MAROC La langue de Molière en difficulté La langue française serait-elle en recul au Maroc ? s'interroge La Gazette du Maroc, qui a réalisé une enquête auprès des écoles et universités du royaume chérifien pour tenter de répondre à cette question. « Personne ne peut nier le fait que l'ancienne génération maîtrisait mieux la langue française que la nouvelle », constate La Gazette du Maroc http://www.lagazettedumaroc.com/articles.php?r=7&n=354, qui ne cache pas son étonnement car „le français est plus qu'une deuxième langue au Maroc puisqu'il représente avant tout la langue des affaires. En effet, la France est le premier client et fournisseur du royaume. Pourtant, du primaire à la terminale, la plupart des élèves parlent un très mauvais français.L'apprentissage de la langue française commence à partir de la troisième année du primaire, mais le volume horaire (huit heures par semaine) réservé actuellement à cet enseignement ne permet pas aux élèves d'acquérir une bonne maîtrise de la langue. Qui plus est, déplore l'hebdomadaire, les heures programmées ne sont malheureusement pas accordées uniquement à la langue française, d'autres matières sont enseignées pendant ce temps, comme les mathématiques qui sont enseignées en arabe. « À noter que la langue française est professée elle-même en arabe durant les trois premières années et rares sont les instituteurs qui parlent français pendant l'horaire programmé pour la deuxième langue », précise La Gazette avant de rappeler que « l'arabisation du programme scolaire a été parmi les objectifs de la réforme apportée à l'enseignement durant les années 70 ». Les nouvelles réformes introduites par la Charte nationale de l'éducation à l'enseignement primaire, et qui prévoient dès la deuxième année du primaire une initiation de 90 minutes à la langue française, ont été appliquées dans 40 % seulement des écoles publiques, signale l'hebdomadaire. Toujours est-il que l'enfant, à sa sortie du primaire, est incapable de communiquer en français. Selon les instituteurs, « la plupart des élèves ne pratiquent jamais, le seul espace où ils ont la chance de parler français est la classe. Ainsi, l'enfant se contente de ce qu'il apprend à l'école, ce qui est loin d'être suffisant si ce n'est pas renforcé par d'autres activités comme la lecture et surtout la pratique. La majorité des parents sont des arabisants et n'assurent pas un suivi pour vérifier si l'enfant a bien assimilé ses cours et fait ses devoirs. Souvent, l'enfant est démotivé. Et, au fil des années, du collège au lycée, les choses ne s'améliorent pas. Au collège, on assiste même à une baisse des heures dédiées à l'enseignement du français. « Selon le ministère de l'Éducation nationale, cette baisse est provisoire et serait due au manque de professeurs », poursuit La Gazette, avant de préciser qu'au lycée les heures consacrées à la langue de Molière varient selon la branche choisie. Même constat de recul à l'université où les départements de la langue française sont ceux qui connaissent le plus faible effectif d'étudiants. En outre, relève l'hebdomadaire qui cite une étudiante en troisième année d'économie, ne pas être francophone devient un handicap quand on arrive dans les études supérieures, et ce, quelle que soit la discipline choisie : « En première année, j'ai eu d'énormes difficultés à suivre le cours parce qu'à ma surprise toutes les matières économiques étaient enseignées en français contrairement au primaire, collège et lycée où nous avons tout appris en arabe, y compris les matières scientifiques, et je crois que je n'étais pas la seule à avoir ce problème. Excédée, la jeune étudiante ajoute : « Je veux juste comprendre pourquoi on a arabisé tout le programme de l'enseignement primaire et secondaire et qu'on s'est arrêté à la dernière année de baccalauréat. Est-ce que cela ne serait pas une pure contradiction ? Pour Larbi Kabiri, professeur d'économie à la faculté d'économie de Casablanca, ce n'est pas une question de système d'éducation. Il s'agit d'un problème plus grave. Nos jeunes Marocains ne lisent plus. L'année dernière, je me suis juré d'offrir, gratuitement, un abonnement annuel à un journal à celui que je trouverai en train de lire un journal dans la cour de la fac, et je vous assure que personne ne portait un journal, même en arabe. Un constat confirmé par Mohamed Zakaria, gérant de la librairie Livre et service, à Rabat, qui affirme : « La vente d'ouvrages littéraires représente un faible pourcentage dans le chiffre d'affaires et la vente de romans classiques connaît actuellement une chute vertigineuse. Les jeunes, qui ont un faible pouvoir d'achat, ne représentent d'ailleurs que 15 % des clients. Mais le témoignage le plus parlant, et qui dévoile la complexité de la question, reste celui de Gérard Mariau, proviseur du lycée Descartes < http://www.lycee-descartes.ac.ma/>, le plus ancien des lycées des missions culturelles au Maroc. « À l'évidence, le programme des missions françaises