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La disparition du latin et du grec dans nos écoles est-elle programmée ?

Un des peuples les moins cultivés de la planète est le peuple étatsunien, même si une élite très minoritaire existe. Ce sont les citoyens étatsuniens les plus lucides qui font les premiers ce constat, avec beaucoup de sens critique, faits, chiffres et statistiques à l'appui.

Nous marchons donc sur leurs traces avec la disparition programmée du latin et du grec dans nos écoles.

Ceux qui nous gouvernent veulent transformer un peuple indiscipliné et qui a fait jadis bien des révolutions, en un troupeau de moutons de Panurge décervelés, incapables de réfléchir par eux mêmes et soumis aux « lois du marché » !

Et en plus, un enseignement au rabais, ça coûte moins cher !

Tout bénéfice pour les privilégiés hyper riches. On abrutit chaque jour un peu plus les citoyens et on gagne toujours plus de fric !

Si les socialistes de droite n' existaient pas, ils les inventeraient !

J.-L. C.

J'ai eu la chance de faire du latin jusqu'en terminale. J'ai pu découvrir avec joie les grands philosophes latins : Sénèque, Lucrèce, Tacite pour ne citer qu'eux. J'ai ri avec Pétrone et j'ai adoré Virgile. En classe, la bataille faisait rage entre les stoïciens et les épicuriens.

Tout ça pour dire que les philosophes antiques sont bien plus accessibles que les modernes pour un ado et que j'ai appris à penser et à ordonner ma pensée avec eux.

Faites du latin, ça rend moins con ! Alors non, ce n'est pas une matière inutile. Sauf si on veut faire de bons petits salariés obéissants, auquel cas, penser, évidemment, est totalement inutile.

SylvèneG

 

Qui veut la peau du latin au collège ?

Les annonces de Najat Vallaud-Belkacem sur la réforme du collège ont plongé dans l'inquiétude les professeurs de langues anciennes. Ils redoutent la disparition de l'enseignement du latin et du grec.

« Je suis latiniste. » La formule, sous forme de hashtag (mot-clé ou mot-clique), a commencé à fleurir dès mercredi, sur Twitter. Soit le jour même de la présentation par la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem de sa très attendue réforme du collège. Une réforme qui, aux yeux des professeurs de langues anciennes, signerait la mort du latin et du grec. Ont-ils raison de s'inquiéter ? 

#JeSuisLatiniste Nadia Vallaud-Belkacem m'a tuée ( et #jesuishelleniste)

Une discipline élitiste ?

Aujourd'hui, le latin est proposé aux élèves à partir de la classe de cinquième, à raison de 2 heures par semaine (3 heures hebdomadaires en quatrième et en troisième). C'est une option laissée au libre choix des jeunes, et (surtout) de leurs parents : elle vient donc « en plus » de l'emploi du temps classique du collégien. C'est donc un choix souvent déconseillé par les professeurs aux élèves « qui ont du mal », parce qu'il alourdit la charge de travail. 20% des collégiens suivent une langue ancienne au collège

Une option en plus, réputée ardue, qui a souvent laissé de mauvais souvenirs... Il n'en faut pas plus pour que les langues anciennes, latin comme grec, soient régulièrement accusées d'élitisme. Elles ne seraient choisies que par les bons élèves, et permettraient de créer des classes de niveau. 

Quo usque tandem abutere, @najatvb , patientia nostra ? Quam diu etiam furor iste tuus nos eludet ? #reformecollege #EPI #jesuislatiniste

Les langues anciennes bougent encore

« Le latin, élitiste ? C'est totalement faux », commente Marjorie Lévêque, professeure de latin et de grec en collège et lycée dans le département du Pas-De-Calais. Membre du collectif Arrête ton char, la professeure assure qu'elle ne compte pas que des premiers de la classe parmi ses élèves. Et d'ajouter : « Le latin tel qu'enseigné aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce qui était proposé il y a 15 ans. C'est une ouverture au monde, une culture en plus, qui facilite l'apprentissage des langues étrangères ». 

On enseigne le latin en France depuis des siècles ! Non à la mort des humanités, non à la mort du latin ! #jesuislatiniste @najatvb

Quant à la possibilité qu'offrirait le latin de constituer des classes de bons élèves, elle se heurte à une réalité : dans de nombreux collèges, les élèves « latinistes », même peu nombreux, sont répartis dans des classes différentes. Dans ces conditions, pourquoi vouloir sa peau ? 

De « l'option » à « l'enseignement pratique interdisciplinaire »

Contactée par L'Express, Florence Robine, Directrice générale de l'enseignement scolaire au ministère de l'Éducation nationale, se veut très rassurante : « Oui, la ministre a souhaité que le latin soit accessible à tous les élèves. C'est pourquoi les futurs programmes de français comprendront des éléments culturels et linguistiques latins, mais aussi grecs, pour éclairer la construction de la langue française ». 

Quid de l'option latin, à hauteur de 3 heures par semaine ? « Le latin ne sera plus une option proposée en plus des autres matières, mais l'un des nouveaux Enseignements pratiques transdisciplinaires (EPI) explique la numéro 2 du ministère. Mais un EPI un peu différent des autres car dérogatoire : contrairement aux autres EPI, l'EPI "Langues et civilsations de l'Antiquité'" pourra être suivi tout au long de l'année, et même jusqu'à la fin du collège, pour les élèves qui le souhaitent. Même chose pour l'EPI "Langues et cultures régionales." 

