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Francophones de tous les pays, unissons-nous !

À l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, célébrée le 20 mars, Pouria Amirshahi a lancé un appel pour que la langue française soit défendue et célébrée comme « un trait d'union à grande échelle humaine ».

Ex-député des Français de l'étranger, Pouria Amirshahi a été rapporteur de la mission d'information sur « la francophonie : action culturelle, éducative et économique ».

 

 

Un indestructible trait d'union à grande échelle humaine

Le monde voit de plus en plus s'affirmer des espaces géoculturels autour de langues centrales, devenues désormais outils d'influence positive et en phase avec le plurilinguisme que menace parfois le tout-globish. Ainsi les arabophones, principalement par de grand médias de télévision, les lusophones par une démarche académique d'harmonisation autour du brésilien,  les hispanophones via une stratégie économique à laquelle s'associe pleinement l'Espagne … tous ont développé une stratégie singulière consolidant tout à la fois un sentiment d'appartenance et une communauté d'intérêts.

Les francophones tardent encore sur ce chemin, qui pourrait voir s'unir un premier cercle de pays volontaires autour d'un projet refondé et concret, qui tourne le dos au vieux monde qui faisait rimer francophonie avec colonies.

Pourquoi, par exemple, ne pas envisager la convergence des contenus éducatifs, allant jusqu'à des co-diplomations, ou encore le lancement d'une véritable revue scientifique francophone internationale digne de ce nom ou bien des accords pour promouvoir normes et brevets dans notre langue plutôt qu'en anglais ?

Ne pouvons-nous pas construire ensemble une grande vision industrielle (par exemple autour des énergies renouvelables) adossée à des formations d'ingénieurs, techniques ou professionnelles en français ?

Enfin, aurons-nous l'audace de faciliter la mobilité des personnes en instaurant un visa francophone pour, dans un premier temps, les artistes, les scientifiques, les chercheurs, les chefs d'entreprises, voire un Erasmus pour les étudiants de langue française du monde entier ?

Quelle meilleure réponse aux replis identitaires à l'œuvre que cette alliance de cultures différentes autour d'une même langue ? Quel plus beau projet, en effet, que cette rencontre des noirs et des blancs, des maghrébins et des latins, des américains et des européens belges, suisses, etc. ? Nous avons d'ailleurs tout autant, voire plus, de liens communs avec eux qu'avec d'autres pays, y compris européens.

Au-delà même d'une nouvelle ambition internationale partagée, c'est aussi pour nous, Français, un enjeu national intérieur que de relever ce défi francophone. Imaginons un instant demain, le bac français en poche, ayant appris notre langue non plus seulement à travers Rabelais, Balzac, Camus, mais aussi grâce à Condé, Hampaté Ba, Senghor, Khadra, Maalouf, Djebar…

Quelle fierté, alors, pour les enfants héritiers de l'immigration post-coloniale de voir leur pays, la France, intégrer au patrimoine national une part d'eux-mêmes, une part de leurs identités singulières ! Et quel meilleur moyen pour déconstruire ces préjugés qui persistent et nous pourrissent, chez ceux  qui font encore croire que notre nation est faite d'un seul bloc occidental, chrétien et blanc.

Alors on cessera d'aimer ou de détester la langue française pour ce qu'elle n'est pas : "la plus belle du monde" (quelle insulte à toute les autres), "la langue des droits de l'homme" (comme si ceux-ci ne s'écrivaient pas aussi en arabe, chinois et persan). Nous l'aimerons pour ce qu'elle est : un indestructible trait d'union à grande échelle humaine. Voilà un défi digne d'une ambition… présidentielle.

PAR POURIA AMIRSHAHI

 

La Francophonie peut être à double tranchant !

- Colonialiste, comme l'estime E. Glissant (cité plus haut), souvent afin de servir les intérêts économiques de multinationales (comme l'écrit ci-dessus G. Pouillart.)

- Ouverte et progressiste, comme P. Amirshahi la défend.

Dans un contexte d'expansion de l'anglais, la première voie tend à disparaître. Bouygues, Vinci, Total et les autres multinationales ne se préoccupent déjà plus de la langue française: ils fonctionnent en anglais partout dans le monde, y compris en France. En politique aussi, Monsieur Macron a récemment tenu à parler anglais à Berlin.

Si nous suivons cette voie, nous nous rapprochons d'une forme de monolinguisme mondial : chaque pays possèdera sa ou ses langues (comme des patois), mais n'utilisera que l'anglais dans ses échanges avec l'étranger. Cela appauvrirait considérablement la diversité culturelle mondiale. Contrairement à ce qu'affirme G. Pouillart, le plurilinguisme serait de plus en plus rare.

La voie progressiste ne peut donc s'inscrire que dans une perspective plurilingue : en France, en multipliant les langues enseignées (y compris le turc et l'arabe, que les racistes haïssent) ; à l'échelle européenne et mondiale, en oeuvrant pour que les gens puissent s'exprimer et travailler dans leur langue.

C'est aussi, en France, un moyen parmi d'autres pour en finir avec le mépris dans lequel notre pays tient les autres pays francophones du monde. Les Sénégalais et les Haïtiens regardent nos films et lisent nos auteurs; mais nous préférons les films et les livres anglo-saxons, et tournons ainsi le dos à ceux qui nous regardent le plus attentivement, au profit des États-Unis qui nous regardent eux-mêmes de haut.

Il ne s'agit évidemment pas de mépriser l'anglais ; mais que l'anglais ne soit qu'une langue parmi d'autres, et que sa culture et son management cessent de tout dominer.

Privilégier la voie progressiste nécessite toutefois d'éviter que la France domine les institutions de la francophonie. Cette mainmise a amené l'Algérie à refuser d'y adhérer, tout en considérant le français, selon les mots de Kateb Yacine, comme un "butin de guerre" de la colonisation.

Il importe aussi, comme le dit bien P. Amirshahi, d'ouvrir plus fortement nos frontières à ceux qui viennent en France logiquement (par une logique de l'illusion, en partie : la France fait miroiter ses charmes aux Maliens et aux Tunisiens, mais les rejette quand ils arrivent) : les étudiants bien sûr, les scientifiques et les artistes - mais pas seulement. C'est une question de décence.

Cette francophonie-là, en somme, ne peut exister que dans une perspective de gauche, d'ouverture vers les pays du Sud, sans rien imposer, dans un esprit de diversité culturelle à l'échelle mondiale, sans qu'aucune langue ou culture - ni l'anglaise ni la française, en particulier - ne se prétende supérieure à aucune autre.

Les propositions de P. Amirshahi ne changeraient pas la face du monde ; elles peuvent être jugées insuffisantes ; mais elles n'engendreraient sans doute que des progrès, et ne nuiraient réellement qu'aux grands patrons de multinationales.

Commentaire de PIERRE-CÉCILE

Source : blogs.mediapart.fr, ​le dimanche 19 mars 2017

 

 




Publié par Régis RAVAT le 21 mars 2017

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