est plus performant que celui des écoles publiques », relève La Gazette, en soulignant que depuis l'ouverture, en 1963, du lycée Descartes qui accueille les enfants dès la sixième, plusieurs milliers d'élèves ont pu décrocher un baccalauréat français. En effet, dans ce lycée, les programmes d'enseignement sont conformes à la préparation des diplômes et concours français. Ils sont conçus sur la base d'un travail de coopération entre la France et le Maroc. Ainsi, l'arabe est enseigné au lycée Descartes, le biculturalisme et l'international étant un volet important du projet de l'établissement, mais pas au même niveau que le français qui est le vecteur permanent de l'enseignement aussi bien pour l'apprentissage que pour l'accès aux connaissances ; le français est aussi l'instrument qui permet de s'ouvrir sur les aspects culturels au lycée, explique Gérard Mariau. Résultat : les élèves du lycée Descartes maîtrisent le français mieux que l'arabe, leur langue maternelle.HS © Courrier international
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L’agonie de la langue française au Maroc YOUSRA AMRANI
Qu’en
est-il de l’utilisation de la langue française au Maroc ? Serait-elle
en perte de vitesse même parmi les jeunes Marocains qui suivent leurs
études secondaires et supérieures?
La langue française serait-elle en recul au Maroc ? En tous cas, personne ne peut nier le fait que l’ancienne génération maîtrisait mieux la langue française que la nouvelle. Pourtant, le français est devenu plus qu’une deuxième langue au Maroc puisqu’il représente avant tout la langue des affaires, dans la mesure où la France demeure le premier client et fournisseur du Royaume. Cela suppose donc que nos diplômés marocains maîtrisent la langue de Voltaire pour pouvoir répondre aux exigences du marché. Or, la plupart de nos étudiants et élèves sont loin d’être capables de parler cette langue, alors que dire de la maîtriser ! La majorité des 40 élèves de 6e année primaire (appartenant à différentes écoles) que nous avons interrogés pour les besoins de cette enquête, ne savaient pas ce que voulait dire « maîtresse » en arabe ! Et lorsque nous leur avons expliqué que cela voulait dire « enseignante », un élève s’exclama « mais moi je croyais que “Oustada” était “madame” en français a! » Nous leur avons donc posé la question différemment en leur demandant ce qu’ils savent dire en français et à notre déception, les enfants ne savaient pas formuler une seule phrase correcte en français ! Les plus brillants répétaient des phrases toutes faites comme « Ali mange une banane » ou bien « maman prépare le repas ».Les autres ne se « rappelaient » que quelques mots comme carotte ou banane !
Ce qui est plus grave, c’est que nous nous sommes trouvés dans la même
situation mais cette fois en abordant des élèves de la classe
terminale, c’est-à-dire de la dernière année préparant au
baccalauréat. La plupart parlait un très «amauvais
» français. Mais
paradoxalement quelques rares étudiants maîtrisaient très bien la
langue et étaient capables de s’exprimer aisément en français.
Ibrahim étudiant en 3e année secondaire et brillant élève en français
a évoqué plusieurs raisons : « pour moi c’est différent, tout le
monde parle français à la maison. En plus, mes parents avaient étudié
en France. Et je suivais des cours du soir à l’Institut français, donc
j’étais amené à parler tout le temps français. Cela a amélioré mon niveau,
c’est sûr…» Mais si Ibrahim a eu cette chance d’être né dans une famille qui parle la langue de Voltaire avec les moyens d’intégrer un établissement scolaire français, cela n’a pas été malheureusement le cas pour la plupart de nos étudiants. Le volume des horaires réservé à la langue française actuellement ne peut leur permettre une bonne maîtrise de la langue. La tranche horaire programmée normalement pour le cycle du primaire est de 1024 heures, soit 280 heures par niveau, soit huit heures par semaine à partir de la troisième année du primaire. Année qui marque le début de l’apprentissage de la deuxième langue. Les nouvelles réformes apportées cette année par la Charte nationale de l’éducation à l’enseignement primaire et qui prévoyaient une initiation de 90 minutes à la langue pour les élèves de la deuxième année ont été appliquées dans 40% seulement des écoles publiques. Ainsi, en attendant l’entrée en vigueur des modifications apportées, les élèves continuent à suivre l’ancien programme. Seulement, les huit heures programmées dans l’ancien système ne sont malheureusement pas accordées uniquement à la langue française, d’autres matières sont enseignées pendant ce temps comme les mathématiques qui sont enseignées en arabe. À noter que la langue française est professée elle-même en arabe durant les trois premières années et rares sont les instituteurs qui parlent français pendant l’horaire programmé pour la deuxième langue. Certains de ceux que nous avons abordés ont expliqué cela par le faible niveau des élèves.