Séduire davantage d'élèves

L'intérêt du passage du statut d'option à celui d'EPI dérogatoire ? Aujourd'hui beaucoup de collégiens hésitent à « prendre le latin », car ils savent que cette option choisie en cinquième les engage jusqu'en troisième - avec la réforme, les élèves auront la possibilité d'arrêter les langues anciennes en changeant de niveau. Le ministère fait donc le pari que cette souplesse contribuera à augmenter le nombre d'adeptes des langues anciennes

La fin des langues mortes ne serait donc pas pour demain. Mais les discussions entre la ministre et les syndicats enseignants pouvant encore faire évoluer le champ et les limites de la réforme du collège, Abundans cautela non nocet, commenteront sans doute les professeurs de latin - soit « L'excès de prudence ne peut nuire »...

Sandrine Chesnel

Source : lexpress.fr, le 13 vendredi 13 mars 2015

 

Que peut-on gagner à perdre son latin ?

Revirement de dernière minute du ministère ? La Directrice générale de l’enseignement scolaire affirme que « le latin ne sera plus une option proposée en plus des autres matières, mais l'un des nouveaux Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) »[1], intitulé « Langues et culture de l’antiquité », au même titre que d’autres « thèmes de travail », comme le « développement durable » ou « information, communication, citoyenneté ».

Cette affirmation est-elle de nature à rassurer tous ceux qui veulent permettre à tous les élèves qui le souhaitent d’apprendre réellement le latin et le grec ancien ?

Elle s’oppose pourtant au dossier de presse du ministère[2] publié deux jours auparavant : « les collèges qui proposaient l’option facultative latin pourront l’inclure dans la matière complémentaire Langues et cultures de l’Antiquité ». Être inclus dans un enseignement et être un enseignement, ce n’est pas la même chose. Si le latin reste un enseignement, que ne garde-t-il son nom ? Et que devient le grec ancien ?

« Nusquam est qui ubique est »[3]

Mais voyons de plus près ce qu'est un EPI, cette « nouvelle façon d’apprendre et de travailler », selon le termes du ministère lui-même : « pratique » parce que « projet » (sic) sollicitant « l'expression orale, l'esprit créatif et la participation ». Et « interdisciplinaire » parce que « pris en charge par les enseignants de toutes les matières qu'ils sollicitent », lesquels « définissent en équipe les contenus des cours » : aucun programme n’est d’ailleurs prévu pour les langues anciennes dans les nouveaux programmes définis par le ministère. Plus grave : on apprend, une semaine plus tard,  que le principe même des EPI suppose que le professeur de lettres prennne sur ses heures de français... pour faire du latin !

Par ailleurs l'appellation « langues et cultures de l'antiquité », pour ronflante qu'elle soit avec ses deux pluriels, constitue pour les langues anciennes un enterrement de première classe : un petit peu de grec ancien, un petit peu de latin, le tout avec plein de « cultures » dont l’enseignement pourra facilement être dévolu à des professeurs d'autres disciplines, selon les nécessités de service de l’établissement, et dans un horaire qui pour l'instant n'est pas défini mais ne pourra lui-même qu'être inférieur à l'horaire des langues anciennes, puisque deux EPI par an représentent 3h de cours par semaine.

Bref un simulacre d’enseignement du latin et du grec ancien. Il s’agit bien de supprimer les options de langues anciennes sans le dire, en faisant croire à leur transformation et même à leur démocratisation.

Mais ne nous leurrons pas : la suppression des options de langues anciennes, inscrite depuis des années dans un long processus, permet avant tout au ministère (puisque leur enseignement entre désormais dans le tronc général) de substantielles économies : avec 335 000 collégiens latinistes ou hellénistes en France en 2010[4], ce sont des dizaines de milliers d’heures économisées d’un seul coup, presque l'équivalent des 4 000 postes promis comme « nouveaux moyens » pour mettre en place la réforme du collège !

Un symbole pour l’école

Mais au fond il y encore a plus grave : paradoxalement, les langues anciennes, qui marient la grammaire, le vocabulaire, la littérature, les arts, l’histoire, les sciences, la philosophie, représentent par excellence – et depuis toujours – le meilleur de l’interdisciplinarité, ce dogme des nouvelles pédagogies qui anime l’esprit de la nouvelle réforme du collège : mais une interdisciplinarité conçue bien différemment, qui ne soit pas factice, qui fasse vraiment sens et constitue une exigence de persévérance : celle d’un enseignement patient, structuré, rigoureux et ambitieux.

Sa suppression en dit long sur les vrais objectifs pédagogiques de la réforme du collège, à rebours de toutes ces exigences et animée par des considérations tout autres que pédagogiques.

Censément élitistes et « ségrégatives »[5], pour reprendre l’expression de la FCPE, les langues anciennes, celles-là même dont les humanistes de la Renaissance recommandaient la fréquentation assidue, sont le symbole d’une certaine conception de l’école et des disciplines scolaires au service d'une tradition, c'est-à-dire, au sens propre, de la transmission de la culture.

