Conseil
international de la langue française
11 rue de
Navarin
75009 Paris
Monsieur
François HOLLANDE
Président de
la République
Palais de
l’Élysée
Monsieur le Président de la
République,
Devrai-je vous appeler un jour
"Mister Nederland" ?
Car tel est bien le sens profond
de l’article 2 scélérat du projet de loi de Mme Geneviève
Fioraso. Car comment voudrez-vous être compris des étudiants
étrangers si vous n’êtes pas vous même transformé en "globish" ?
Imaginez vous une seconde que le
général de Gaulle ou M. François Mitterrand auraient, un
instant, toléré que l’on abaisse le niveau du français en
acceptant que des pans de la science nous échappent dans
l’espoir fallacieux d’attirer quelques milliers d’étudiants
étrangers, alors que dans le même temps, on fait un tort certain
à des centaines de mille d’étudiants français et à des millions
d’étudiants francophones. Voilà la réalité. La France et la
francophonie, l’alliance de ces deux termes n’aurait-elle aucun
sens pour vous ?
J’ai dit projet scélérat et
j’ajoute, insensé.
Des universitaires sont-ils
capables de comprendre que dans notre monde globalisé, la langue
est consubstantiellement liée à la science, à la technique, à la
culture et, bien entendu, à la politique ? C’est comme la loi
du tonneau. Il suffit d’abaisser le niveau d’une douelle pour
que la totalité du vin s’écoule par la brèche.
Et c’est une ânerie de prétendre
que ces cours (en petit nombre puisque c’est ce qu’assure la
ministre) dispensés dans nos universités en anglais (et quel
anglais ?) amélioreraient le niveau d’anglais de nos étudiants.
À dire vrai, le problème est un problème de motivation et de
pédagogie.
Si le français manque
« d’attractivité » comme l’affirme Mme Fioraso, c’est tout
simplement parce que depuis des lustres, comme dans tous les
domaines, les Français n’ont pas fait suffisamment d’efforts
pour dynamiser leurs entreprises, leur culture, leur stature
politique. Nous en payons aujourd’hui le prix et vous avez la
magnifique tâche de redresser la barre.
Baisser les bras est une
occupation favorite de nos flagellants. J’en sais quelque chose
dans mes rapports quotidiens avec nos mandarins universitaires
et nos distingués conseillers culturels qui sont incapables de
répondre aux courriers et même aux courriels qu’on leur adresse.
Oh ! Tout cela n’est pas nouveau. Il existe une loi, la loi de
JOLY, selon laquelle chaque fois qu’un ministre fait un discours
sur la francophonie, on peut être sûr que les crédits seront
réduits de 5% le lendemain. Et depuis 45 ans, j’observe le même
phénomène pour la recherche scientifique.
Le combat que nous menons sur la
langue est le même que celui que nous voulons mener dans les
autres domaines. Il nous faudra peut-être bientôt un Ministre du
redressement linguistique tellement nous sommes tombés bas par
notre lâcheté.
C’est pourquoi je vous demande
instamment de faire retirer les dispositions linguistiques de
l’article 2 de la loi Fioraso.
Croyez que je soutiens tous les
efforts que fait votre gouvernement pour redresser notre pays
et, gaullien, j’y souscris de toutes mes modestes forces. Mais
au moins, ne nous tirons pas une balle dans le pied chaque fois
que nous en avons l’occasion
Il y a dans le projet de la
ministre un terrible manque de confiance en notre pays, un acte
d’autoflagellation. Pourquoi enrichir le système linguistique de
l’anglais qui nous est directement concurrent ? Peut-on
comprendre qu’il est aussi une provocation à l’endroit de tous
nos amis du monde qui nous font l’honneur d’apprendre ou de
conserver notre langue ?
Alors, soyons cohérents et
n’ayons pas peur de faire la promotion de nos intérêts dans tous
les domaines. Parlons anglais avec les anglophones. Avec les
autres, parlons, si nous pouvons, leurs langues et essayons
d’instiller le maximum de français ou de multilinguisme dans nos
relations. Mais de grâce, ce serait vraiment trop absurde de se
jeter aux pieds de concurrents qui ne nous ont jamais fait de
cadeaux…
Veuillez agréer, Monsieur le
Président de la République, les assurances de ma respectueuse
considération.
Hubert JOLY,
Secrétaire
général
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