et
le texte de 2012 sur l’extinction des enseignes lumineuses
la nuit n’est pas respecté. » Pour y remédier, Victor chatouille
les boitiers avec une perche ou un parapluie : « En attendant
d’être entendus par les politiques et de gagner devant les
tribunaux, on peut déjà faire bouger les gens, veut croire ce
jeune écolo, à la fois membre des Reposeurs et des Veilleurs de
nuits. Éteindre un boitier ou coller des apostilles, c’est un jeu
d’enfant, avec un risque proche de zéro, tout le monde peut
pimenter ses trajets en métro. »
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