La disparition des humanités classiques est aussi, d’une certaine manière, celle de l’école.

Laisserons-nous faire ?

Écrit par Loys

[1] « L’Express » du 13 mars 2015 : « Qui veut la peau du latin au collège? » par Sandrine Chesnel.

[2] Ministère de l'Éducation nationale, « Collège : mieux apprendre pour mieux réussir » (11 mars 2015)

[3] Sénèque, Lettres à Lucilius, II : « Il n’est nulle part, celui qui est partout ».

[4] Rapport IGEN Rapport n°2011-098 « L’enseignement des langues et cultures de l’antiquité dans le second degré » (août 2011)

[5] Tribune de Paul Raoult de la FCPE et Maya Akkari de « Terra Nova » dans « Le Plus du Nouvel Obs » du 25 mai 2014 : « Échec scolaire : 140 000 élèves exclus du système. 10 idées pour réinventer le collège »

 Au sujet de la vidéo qui suit, une vidéo pour défendre les langues anciennes avec une bande-son en... anglais :

Défendre les langues anciennes avec une chanson en anglais, il fallait le faire !
Ces Messieurs et dames n'ont pas compris, apparemment, que supprimer les langues anciennes, c'est pour mieux angliciser le système éducatif. L'heure n'est plus aux Humanités, mais au consumérisme de type anglo-américain, il faut que nos jeunes speakent l'angliche, bouffent McDo, boivent Coca et, surtout, pensent à consommer plus qu'à penser. Défendre les langues anciennes en anglais, c'est comme défendre l'herbe folle, une bouteille de Roundup à la main. Pauvre France !


Sauvons les langues anciennes par loysbonod


Collège : vers la disparition du latin et du grec

De Loys Bonod

Né en 1975, je suis professeur certifié de lettres classiques et j'enseigne depuis presque 16 ans dans l’Éducation nationale, aujourd'hui dans un lycée parisien après plusieurs affectations dans des académies déficitaires et des collèges difficiles. 

Malgré les dénégations de la Directrice de l'enseignement scolaire, la nouvelle réforme du collège vise bien la suppression des options de langues anciennes, en faisant croire à leur démocratisation.

C'est donc officiel : les options de langues anciennes sont supprimées au collège.

Mais qu'on se rassure, explique la Directrice générale de l’enseignement scolaire : « le latin ne sera plus une option proposée en plus des autres matières, mais l'un des nouveaux Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) », intitulé « Langues et culture de l’antiquité », au même titre que d’autres « thèmes de travail », comme le « développement durable » ou « information, communication, citoyenneté », ce dont le latin et le grec ancien peuvent s'honorer.

Evidemment cette affirmation n'est pas de nature à rassurer tous ceux qui veulent permettre aux élèves d’apprendre réellement le latin et le grec ancien puisque ces EPI sont des « projets » fourre-tout, sans horaires, ni programmes, sollicitant « l'expression orale, l'esprit créatif et la participation » des élèves et « pris en charge par les enseignants de toutes les matières qu'ils sollicitent », lesquels « définissent en équipe les contenus des cours ». Bref un petit peu de grec, un petit peu de latin et le tout avec plein de « cultures » dont l’enseignement pourra facilement être dévolu à des professeurs d'autres disciplines, selon les nécessités de service de l’établissement.

Bref un simulacre d’enseignement du latin et du grec. Il s’agit bien de supprimer les options de langues anciennes sans le dire, en faisant croire à leur transformation et même à leur démocratisation.

Lire la suite sur le blogue Lutte des classes

Source : marianne.net, le lundi 16 mars 2015
Possibilité de réagir à cet article sur : http://www.marianne.net/agora-college-disparition-du-latin-du-grec-100232119.html

 

Sic transit gloria (Ainsi passe la gloire)

La réforme du collège condamne le latin et le grec ancien au motif qu'ils sont trop élitistes. La médiocrité est un combat ! 

J’avais sursauté la semaine dernière en découvrant que les « Langues et cultures de l’Antiquité » figuraient parmi les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), dernière invention fumeuse des pédagogues de la rue de Grenelle censée redonner aux élèves le goût d’apprendre. Il s’agit, rappelons-le, de faire réaliser aux collégiens des projets collectifs concrets autour de thèmes « correspondant aux enjeux du monde actuel ».  Que venait donc faire l’Antiquité dans cette galère ? Il n’a pas fallu 24 heures au corps enseignant pour découvrir le pot aux roses : il s’agit purement et simplement de tuer l’enseignement du latin et du grec ancien. 

Pourquoi tant de haine ? Est-ce pour faire plaisir aux collégiens qui ne seraient pas demandeurs de cours de latin/grec et se paieraient donc deux à trois heures de cours supplémentaires par semaine juste pour nous faire plaisir, à nous les parents ? Soyons sérieux ! Si près de 20% des collégiens apprennent une langue ancienne au collège, c’est peut-être, aussi, qu’ils ont quelques ambitions scolaires… 

La vraie raison, c’est que le latin et le grec ancien sont considérés par nos pédagogues comme « élitistes ». Il est vrai que ce sont les « bons élèves » qui font du latin et du grec : selon un rapport de l’Inspection de l’Education, les élèves qui choisissent latin en 5e n’ont généralement jamais redoublé et colonisent plus tard la filière S, voie royale pour les études supérieures scientifiques. Au collège, ils sont souvent regroupés dans de « bonnes classes ». De là à parler de classes de niveau… Quelle horreur ! 