En effet l’apprentissage de la langue française ne commence qu’en
troisième année primaire. C’est l’année où l’élève apprend
à prononcer les premières lettres d’une nouvelle langue et essaie
d’acquérir les notions de base. Selon les instituteurs, l’élève
serait incapable de communiquer en français durant les trois années
qui suivent, puisqu’il serait encore en train d’apprendre les
principes de la langue. « La plupart des élèves ne pratiquent jamais
la langue, le seul espace où ils ont la chance de parler français est
la classe. L’entourage joue un rôle très important. La majorité
des parents sont des « arabisants ». Par conséquent, l’élève ne
trouve pas un cadre adéquat pour pratiquer la langue. Ainsi l’enfant
se contente de ce qu’il apprend à l’école, ce qui malheureusement
est loin d’être suffisant s’il n’est pas appuyé par d’autres
activités comme la lecture et surtout la pratique de la langue. Car en
réalité, la langue française est très difficile. Ainsi cette
difficulté démotive l’enfant et le conduit des fois à tout lâcher.
Et c’est là qu’intervient justement le rôle des parents pour
garantir un suivi et s’assurer que l’enfant arrive à assimiler
convenablement les cours. Or, rares sont les élèves qui bénéficient
de l’attention des parents. La plupart de mes élèves passent tout
leur temps devant la télévision. Par conséquent, ils ne font pas
leurs devoirs. « Alors comment voulez-vous que je leur demande de lire des
livres de plus ! », s’exclame Leïla, une jeune institutrice âgée de
23 ans… Au collège la situation est moins satisfaisante. Le programme de la première année de collège prévoit 6 heures de français par semaine c’est-à-dire une réduction de deux heures de français par rapport à ce qui a été programmé pour les années du primaire. L’éventail horaire programmé pour les trois années de collège est de 576 heures soit 198 heures par an. Cela dit, le volume horaire reste le même pour les trois niveaux du secondaire !
Au lycée les choses sont loin de s’arranger, le programme qui était
appliqué jusqu’à l’année dernière prévoyait une baisse du
volume des horaires selon la branche choisie. Ainsi les élèves de la
branche littéraire avaient droit à 5 heures de français pendant les
trois ans du lycée soit 480 heures au total. Alors que ceux des
branches scientifiques ne bénéficiaient que de quatre heures de français
par semaine en première année du lycée puis de trois heures par
semaine durant les deux dernières années du terminal ce qui fait au
total 320 heures pour trois ans. Pourtant certaines classes bénéficiaient
de 7 heures de français par semaine, il s’agissait des classes
« option langue » qui ont été créées en 1998 et qui représentaient
une première expérience qui visait à donner une formation spécialisée
en langue à un nombre restreint d’élèves (une classe par ville) en
vue d’une généralisation ultérieure de l’expérience en cas de réussite.
En effet, l’expérience a réussi dans la mesure où elle a permis aux
élèves de ces classes pilotes une meilleure maîtrise de la langue.
Les lauréats de la première promotion de 2000 actuellement dans différents
instituts et écoles avouent être chanceux d’avoir bénéficié de
cette formation. En effet, cette première expérience réussie a poussé le ministère de l’Éducation nationale à généraliser le programme qui était destiné exclusivement à ces classes. Il n’empêche que les nouvelles réformes apportées ont réduit curieusement encore les heures programmées pour la langue française ! Alors que les élèves des branches scientifiques ont pu bénéficier d’une augmentation d’une heure, renforçant ainsi le volume des horaires pour le porter à 408 heures au lieu de 320 heures au bout de trois ans. Les étudiants de la branche littéraire qui normalement sont supposés bénéficier d’une augmentation dans le volume des heures de français et d’un programme plus renforcé pour pouvoir maîtriser la deuxième langue ont été privés d’une heure encore ! Ainsi au lieu d’avoir cinq heures de français par semaine, les élèves de la branche littéraire ne font désormais que quatre heures à partir de cette année, soit 72 heures de moins. Le ministère de l’Éducation nationale a justifié cette baisse par le manque de professeurs de français. La réduction du nombre d’heures a été considérée également comme une décision provisoire qui vise l’application du programme de la charte nationale en septembre 2000 et l’ajustement de l’enveloppe d’heures de la deuxième langue (le français) avec la troisième langue étrangère qui peut être l’anglais, l’espagnol, l’allemand ou l’italien … Ainsi la charte prévoit 433 heures de français pour les trois années de baccalauréat soit une augmentation d’une demi-heure par semaine avec la rentrée de 2004. Même enveloppe prévue pour la troisième langue. Il reste que les 4 heures 15 minutes prévues pour les trois prochaines années pour le cycle secondaire resteront insuffisantes pour la maîtrise de la langue sachant que toutes les autres matières sont enseignées en arabe y compris les matières scientifiques comme les mathématiques, la physique et les sciences naturelles. L’arabisation du programme a été parmi les objectifs de la réforme apportée à l’enseignement durant les années soixante-dix. La réforme visait également la marocanisation des cadres, la généralisation et la gratuité de l’enseignement.
