Sujet :

Attali, toujours autant anglomane !

Date :

28/06/2011

De Daniel De Poli (courriel : daniel.depoli(chez)voila.fr) 

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Quelles qualités pour un président

Jacques Attali, pseudo penseur de gauche, colonisé par les Anglo-Saxons

(commentaire Afrav)

 

La saison des candidatures à l'élection présidentielle est ouverte. À droite, comme à gauche. Pour l'instant, on n'a pas réussi à voir surgir les vraies raisons d'être de ces candidatures, sinon des ambitions personnelles ou un soi-disant dévouement à la cause nationale. Et pour l'instant, on en est à des querelles d'écolier.

Choisir un candidat, à l'intérieur d'un camp, c'est choisir un programme et un profil psychologique. Parlons ici du profil psychologique. Il sera temps, plus tard, d'évoquer en long et en large les programmes.

Pour avoir été, pendant dix ans, le plus proche collaborateur d'un président de la République, mêlé à toutes ses décisions, associé à toutes les réunions et à toutes les procédures de l'Élysée, je crois pouvoir dire quelles qualités sont nécessaires pour exercer cette fonction si particulière. 

D'abord, un président n'est ni un ministre, ni un Premier ministre. Il incarne la Nation. Il doit d'abord penser à cette incarnation, à chaque instant, qui détermine tout. Il doit la vivre profondément. Il doit sans cesse songer à la trace de son action dans l'histoire de France, passée et future. 

Il doit avoir un caractère solide, une grande capacité de travail. Il doit s'habiller de façon élégante, s'exprimer dans un français sans faute ; parler parfaitement l'anglais et, si possible, une autre langue étrangère au moins. Il doit lire tous les jours la presse étrangère et connaître parfaitement les nouvelles technologies : un président qui ne saurait répondre lui-même à ses e-mails, envoyer un tweet ou naviguer sur Google serait aujourd'hui incapable de comprendre le monde.

Pas nécessaire d'avoir été ministre

Il doit aussi avoir une capacité à ne pas se mentir à lui-même, à garder un secret, à travailler en équipe mais à décider seul, sans le faire en fonction de ses intérêts propres ou de rancunes personnelles. Il doit être capable de ne pas se mêler des détails, de s'en tenir à de grandes directives, et de corriger les ministres seulement quand ils s'écartent de la ligne qu'il a tracée pour le pays. 

Il doit avoir encore une grande connaissance des sujets essentiels pour l'incarnation de la Nation: les problèmes militaires, financiers, éducatifs et sociaux. Il doit avoir une grille de lecture des événements qui nous attendent. Et en particulier des conséquences de la crise financière, qui ne peut manquer de revenir, et qui exigera des décisions nécessairement impopulaires. Il lui faudra être capable de créer un consensus avec l'opposition sur les grands sujets de défense et de finances publiques. 

Pour avoir ces qualités, un candidat à la présidence de la République ne doit donc pas nécessairement avoir été ministre. Au contraire même : cela pourrait fausser ses réactions, en le ramenant à des considérations de détail. Il lui faut sûrement avoir été élu local, même si, dans son nouveau rôle, il ne devra pas représenter les intérêts des communes, des départements ou des régions, mais ceux du pays tout entier. 

Une campagne pour une primaire n'est pas faite, par nature, pour révéler ces traits de caractère. Afin d'y parvenir, on ne saurait se contenter de petites phrases, de postures, de ralliements et de trahisons. Il faudra oser poser ces questions à chacun des candidats. 

Jacques Attali

 

 

Source : lexpress.fr, le 28 juin 2011

Possibilité réagir sur :

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/quelles-qualites-pour-un-president_1007233.html#xtor=AL-447

Courriel de jacques Attali : sec@attali.com

 

 

 

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Réaction de Daniel De Poli :

 

Monsieur,

 Je me permets de vous écrire car j'ai lu avec intérêt votre dernière chronique :

 Je souhaitais cependant faire une remarque concernant l'emploi de l'anglicisme e-mail. En effet, il serait plus correct d'utiliser courriel, largement répandu sur les sites internet français et employé quotidiennement dans la presse francophone internationale. Serait-il donc possible de l'employer également dans vos prochaines chroniques ? Cela améliorerait indéniablement la qualité de langue et aurait donné dans le cas présent la phrase suivante :

 « (...) un président qui ne saurait répondre lui-même à ses courriels, (...), serait aujourd'hui incapable de comprendre le monde. »

 L'anglicisme est à éviter dans tous les cas, ce pour plusieurs raisons :

 1) Il est condamné par tous les organismes traitant de la langue française, de l'Académie française à l'Office québécois pour la langue française. Même Le Petit Robert recommande de l'éviter (mention ANGLIC. devant sa définition).

 2) Il ne respecte aucunement les règles d'orthographe et de prononciation de notre langue car le préfixe « e- » n'existe pas en français et il devrait normalement rimer avec rail, bail ou émail, ce qui n'est pas le cas.

 3) Il fait double emploi avec courriel, qui est maintenant largement répandu dans les pays francophones d'Europe. À tel point que d'innombrables étrangers l'emploient également sur leurs versions en français, comme on peut le constater sur des dizaines de milliers de sites internet anglais et allemands :

 De même, il est faux d'écrire que parler parfaitement anglais est une qualité nécessaire à l'exercice de la présidence de la République. De nombreux dirigeants dans le monde ne parlent pas anglais et cela ne les empêche aucunement d'exercer leurs fonctions. On peut citer bien sûr Nicolas Sarkozy mais aussi Angela Merkel ou Vladimir Poutine. Parler des langues étrangères peut se révéler un atout mais n'est aucunement indispensable pour le président de la République française. D'autant plus que le poids géopolitique de l'anglais va décroître dans les années qui viennent au niveau mondial, et ce du fait de deux facteurs : tout d'abord, le Royaume-Uni risque fort d'éclater en 2014 suite au référendum annoncé des indépendantistes écossais (ces derniers ont obtenu début mai la majorité absolue au Parlement écossais). Cela fera disparaître la seule puissance anglophone d'Europe. Quant aux États-Unis, ils céderont dans quelques années la place de première puissance économique mondiale à la Chine, ce qui aura aussi des conséquences linguistiques. La pression de l'anglais au niveau international sera donc beaucoup moins forte.

 Bien à vous

 

 

 

Réaction de Régis Ravat :

 

Mais pourquoi le Président de la République devrait-il parler parfaitement l'anglais ?

Pour être sûr qu'il soit imbibé du mode de vie et de pensée des Anglo-Saxons ?

Pour qu'il aligne l'euro sur le dollar, qu'il soit partisan du Grand marché transatlantique et d'une fusion de l'Europe avec les États-Unis ?

Contentons-nous plutôt qu'il ait des idées en français pour la France et les Français, et souhaitons qu'il ne voie pas, comme vous, le monde dans le prisme réducteur de l'anglomania.

Qu'il remette notamment la France sur ses deux pieds, c'est-à-dire un pied en Europe et l'autre dans la Francophonie. La Francophonie, la grande oubliée du débat politique (pourquoi ?), une dame pourtant qui nous permet de maintenir notre langue sur le plan international, qui donne de l'avenir à notre langue (l'UNESCO prévoit 750 millions de francophones pour 2050, grâce aux Africains !) et qui nous permet, par conséquent d'éviter de nous aplatir devant les anglophones.

 

 



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