En réalité, les langues anciennes sont une filière d’excellence. A telle enseigne que le latin et le grec ont été réintroduits dans certains collèges de ZEP ces dernières années pour améliorer le niveau, avec succès. Pour avoir fait ce choix exigeant et réussi à remonter la pente, le collège Paul-Eluard de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a été rayé de la carte des REP, le dispositif qui remplace les ZEP. La médiocrité est un combat ! 

Devant la colère des latinistes, la ministre a fait répondre que sa réforme visait au contraire à rendre le latin « accessible à tous les élèves » grâce aux fameux EPI. Bref, le latin pour tous. EPI = « Encore Pris pour des Imbéciles » ?

Sophie Roquelle (@SophieRoquelle)

Source : lopinion.fr, le lundi 16 mars 2015
Possibilité de réagir à cet article sur : http://www.lopinion.fr/blog/carnet-liaison/sic-transit-gloria-22333

 

Disparition du latin : rien n'est plus utile que les matières qu'on dit inutiles

Les vocations les plus brillantes et les inventions les plus fécondes sont nées de la fréquentation du latin et du grec, rappelle Anne-Sophie Letac.

Dans La Faculté de l'inutile, l'écrivain soviétique Youri Dombrowski décrit une société stalinienne où la faculté de droit est reléguée parmi les vieilleries du passé, et son enseignement considéré comme un ensemble d'arguties et de chicanes sans objet, par opposition à la vérité détenue par le Parti. À considérer la nouvelle réforme du collège qui devrait entrer en vigueur en 2016, force est de constater, mutatis mutandis bien sûr, qu'il existe dans notre pays pourtant démocratique un « collège de l'inutile ».

La ministre a fermement remanié le contenu du chaudron de l'éducation de masse, parcouru de bulles de contradiction explosives. Elle filtre les ingrédients d'une potion scolaire censée pacifier les mœurs relâchées, gommer la honte du classement Pisa, et amenuiser le taux de chômage des jeunes.

Dans un but de démocratisation, les « contenus plus réalistes » interdiront les classes européennes et bilingues trop élitistes, et les langues anciennes seront intégrées dans les cours de français, autant dire supprimées au profit d'une seconde langue vivante en cinquième. Utilitarisme, volontarisme sont les mots d'ordre de la réforme, leitmotiv épuisant depuis trente ans. La sentence des Shadoks « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, et plus on a de chances que ça marche» est aussi appropriée à l'Education nationale qu'à une usine de boulons gérée par le Gosplan. On serait tenté avec malice de voir dans les 20 % d'autonomie d'emploi du temps laissés aux collèges un avatar de la décentralisation décrétée en URSS par Khrouchtchev.

Est-il bien raisonnable de tuer une langue déjà morte, et qui plus est, optionnelle ? N'est-ce pas céder à « cette manie du rabaissement…

Il est vrai qu'entre recettes de cuisine au garum et coiffures de dames romaines, la déclinaison latine a bien décliné. Optionnel, le cours de latin est sans cesse menacé de désertion par un jeune public conscient qu'il suffit de baisser le pouce pour changer la donne. Pour l'amadouer, le professeur raconte bien la mythologie, mais, souvent, le public s'ennuie tout de même, surtout quand les parents ont choisi l'option de manière stratégique. On est loin de Julien Gracq qui rappelait en 2000 que «outre leur langue maternelle, les collégiens apprenaient jadis une seule langue, le latin. Moins une langue morte que le stimulus artistique incomparable d'une langue entièrement filtrée par une littérature». Loin aussi d'Antonio Gramsci, qui écrivait en 1932: «On n'apprenait pas le latin et le grec pour les parler, ou pour devenir domestique ou correspondant commercial. On les apprenait pour connaître directement la civilisation des deux peuples, qui constitue le présupposé nécessaire de la civilisation moderne, on les apprenait autrement dit pour être soi-même et se connaître soi-même consciemment» (textes compilés par Nuccio Ordine dans son Manifeste sur l'utilité de l'inutile).

Dans un souci de pragmatisme, laissons de côté l'argument quelque peu usé du latin comme fondement de la civilisation et comme racine culturelle et linguistique de l'Europe. Reste une question: est-il bien raisonnable de tuer une langue déjà morte, et qui plus est, optionnelle? N'est-ce pas céder à « cette manie du rabaissement… profondément française, pays de l'égalité et de l'anti-liberté » évoquée par ce pessimiste de Flaubert dans une lettre à Louise Colet en… 1852 ? En termes d'utilité, les économies faites sur les professeurs de langues anciennes privés de raison d'être sont minimes au regard de celles qu'engendrerait une gestion de qualité de l'informatique des établissements et l'abandon des logiciels achetés au rabais dans un esprit d'économie à courte vue. Bien inutiles aussi les « initiations au numérique », nouveau sésame de la connaissance, pratiquées sur un public plus averti que le professeur.