Ainsi l’arabisation du programme était intervenue suite à la
constitution d’un comité national en 1979 par Azeddine Laraki le
ministre de l’éducation nationale à l’époque. Ce comité qui a été
présidé par le Dr Mohamed Akar, directeur de la formation des cadres
à l’époque, était chargé de réaliser un rapport sur la situation
de l’enseignement, du primaire au secondaire, ainsi que sur les
programmes et la pédagogie de l’enseignement des matières
scientifiques. Ainsi, après une étude de quatre ans ( de 1976 à
1980), durant lesquels le comité a examiné l’évolution du programme
et les matières enseignées, la formation des cadres et les méthodes
de l’enseignement, le comité a conclu que les programmes des matières
scientifiques du primaire sont loin d’être adaptés à ceux du
secondaire. En ce qui concerne les mathématiques, il a été décidé
de changer tous les programmes à partir de la troisième année du
primaire parce qu’ils ne répondaient pas à l’objectif principal :
la formation d’un esprit cartésien. Autre changement crucial :
l’arabisation d’abord des matières scientifiques puis des autres
matières.
La réforme qui avait commencé en 1981 a touché tous les niveaux
jusqu’en terminale. Ainsi, la langue française est devenue au fil des
années une langue étrangère comme les autres langues secondaires. Une
situation qui s’est répercutée sur l’enseignement du français à
l’université. Actuellement, les départements de la langue française
sont ceux qui connaissent le plus faible effectif d’étudiants. Selon
El Hanni, chef du département de langue et littérature françaises de
l’université Mohammed V Agdal, cela revient toujours au faible niveau
des étudiants de la branche littéraire qui préfèrent choisir des
langues plus « faciles » pour augmenter leur chance de réussite ou
« carrément » commencer de nouvelles spécialités qu’ils
n’avaient jamais suivies dans le secondaire comme le droit ou encore
la psychologie…En effet, le nombre d’étudiants inscrits l’année
dernière à la faculté des lettres et de sciences humaines de
l’université Med V Agdal n’a pas dépassé 270 étudiants, soit le
quart du nombre des étudiants qui sont inscrits au département de la
langue anglaise ! La situation est plus grave quand on sait que parmi
les 270 étudiants qui se sont inscrits en première année 36 seulement ont
réussi soit 5% et que 12 étudiants seulement ont réussi à décrocher leur
licence l’année dernière, cela pour les deux classes de littérature
et de linguistique. Aux facultés des sciences là encore les choses
sont loin de s’arranger. La plupart des étudiants de spécialité
scientifique trouvent d’énormes difficultés à suivre le rythme des
cours. Asmae, étudiante en troisième année d’économie à la faculté
des sciences juridiques, économiques et sociales, raconte son expérience
en première année : « j’ai eu d’énormes difficultés à suivre
le cours parce qu’à ma surprise toutes les matières d’économie étaient
enseignées en français contrairement au primaire, collège et lycée où
nous avons tout appris en arabe y compris les matières scientifiques,
et je crois que je n’étais pas la seule à avoir ce problème.
