À
l'occasion de la Journée européenne des langues
du 26 septembre 2003, un collectif international d'associations a
rédigé un appel pour dénoncer l'hégémonie de la langue anglaise
dans l'Union européenne et demander que la question linguistique soit
prise en compte rapidement par les responsables politiques avant
qu'elle ne devienne une source de conflits et un motif d'éclatement
de la communauté.
Vous
trouverez, en pièce jointe, le texte de cet appel et la liste des
signataires. Il a été envoyé, en France, à tous les députés et
à la grande presse.
Cordialement
Défense de la langue française
Pièce
jointe :
A P P E L
du 26 septembre 2003
Journée européenne des langues
« L’EUROPE SERA MULTILINGUE OU NE SERA PAS »
Les institutions de l’Union européenne, en
donnant la préférence à l’anglais pour en faire pratiquement
la langue unique de l’Europe, violent les traités européens.
Le choix de l’anglais comme langue
dominatrice procure des avantages massifs, d’ordre économique
et politique, aux citoyens de l’UE dont il est la langue
maternelle.
Les citoyens de l’UE qui ont d’autres
langues maternelles que l’anglais deviennent des étrangers dans
l’Union et prennent de moins en moins part à la démocratie de
l’Union.
Les langues européennes autres que la langue
dominatrice perdent de plus en plus de leur importance culturelle
; l’identité culturelle des pays où elles sont pratiquées est
dangereusement lésée.
L’Union européenne perdra son droit à l’existence
si elle n’arrête pas l’évolution actuelle vers 1’unilinguisme,
et si elle ne revient pas à la pluralité linguistique.
C’est pourquoi, nous appelons les citoyens
des pays non anglophones à mettre en œuvre toute leur influence
politique afin de lutter contre l’évolution de l’Europe vers
l’unilinguisme.
L’Union européenne est née en tant qu’association
libre de pays européens dans une entité supranationale, assurant
le pluralisme et l’égalité des droits de tous les peuples
participants.
Pour la première fois dans l’Histoire, les
pays européens ont décidé d’unir leurs destinées dans un
projet d’intégration mettant fin à toute division, à tout
conflit, à toute velléité de domination.
Un projet européen de cette taille ne
saurait se concevoir sans le respect absolu de l’identité des
pays qu’il rassemble, de leur culture et du multilinguisme qui
en est l’expression tangible et l’essence même, la condition
nécessaire à sa réussite.
L’article 217 du traité instituant la
Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars
1957, stipule : « Le régime linguistique des institutions de
la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions
prévues par le statut de la Cour de justice, par le Conseil
statuant à l’unanimité. » Cet article n’a jamais été
changé, malgré toutes les modifications que le traité a subies
par la suite. N’a pas changé non plus le règlement d’application
(1) où on lit : « Les langues
officielles et les langues de travail sont la langue française,
la langue italienne, la langue néerlandaise et la langue
allemande. » À ces quatre premières se sont ajoutées, au
fur et à mesure des adhésions, les langues des nouveaux pays
membres. Ce fait souligne l’importance accordée à la langue de
chaque pays dans le contexte de l’intégration des peuples
européens.
Dans la réalité, cependant, ces dispositions
ne sont pas appliquées, ce qui rend difficile la participation
effective du citoyen européen, qui finit par regarder les
institutions européennes comme des entités lointaines et
artificielles. L’absence, dans la pratique, d’un véritable
multilinguisme, accroît de façon exponentielle la distance entre
les citoyens et les institutions et leur gestion de la «res
publica europea».
Règlement n.1 établissant le régime
linguistique de la Communauté économique européenne, article
1er - Journal officiel n° 017 du 06/10/1958, p 385.
En cachette et tout en continuant à affirmer
le contraire(2), des institutions européennes, et notamment la
Commission, ont mis en œuvre des mesures et des pratiques de plus
en plus ramifiées affectant le multilinguisme et favorisant une
seule langue. Les raisons invoquées pour cette mise à l’écart
« pragmatique » des autres langues sont toutes d’ordre
financier, et cela bien que la Commission européenne ait affirmé
dans nombre de documents officiels que de tels motifs n’entrent
pas en ligne de compte pour le règlement de difficultés d’ordre
politique. Et les langues sont justement un obstacle politique,
peut-être même l’un des plus notables.
Parallèlement, les programmes d’enseignement
des différents États membres sont de plus en plus axés, et pas
seulement dans le domaine linguistique, sur la langue anglaise, à
tel point que pour un élève ou un étudiant il devient
difficile, voire impossible, de choisir les langues qui se
présentaient traditionnellement comme faisant partie de la
culture européenne, comme le français, l’allemand, l’italien,
l’espagnol. Et tout cela en contradiction ouverte avec les
conclusions du Sommet de Barcelone où, pour favoriser une
intégration harmonieuse entre les peuples, on a invité les
États membres à faire apprendre aux jeunes au moins deux langues
étrangères.