Méfions-nous enfin de l'inutilité des choses : Alan Turing a inventé l'informatique à Cambridge dans un univers peuplé de sciences et de langues anciennes. John Ronald Tolkien, passionné de philologie comparée, professeur de vieil anglais à Oxford, a engendré un tourbillon marchand de milliards de dollars en laissant imprudemment après lui Le Seigneur des anneaux, œuvre qu'il ne reconnaîtrait d'ailleurs probablement plus en cas de retour sur terre. Et, contrairement à une illusion collective, les mathématiques pures ne «servent» absolument à rien. Du moins pas plus que le latin, discipline de construction logique brillante, excellente pour le cerveau, dont on découvrira un jour qu'elle est à la maladie d'Alzheimer ce que le brocoli est au cancer du colon, qu'elle vaut tous les jeux de logique, toutes les gymnastiques de mémoire vendues sur Amazon. Il y a d'ailleurs fort à parier que tels les légumes oubliés, panais, topinambours et potimarrons, les langues anciennes ressortiront sur le marché, labellisées bio et très chèrement payées par des parents avisés.

« Une tyrannie sacerdotale est au fond de ces cœurs étroits. Il faut tout régler, tout refaire, reconstituer sur d'autres bases. Il n'est pas de sottise ni de vice qui ne trouve son compte à ces rêves. » Toujours Flaubert, toujours en… 1852.

*Agrégée d'histoire, professeur en classes préparatoires au lycée Lavoisier à Paris.

Anne-Sophie Letac, ancienne élève de l'École Normale supérieure, agrégée d'histoire, est professeur en classes préparatoires au Lycée Lavoisier et à Intégrale. Elle anime le blogue - La passoire et les nouilles.

Source : lefigaro.fr, le mardi 17 mars 2015

 

Apprentissage du latin et du grec : des racines qui délient les langues

Pour le magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole, l'apprentissage du latin et du grec, loin de s'opposer à notre conception du progrès lui donne sens. Il l'enrichit et fournit à la culture de l'immédiateté la profondeur d'une source originelle.

Les langues anciennes résistent à tout, et d'abord à leur mort prétendue.

Accusons leurs fossoyeurs pressés plutôt qu'elles-mêmes.

Devoir les défendre comme si elles constituaient un passif, une charge, alors qu'elles sont riches d'avenir et créatrices de cultures et de civilisations magnifiques est un comble. Qui révèle moins leur inutilité que le piètre niveau de notre société perdue dans une modernité oublieuse des repères fondamentaux. Des liens essentiels.

Entre le passé et aujourd'hui, entre les racines et le présent, entre le latin et le grec d'un côté et Internet de l'autre. Le paradoxe est que sur beaucoup de plans superficiels, on nous rebat les oreilles avec ce terme «racines » mais on occulte le fait qu'elles sont constituées d'abord par ces deux langues anciennes et leur assise culturelle et historique. Les racines invoquées sans cesse par le snobisme ignorant valent mieux que celles du savoir et de l'héritage.

Loin de s'opposer à notre conception du progrès un tantinet naïve, le latin et le grec lui donnent sens. Ils l'enrichissent et fournissent à la culture de l'immédiateté la profondeur d'une source originelle.

L'apprentissage des langues ­an­ciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour ­toujours

Entre ces langues fondatrices et la langue, la littérature française. La structure logique du latin, son vocabulaire, sa grammaire, son importance pour l'étymologie, la souplesse et la ductilité de la phrase pour le grec, la finesse des raisonnements et la sophistication des analyses ont directement créé, par une contagion bienfaisante, notre langue maternelle, quand elle est bien parlée et écrite, et irrigué nos grandes œuvres classiques et contemporaines. Sans eux qui ont été le terreau, la France et les pays européens seraient orphelins.

L'apprentissage des langues anciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour toujours.

Qu'on ne soupçonne pas ce constat irréfutable d'être élitiste alors qu'on sait qu'au collège, les enfants de troisième qui étudient le latin ont en moyenne trois points de plus en français que les autres et que l'histoire et la culture latines offrent, par exemple à de jeunes Maghrébins, l'opportunité de découvrir que leur pays a fait partie de l'Empire romain comme la Gaule.

Qu'on n'accable pas non plus ces langues anciennes en leur reprochant de faire l'admiration et d'avoir forgé la culture de «réactionnaires» quand tout démontre au contraire que leur caractère universel et l'humanité qu'elles recèlent sont aux antipodes d'une telle régression.

À rebours, je considère que la relégation du latin et du grec, non seulement par la gauche à cause d'un préjugé politique absurde mais, plus tristement, par la droite, provient sûrement d'une peur face à des citoyens rendus vigilants, critiques, aptes à la contradiction et à la dialectique grâce à eux. Éliminons ces matières dangereuses!

Les langues anciennes sont moribondes parce que la malfaisance veut les tuer. Il est indécent de s'arroger le droit de les défendre, comme si elles étaient coupables, alors que ce sont elles, à vie dans nos esprits et nos sensibilités, qui nous défendent contre le sommaire, le péremptoire, la bêtise, la pauvreté de la langue et la vulgarité de l'esprit.