Presque toute la promotion avait les mêmes difficultés. Le programme
que nous avions durant les années de la fac suppose que nous maîtrisions
très bien la langue. Or les trois heures par semaine que nous faisions
en première année du lycée étaient loin de nous permettre de parler
cette langue. Même les cours de traduction que nous avions suivis étaient
insuffisants. En général, nous apprenions les termes scientifiques,
mais aucune importance n’a été accordée à la communication et à
l’expression orale durant le programme du primaire ni même du
secondaire, ce qui a fait que la plupart d’entre nous ont du mal à
s’exprimer et à communiquer avec les professeurs. Ce qui est plus
grave, c’est qu’à la faculté on accorde une grande importance à la
maîtrise de la langue puisque ce sont les résultats des examens oraux qui
décident de notre réussite ou échec. Sans parler bien entendu de
l’importance de l’expression écrite qui décide également de notre sort. » Asmae ajoute :
« moi je veux juste comprendre pourquoi on a
arabisé tout le programme de l’enseignement primaire et secondaire et
qu’on s’est arrêté à la dernière année de baccalauréat. Est-ce
que cela ne serait pas une pure contradiction ? ». Hanane, étudiante en
première année à la même faculté vit le même problème : « cette
année une nouvelle matière intitulée “Langue et communication” a
été ajoutée au programme pour nous permettre de pratiquer la langue
et de parler le français en classe. Mais je ne crois pas que ce sont
ces deux heures de français par semaine qui vont nous permettre de maîtriser
la langue… je crois que la réforme doit être radicale !
», s’exclame Hanane. En effet, rares sont les étudiants de facultés
scientifiques qui parlent la langue de Voltaire. Selon Larbi Kabiri,
professeur d’économie à la faculté d’économie à Casablanca, 4
à 5 % seulement des étudiants en branche économique maîtrisent la
langue. « J’ai été obligé de parler arabe dans un cours qui était
programmé normalement en français parce que mes étudiants me
faisaient sentir que je parlais chinois à chaque fois que je parlais
français », s’exclame-t-il. Lorsqu’on lui a demandé les raisons de
la baisse du niveau du français, il a répondu : « ce n’est pas une
question du système de l’éducation. Il s’agit d’un problème
plus grave, nos jeunes Marocains ne lisent plus. Je me suis juré
d’offrir l’année dernière un abonnement annuel d’un journal
gratuitement à celui que je trouverai en train de lire un journal dans
la cour de la fac, et je vous assure que personne ne portait un journal,
même en arabe ». Alors les jeunes qui veulent avoir un abonnement au
choix pendant un an gratuitement, l’occasion est là. Il faut juste
remplir une condition primordiale : commencer à lire le plus tôt
possible… C’est une réalité, les Marocains lisent de moins en moins. La plupart des livres présentés sur les étalages des librairies sont des livres scolaires et universitaires. La vente des ouvrages littéraires représente un faible pourcentage dans le chiffre d’affaires des libraires. C’est ce que nous a affirmé Mohamed Zakaria, gérant de la librairie « Livre et service » à Rabat. Selon lui, ce phénomène tient à plusieurs raisons, notamment la faiblesse du pouvoir d’achat surtout chez les jeunes qui ne représentent d’ailleurs que 15 % des clients de la librairie. À cela s’ajoute l’influence des médias. Plus encore, Zakaria affirme que la vente des romans classiques connaît actuellement une chute vertigineuse.
Conscient de cette réalité, le secrétariat d’État
chargé de la jeunesse a lancé depuis le 15 janvier dernier une
campagne intitulée « Le temps du livre ». Cette campagne qui vise à
encourager les gens à faire don de livres, s’est fixé un objectif
plus important : il s’agit de rendre au livre sa valeur irremplaçable
pour ceux qui veulent apprendre… Selon les dernières statistiques réalisées par le ministère de l’Éducation nationale datant de 2003, le nombre d’élèves qui se sont inscrits dans des écoles privées a atteint 216. 519 enfants alors qu’il était de 196 756 en 2002. Le privé serait-il entré en dualité avec le public ? Il est encore tôt pour le savoir. En tous cas le programme des missions françaises serait plus performant que celui des écoles publiques. C’est ce que nous explique Gérard Mariau, le proviseur du lycée Descartes.
À rappeler que ce lycée est parmi les plus anciens des lycées de
missions culturelles au Maroc. Il a été mis en place en 1963,
permettant depuis sa création à plusieurs milliers d’élèves de décrocher
un baccalauréat français.
C’est le centre d’études arabes installé à Rabat qui est composé
d’ailleurs d’inspecteurs et d’enseignants marocains et français
travaillant ensemble qui élabore les programmes et examine leurs
applications. En fait, c’est un travail de coopération qui se fait
entre les deux pays par l’intermédiaire de ces cadres qui vont
d’ailleurs jusqu’à la conception de manuels scolaires. Yousra Amrani
Source : La Gazette du Maroc, n°354, le 09 février 2004 Adresse postale :Tour des Habours 13ème - Avenue des F.A.R - Casablanca - MAROC courriel : info@lagazettedumaroc.com
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