La langue est un instrument de pouvoir,
peut-être le moins évident, mais sûrement le plus efficace. On
est donc confronté à une tentative de colonisation de l’Europe
à laquelle collaborent, de bonne ou de mauvaise foi, les
responsables des politiques communautaires, et pas seulement dans
le secteur linguistique. Conséquence immédiate de cette
stratégie de domination et de son acceptation irresponsable de la
part des autorités des autres pays, peu à peu les citoyens de
langue maternelle anglaise vont occuper non seulement tous les
postes clés mais tout simplement et prioritairement tous les
postes en laissant aux autres ce qui reste. Cette évolution est
déjà en cours dans les institutions de l’Union et dans
beaucoup d’entreprises européennes.
(2) Déclaration inscrite au procès-verbal du
Conseil, 25 juin 2002 : « Rappelant les conclusions du Conseil
européen de Barcelone en ce qui concerne l’enseignement des
langues étrangères, le Conseil et la Commission encouragent l’ensemble
des institutions à promouvoir la diversité culturelle et les
connaissances linguistiques à tous les stades de la carrière des
fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes. »
La classe politique européenne ne saurait s’acquitter
de ses responsabilités dans le domaine linguistique par de
simples contributions en faveur de langues locales et/ou
minoritaires. Aujourd’hui sont menacées et doivent être
developpées des langues telles que le français, l’espagnol, l’italien,
l’allemand et toutes les autres langues officielles, qui
constituent le fleuron de la culture et du patrimoine européens
et servent de support à bien d’autres langues à travers le
monde.
Dans cette lutte, personne ne se sauvera seul.
Ceux qui se plient à la domination de l’anglais et espèrent la
tempérer par la survie d’une ou de deux autres langues sont des
perdants, dès le départ. D’abord, parce qu’il faut assurer
la participation effective du citoyen à la « res publica europea
» et, ensuite, parce que ce qui est aujourd’hui remis en
question c’est une façon de vivre, une forme de pensée, une
vision du monde qui ne peuvent se résumer ni en une ni en deux ni
en trois langues seulement.
Il est nécessaire et urgent de mettre en
œuvre un système européen souple et flexible, qui assure le
lien entre l’Europe et ses citoyens et les conduise à
participer activement à sa construction, dans une optique de
culture et de démocratie.
La colonisation actuellement en cours sape les
valeurs d’égalité et d’égale dignité qui sont garanties
aux citoyens européens par les textes, mais systématiquement
remises en question par la Commission et d’autres institutions.
Nous sommes convaincus que, sans une égalité
effective entre les citoyens européens, toute obligation morale
d'appuyer et de renforcer l'Union tombera, pour laisser la place
à l'obligation opposée de la détruire afin de sauvegarder sa
propre identité, ce qui serait une vraie tragédie.
Ou bien l'Europe respectera et gardera la
diversité de ses cultures et de ses langues, cette diversité qui
en constitue l'identité et la spécificité, ou bien elle périra
dans une série de conflits, dont on perçoit déjà les premiers
signes.
Nous lançons donc un appel à
tous les Européens
épris de liberté et soucieux de préserver leur identité et les
valeurs portées par leur langue pour qu’ils exigent du
Parlement européen, du Conseil de l’Union, de la Commission
européenne :
1. La primauté, pour la question linguistique
en Europe, de sa dimension politique, sur tout autre aspect
technique ou financier.
2. Le respect de la diversité linguistique et
culturelle de l’Europe, sans laquelle celle-ci perdrait
elle-même son identité.
3. Un régime linguistique des institutions européennes
explicite, choisi
selon des règles démocratiques et transparentes, soumis à un
véritable débat public.
4. L’adoption d’une politique linguistique
fondée sur le principe d’égalité des citoyens et, par
conséquent, d’égalité de leurs langues et cultures
respectives.
Comité de coordination pour la démocratie
linguistique en Europe
AFAL (Association francophone d’amitié et de
liaison)
Alarme lingua
Alliance Champlain
APROBI (Association des professionnels de la
traduction des brevets d’invention)
APFF (Association pour la francophonie en
flandre)
ASSELAF (association pour la sauvegarde et l’expansion
de la langue française)
Biblionef
Campagne Européenne pour les langues
CLEC (Cercle littéraire des écrivains
cheminots)
Croiser les savoirs pour savoir
DLF (Défense de la Langue Française)
DDC (Droit de comprendre)
e-historia.net
Espace francophone de l’Estonie)
EVEO (Échanges et valeurs Est-Ouest)
Ligue de coopération culturelle et
scientifique Roumanie- France
L’Altra Sicilia
Lingarium-démocratia
Observatoire International de la Langue
Française
Sprachkreis Deutsch
VDS (Verein Deutsche Sprache)
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