Philippe Bilger

Source : lefigaro.fr, le mardi 17 mars 2015

Commentaire lié à la photo :  L'art oratoire à Rome et à Athènes était indissociable du succès politique, publique, social. Aussi son vocabulaire imprègne-t-il non seulement les nombreux discours d'éloquence judiciaire (ceux de Cicéron sont les plus célèbres), mais également la littérature.

Crédits photo : 46080321/Érica Guilane-Nachez - Fotolia

 

Moins de place pour les fondamentaux

Entretien avec Anne Coffinier

Najat Vallaud-Belkacem a dévoilé il y a peu sa nouvelle réforme du collège… Quelle première réaction ?

Cette réforme va malheureusement dans le mauvais sens. Il y a bien quelques idées intéressantes, mais vu comme elles sont enrobées, elles ne changeront rien en pratique. Par exemple, le fait que chaque collège pourrait définir 20 % de son emploi du temps : ce pourrait être une manière de responsabiliser les professeurs et de leur permettre d’adapter leurs enseignements aux besoins de leurs élèves. Mais on réalise que ces 20 % de « liberté » sont réservés aux « approches interdisciplinaires » : ils ne permettront pas de renforcer l’enseignement des matières fondamentales, ce qui est pourtant le plus urgent.

C’est donc une réforme qui conduit encore et toujours à réduire l’enseignement structuré et structurant, allant du simple au complexe, de manière explicite et systématique, au profit d’un enseignement décousu, sans exigence formelle et cohérence méthodologique, délivré au détour d’un thème ou d’un texte d’étude… On sait pourtant que la réduction constante des horaires alloués au français depuis 30 ans est la cause majeure de l’effondrement du niveau académique des écoles de France : c’est là-dessus qu’il faudrait insister, en réduisant le temps consacré aux matières « anecdotiques ».

Le niveau de français s’est effondré, mais cette réforme met l’accent sur l’apprentissage des langues étrangères…

Introduire une langue étrangère au CP et une seconde dès la 5e est complètement irresponsable. À l’heure où le délitement du français est si profond, il est absurde d’introduire l’apprentissage d’une langue étrangère l’année où l’enfant apprend justement à lire et à écrire ! Cela ne peut que créer des confusions dans l’association des phonèmes aux graphèmes. Par ailleurs, l’enseignement des langues obtenant des résultats notoirement médiocres en France, augmenter les heures ou les années n’y changera rien. C’est la méthode d’apprentissage qu’il faut modifier : se servir des logiciels d’apprentissage et des labos de langues, apprendre des textes par cœur et proposer une immersion régulière des élèves à l’étranger.

Cette réforme propose également l’introduction de l’informatique et du codage au sein des cours de… maths !

L’idée est bonne mais sous forme d’option confiée à des spécialistes, et sûrement pas au détriment du volume horaire consacré actuellement aux mathématiques. D’une manière générale, dès qu’on s’éloigne des matières fondamentales, il me semble que les enseignements doivent être optionnels, mais enseignés à haute dose et par des professionnels. La logique d’éveil ou de saupoudrage doit être abandonnée.

Cela pourrait également utilement combler le gouffre qui existe entre filières généralistes et professionnelles : il serait bon d’introduire ces matières (design industriel, arboriculture, ébénisterie) dans un cursus « normal », mais il faut que l’enseignement de cette option soit poussé. Cela aiderait les élèves à découvrir ce qui les intéresse et leur permettrait d’éviter l’orientation par défaut vers les filières techniques.

Même chose pour le latin et le grec introduits dans les cours de français, comme s’il y avait trop d’heures consacrées à l’apprentissage du français… D’abord, tout bon professeur de français le fait, au moins par l’étymologie et la mythologie. Mais le but réel du gouvernement est évidemment de supprimer, à terme, les cours distincts de latin ou de grec. C’est pourtant essentiel pour consolider sa compréhension de la grammaire et, plus largement, des finesses de la langue française.

Cette réforme incarne par excellence ce qu’est le nivellement par le bas. Une meilleure idée aurait pu être d’inciter à expérimenter l’apprentissage du latin comme une langue vivante. De nombreuses écoles le font à travers le monde avec succès.

Dès la 5e, des projets collectifs interdisciplinaires vont être proposés : encore une mesure qui risque de déstructurer l’enseignement et l’élève ?

Une catastrophe, puisque les élèves ont plus que jamais besoin d’un enseignement cadré. Mais c’est aussi une manière de neutraliser et mettre sous surveillance les bons professeurs. Ceux qui travaillent beaucoup, qui imposent des exigences élevées sont peu nombreux ; ils le font souvent dans l’indifférence, voire l’hostilité des autres professeurs et surtout de l’administration. Les forcer à coordonner leurs pratiques et cours avec d’autres professeurs permettra de les neutraliser, moyen idéal pour la rue de Grenelle d’anéantir toute résistance de l’intérieur, grâce à laquelle l’école publique tient encore pourtant…

De plus, huit thèmes sont imposés : pourquoi ne pas faire confiance aux professeurs tout à fait aptes à choisir ?

Parmi ces thèmes, le « développement durable », pour changer ! Il y a également « langues et cultures régionales et étrangères » : à quoi bon, alors que le rôle premier de l’école est l’enseignement de la culture française et occidentale, et particulièrement pour les enfants issues d’une culture étrangère !

Cette passion de l’Éducation nationale pour les approches thématiques libérées de tout ancrage chronologique ou disciplinaire a montré largement sa nocivité. On a voulu importer des démarches universitaires à l’école primaire et secondaire. Dans un monde qui regorge d’informations non hiérarchisées, les enfants n’ont pas besoin d’« ouverture sur le monde » mais d’apprendre à organiser et hiérarchiser cette surinformation. À vouloir brûler les étapes, on se retrouve finalement à devoir enseigner les bases du savoir et de la pensée à l’université !

Quelles conséquences ?

Plus on détruit le collège public, plus les « élites » en retireront leurs enfants pour les scolariser dans le privé ou à l’étranger : cette politique de destruction de l’enseignement secondaire provoque inévitablement une segmentation accrue de la société. Les élèves les moins favorisés sont justement ceux qui ont le plus besoin de fondamentaux et qui tirent le moins profit de ces enseignements disparates et anecdotiques. Par ailleurs, les professeurs n’en peuvent plus, de ces réformes à répétition qui entraînent confusion et démobilisation. Que l’Éducation nationale laisse donc les professeurs en paix et leur fasse enfin confiance ! Une réforme qui ne supprime pas le collège unique et qui ne renforce pas les horaires des matières fondamentales ne vaut pas qu’on se donne la peine de la mettre en œuvre !

Source : bvoltaire.fr, le mardi 17 mars 2015

 

L’enseignement du latin et du grec menacé par la réforme du collège

Les annonces de Najat Vallaud-Belkacem sur la réforme du collège ont plongé dans l’inquiétude les professeurs de langues anciennes. Ils redoutent la disparition de l’enseignement du latin et du grec [1].

Les tribunes de professeurs et d’anciens étudiants en lettres se multiplient. Tous dénoncent cet enseignement complémentaire « de Langues et cultures de l’Antiquité » qui, dans la réforme, devrait remplacer l’enseignement des langues grecque et latine par un verni culturel au prétexte de donner un enseignement plus large de l’antiquité. Perdre le latin, c’est avant tout perdre cette connaissance intime de notre histoire, de l’origine et de l’évolution de notre langue française. Tous soulignent que loin d’être élitiste, l’enseignement de latin et du grec est avant tout une filière d’excellence qui, même dans les ZEP, est accessible à tous les élèves et les forme à la rigueur du raisonnement et à l’esprit critique. En voici plusieurs extraits.

« Langues et cultures de l’Antiquité » : un enterrement de première classe

« Les collèges qui proposaient l’option facultative latin pourront l’inclure dans la matière complémentaire Langues et cultures de l’Antiquité ». Être inclus dans un enseignement et être un enseignement, ce n’est pas la même chose. Si le latin reste un enseignement, que ne garde-t-il son nom ? Et que devient le grec ancien ?

Mais voyons de plus près ce qu’est un EPI, cette « nouvelle façon d’apprendre et de travailler », selon le terme du ministère lui-même : « pratique » parce que « projet » (sic) sollicitant « l’expression orale, l’esprit créatif et la participation ». Et « interdisciplinaire » parce que « pris en charge par les enseignants de toutes les matières qu’ils sollicitent », lesquels « définissent en équipe les contenus des cours » : aucun programme n’est d’ailleurs prévu pour les langues anciennes dans les nouveaux programmes définis par le ministère.

L’appellation « langues et cultures de l’antiquité », pour ronflante qu’elle soit avec ses deux pluriels, constitue pour les langues anciennes un enterrement de première classe : un petit peu de grec ancien, un petit peu de latin, le tout avec plein de « cultures » dont l’enseignement pourra facilement être dévolu à des professeurs d’autres disciplines, selon les nécessités de service de l’établissement, et dans un horaire qui pour l’instant n’est pas défini mais ne pourra lui-même qu’être inférieur à l’horaire des langues anciennes, puisque deux EPI par an représentent entre 4h et 5h de cours par semaine.

Bref un simulacre d’enseignement du latin et du grec ancien. Il s’agit bien de supprimer les options de langues anciennes sans le dire, en faisant croire à leur transformation et même à leur démocratisation. [2]

Les langues anciennes : une interdisciplinarité rigoureuse

La suppression des options de langues anciennes, inscrite depuis des années dans un long processus, permet avant tout au ministère (puisque leur enseignement entre désormais dans le tronc général) de substantielles économies : avec 335 000 collégiens latinistes ou hellénistes en France en 2010, ce sont des dizaines de milliers d’heures économisées d’un seul coup, presque l’équivalent des 4 000 postes promis comme « nouveaux moyens » pour mettre en place la réforme du collège !

Mais au fond il y encore a plus grave : paradoxalement, les langues anciennes, qui marient la grammaire, le vocabulaire, la littérature, les arts, l’histoire, les sciences, la philosophie, représentent par excellence – et depuis toujours – le meilleur de l’interdisciplinarité, ce dogme des nouvelles pédagogies qui anime l’esprit de la nouvelle réforme du collège : mais une interdisciplinarité conçue bien différemment, qui ne soit pas factice, qui fasse vraiment sens et constitue une exigence de persévérance : celle d’un enseignement patient, structuré, rigoureux et ambitieux. [3]

Une filière d’excellence, même dans les ZEP

J’avais sursauté la semaine dernière en découvrant que les « Langues et cultures de l’Antiquité » figuraient parmi les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), dernière invention fumeuse des pédagogues de la rue de Grenelle censée redonner aux élèves le goût d’apprendre. Il s’agit, rappelons-le, de faire réaliser aux collégiens des projets collectifs concrets autour de thèmes « correspondant aux enjeux du monde actuel ». Que venait donc faire l’Antiquité dans cette galère ? Il n’a pas fallu 24 heures au corps enseignant pour découvrir le pot aux roses : il s’agit purement et simplement de tuer l’enseignement du latin et du grec ancien. [...]

Les langues anciennes sont une filière d’excellence. A telle enseigne que le latin et le grec ont été réintroduits dans certains collèges de ZEP ces dernières années pour améliorer le niveau, avec succès. Pour avoir fait ce choix exigeant et réussi à remonter la pente, le collège Paul-Eluard de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a été rayé de la carte des REP, le dispositif qui remplace les ZEP. [4]

Rien n’est plus utile que les matières qu’on dit inutiles

Dans La Faculté de l’inutile, l’écrivain soviétique Youri Dombrowski décrit une société stalinienne où la faculté de droit est reléguée parmi les vieilleries du passé, et son enseignement considéré comme un ensemble d’arguties et de chicanes sans objet, par opposition à la vérité détenue par le Parti. À considérer la nouvelle réforme du collège qui devrait entrer en vigueur en 2016, force est de constater, mutatis mutandis bien sûr, qu’il existe dans notre pays pourtant démocratique un « collège de l’inutile ». [...]

Dans un but de démocratisation, les « contenus plus réalistes » interdiront les classes européennes et bilingues trop élitistes, et les langues anciennes seront intégrées dans les cours de français, autant dire supprimées au profit d’une seconde langue vivante en cinquième. Utilitarisme, volontarisme sont les mots d’ordre de la réforme, leitmotiv épuisant depuis trente ans. La sentence des Shadoks « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, et plus on a de chances que ça marche » est aussi appropriée à l’Education nationale qu’à une usine de boulons gérée par le Gosplan. [5]

Une peur face à des citoyens rendus vigilants et critiques par l’étude ?

Entre ces langues fondatrices et la langue, la littérature française. La structure logique du latin, son vocabulaire, sa grammaire, son importance pour l’étymologie, la souplesse et la ductilité de la phrase pour le grec, la finesse des raisonnements et la sophistication des analyses ont directement créé, par une contagion bienfaisante, notre langue maternelle, quand elle est bien parlée et écrite, et irrigué nos grandes œuvres classiques et contemporaines. Sans eux qui ont été le terreau, la France et les pays européens seraient orphelins. [...]

Qu’on ne soupçonne pas ce constat irréfutable d’être élitiste alors qu’on sait qu’au collège, les enfants de troisième qui étudient le latin ont en moyenne trois points de plus en français que les autres et que l’histoire et la culture latines offrent, par exemple à de jeunes Maghrébins, l’opportunité de découvrir que leur pays a fait partie de l’Empire romain comme la Gaule.

Qu’on n’accable pas non plus ces langues anciennes en leur reprochant de faire l’admiration et d’avoir forgé la culture de « réactionnaires » quand tout démontre au contraire que leur caractère universel et l’humanité qu’elles recèlent sont aux antipodes d’une telle régression.

À rebours, je considère que la relégation du latin et du grec, non seulement par la gauche à cause d’un préjugé politique absurde mais, plus tristement, par la droite, provient sûrement d’une peur face à des citoyens rendus vigilants, critiques, aptes à la contradiction et à la dialectique grâce à eux. [6]

Le latin comme langue vivante ?

Sans abandonner l’étude rigoureuse de la morphologie et la connaissance intime des auteurs anciens directement dans le texte, et non simplement à travers des traductions, pourquoi, plutôt que de vouloir à tout prix élargir les élèves potentiels en réduisant les attentes et le niveau d’enseignement du latin, ne pas inciter à expérimenter l’apprentissage du latin comme une langue vivante, comme cela se fait dans d’autres pays ? [7]


[1L’Express, Qui veut la peau du latin au collège ? , 13 mars 2015

[2La Vie Moderne, Que peut-on gagner à perdre son latin ?, 13 mars 2015

[3Marianne, Collège : vers la disparition du latin et du grec , 16 mars 2015

[4L’Opinion, « La réforme du collège condamne le latin et le grec ancien au motif qu’ils sont trop élitistes. La médiocrité est un combat ! », 16 mars 2015

[5Le Figaro, Disparition du latin : rien n’est plus utile que les matières qu’on dit inutiles, 17 mars 2015

[6Le Figaro, Apprentissage du latin et du grec : des racines qui délient les langues, 17 mars 2015

[7] Ce que propose par exemple Anne Coffinier dans un entretien accordé à Boulevard Voltaire : « Réforme du collège : toujours moins de place pour les fondamentaux ! », 17 mars 2015

Source : lerougeetlenoir.org, le mardi 17 mars 2015

 




Publié par Régis RAVAT le 25 mars 2015

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